Conserver des documents importants en toute sécurité: le coffre-fort digital fait recette
Alors que les coffres dans les banques disparaissent peu à peu et que la digitalisation s’accélère, comment conserver des documents importants en toute sécurité?
La réponse est à chercher du côté d’un nouvel outil: le coffre-fort digital. Cet instrument 2.0 permet de stocker de manière sécurisée – principalement dans le Cloud – des documents électroniques administratifs, financiers, bancaires, personnels… De quoi se débarrasser des gros classeurs qui encombrent les armoires. Mais aussi protéger données et documents sensibles des hackers, sur un support plus fiable qu’une clé USB.
Un e-coffre notarial pour tous
Plusieurs types d’acteurs se positionnent sur ce marché, notamment des sociétés de la tech au travers d’applications dédiées essentiellement aux entreprises. Mais aussi des banques, des fédérations sectorielles, comme celle des notaires, ou encore l’administration publique. Leurs solutions sont, elles, en général gratuites et développées pour le particulier. Du moins pour l’instant.
250 000
Belges entreposent déjà des documents dans un e-coffre Izimi.
Perdre un document notarial peut donner des sueurs froides. La Fédération du notariat (Fednot) a donc lancé, fin 2020, Izimi, un coffre-fort digital grand public. Tout citoyen qui dispose d’un numéro national en possède automatiquement et gratuitement un. Il suffit de l’ouvrir en ligne à l’aide de sa carte d’identité électronique ou grâce à l’application Itsme, en fixe ou en mobile.
Avec plus de 250 000 utilisateurs aujourd’hui, on peut parler de succès. Que peut-on y déposer? Tous les actes notariés signés depuis 2015 – il suffit de stipuler le nom de son notaire et les document sont directement importés – mais pas seulement. «Une attestation de diplôme, un contrat de travail ou d’assurance, un certificat médical, le carnet de vaccination d’un enfant, la liste de tous ses mots de passe Internet… Bref, n’importe quel document important auquel on peut avoir accès à tout moment», résume David Remy, notaire à Fernelmont. La limite? Elle est technique: 1 Go de données maximum, en plus des actes notariés. Pas question d’y stocker ses photos de vacances. Mais l’interface est plutôt agréable et on peut classer les documents par catégories (données personnelles, famille, logement, santé…). L’outil permet également de communiquer de façon sécurisée. «Si un client veut m’envoyer un document sans passer par un e-mail, il le met sur le portail et le partage avec moi», illustre le notaire. La communication fonctionne aussi de citoyen à citoyen, pour autant que les deux aient activé Izimi.
Un tiers seulement de nos coffres-forts physiques disponibles sont occupés.
Depuis peu, la plateforme offre un autre avantage important: elle peut accueillir des documents certifiés par un notaire de façon numérique. «Lorsque vous recevez le PDF, un petit macaron qui garantit la certification y figurera. La technologie de l’application agit comme un blockchain pour garantir l’immutabilité et la traçabilité des données», poursuit Me Remy. Ça fonctionne pour les nouveaux documents, pour les copies numériques d’actes papier et pour la certification de conventions sous seing privé. Le coût reste le même que s’il s’agissait d’un document papier. Enfin, difficile de parler «notaire» sans parler «succession». L’outil a aussi été pensé pour ça. En cas de décès, les documents présents dans Izimi sont transférés aux héritiers (sauf contre-indication du défunt avant sa mort). Pour les notaires, il y a aussi évidemment un intérêt: un gain de temps et des économies.
La timide arrivée des banques
Autre acteur à se positionner sur le marché: les banques. BNP Paribas Fortis a intégré un coffre-fort numérique d’une capacité de 2 Go dans sa solution de gestion de patrimoine PaxFamilia. L’ensemble a été lancé en 2019 et, aujourd’hui, environ 40 000 clients y ont déjà posté des documents. «L’idée est que toute la documentation liée au patrimoine soit centralisée à un seul endroit, précise Benoît Frin, Director Estate Planning & Lending au sein de la banque. La coordination est ainsi beaucoup plus facile. Evidemment, nous n’avons pas accès à ce que le client dépose dans le coffre-fort.» L’outil présente toutefois plusieurs limites: il est réservé aux clients de la banque privée et du wealth management, pas à Monsieur Tout-le-Monde. Et pour l’instant, il n’est accessible que par ordinateur. La version mobile devrait arriver prochainement, mais sans projet de l’étendre à l’ensemble de la clientèle.
Autre établissement, autre stratégie. Chez CBC/KBC, on a misé sur un instrument grand public. Tous les clients d’un compte Plus (payant) ont accès à un e-coffre-fort dans leur application bancaire. «Les gens sauvegardent de plus en plus leurs documents de façon numérique et ils ont besoin de le faire de manière confidentielle. Il nous paraissait normal de jouer un rôle à ce niveau car nous sommes associés à cette sécurité», commente Bruno Menu, directeur des produits digitaux et des paiements. Après environ quatre ans d’existence, l’outil compte 105 000 utilisateurs. «Et 150 000 documents sont stockés. On dénombre cinq mille nouveaux utilisateurs par mois, preuve qu’il y a un vrai besoin.» Ici aussi, on stocke ce que l’on veut. «Du mot de passe Netflix au testament, et il n’y a pas de limite de taille.» Un système d’échange avec une personne qui possède aussi un compte est également prévu. L’avantage est de ne pas avoir besoin de multiples applications, on se connecte avec le même mot de passe que celui de son application bancaire.
L’immense facturier de Doccle
Dans le futur, l’entreprise belge Doccle pourrait jouer un rôle important dans le secteur. «Avec 2,8 millions d’utilisateurs, nous sommes présents, grâce à notre coffre-fort digital, dans 57% des familles belges qui conservent des documents administratifs et nous enregistrons 30 000 nouveaux utilisateurs par mois», se réjouit Bram Lerouge, CEO de l’entreprise, qui travaille avec plus de 17 500 sociétés ou structures, parmi lesquelles les opérateurs de distribution d’eau du royaume, 80% des secrétariats sociaux, la majorité des mutualités et des opérateurs télécoms, des hôpitaux, etc. Sauf qu’ici, le modèle diffère de ceux cités plus haut. Il part des entreprises et structures clientes de Doccle qui utilisent le service pour envoyer leurs fiches de paie à leurs travailleurs ou distribuer les factures à leurs clients. Pour ces derniers, qui y ont accès par un mot de passe, Itsme ou eID, c’est l’entreprise émettrice qui paie le service. Pour l’instant, le canal est surtout unidirectionnel, avec des documents reçus de la part d’entreprises (même s’il est possible d’ajouter soi-même d’autres documents). Pour la suite, Doccle souhaite développer la communication des utilisateurs vers les entreprises.
Le prestataire de services a créé des synergies avec les pouvoirs publics, ce qui permet d’accéder à My eBox via un compte Doccle. La messagerie électronique des pouvoirs publics pour les documents officiels donne elle aussi la possibilité de les stocker (avec des périodes limitées) de façon plus sécurisée que par e-mail, par exemple. Autre projet public dans les cartons: celui du SPF Stratégie et appui (Bosa), qui devrait voir le jour à la fin de l’année. Ici, on parle de «portefeuille» digital dont la première fonctionnalité sera l’identité numérique (en gros, l’équivalent digital de la carte d’identité). Avec l’outil, on pourra se rendre sur My eBox. A noter que l’on peut déjà aussi y accéder via l’application de CBC (également partenaire de Doccle).
Le blues des coffres-forts physiques
Alors que les espaces de stockage numériques sont en plein essor, les bons vieux coffres-forts physiques, qui permettent de conserver objets de valeur, argent, documents importants, sont, eux, boudés par les clients des banques. «Chez BNP Paribas Fortis, à peu près un tiers des coffres disponibles sont occupés. Nous constatons une baisse des locations entre 10% et 15% par an», confirme Valery Halloy, porte-parole de l’établissement financier. Malgré tout, la banque n’a pas prévu de supprimer ce service facturé de 90 à 110 euros par an, selon la taille du coffre. Même tarif de base chez CBC, où 75% des agences disposent encore de coffres. «Mais en cas de rénovation ou de déménagement d’une agence, nous n’y intégrons a priori pas de nouvelle salle de coffres étant donné qu’ils sont de moins en moins utilisés par nos clients», précise Fabien Tyteca, porte-parole de CBC. La location d’un coffre-fort est encore possible chez Belfius (à partir de 80 euros par an), dans certaines agences Axa (à partir de 54 euros par an). Chez ING, par contre, on a jeté l’éponge. Depuis janvier 2022, la banque n’accepte plus de nouvelles demandes. La fermeture totale de ses salles de coffres est prévue d’ici à la fin 2023. Pour les clients qui auraient absolument besoin de ce service, ING renvoie vers l’entreprise privée CitySafes, spécialisée dans ce créneau et qui prend de l’ampleur. Cette entreprise a déjà ouvert douze filiales en Belgique et sept sont en projet. Côté prix, c’est un poil plus cher que dans une banque. Tarif de base: 8,95 euros par mois (107,40 euros par an).
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici