« Combien tu gagnes? » Abolir un tabou pour atteindre l’équité salariale
Combien tu gagnes? » La question est inconfortable. Pourtant, mieux connaître les salaires de chacun permettra aux femmes de mieux faire valoir leurs propres droits, souligne l’association ZIJkant. Le mouvement féministe appelle donc à faire sauter ce tabou alors qu’à partir de ce dimanche, les femmes belges travailleront gratuitement jusqu’à la fin de l’année.
Un Belge sur deux (56%) ne connaît pas le salaire de ses collègues ou de ses amis. Encore moins (66%) celui de leur supérieur, ressort-il d’une enquête commandée par ZIJkant et menée par Ipsos auprès d’un millier d’adultes.
Sur ce dernier point, les femmes restent particulièrement dans le flou, 74% ignorant la rémunération de leur hiérarchie contre 58% des hommes. Elles sont également moins enclines à discuter de leur propre fiche de paie, que ce soit entre collègues ou avec leur supérieur. Ainsi, 61% n’abordent jamais le sujet avec leur chef, contre 45% des hommes. Ce manque de transparence alimente le fossé salarial entre les travailleuses et leurs homologues masculins. En 2021, pour chaque heure prestée, une femme gagnait ainsi 9,2% de moins qu’un homme.
La répartition du travail inégale
En salaire annuel, cet écart se creusait à 23,1% d’après l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes. Pourquoi ce bond, entre le salaire horaire et annuel? Les facteurs sont multiples. La répartition du travail est en effet inégale. Les femmes restent ainsi cantonnées à certains métiers (comme le nettoyage, les soins, l’accueil de la petite enfance). « Ce sont justement les professions étiquetées ‘féminines’ qui sont moins bien rémunérées », relève ZIJkant. Les femmes accèdent aussi plus difficilement à des postes à responsabilités, et donc mieux payés. C’est ce qu’on appelle le « plafond de verre« . Elles sont également plus nombreuses à opter pour un temps partiel (41% en 2022, contre 12% d’hommes) ou une pause-carrière afin de s’occuper des autres (enfants, parents âgés, proches malades…).
Le même congé de naissance pour les papas
De manière générale, « les hommes sont encore vus comme étant ceux qui font bouillir la marmite et ont donc davantage la liberté de se consacrer à leur carrière« , énumère ZIJkant. En conséquence, ils bénéficient aussi de davantage de formations, plus longues et plus poussées. « Une excellente base pour obtenir une promotion », note l’association, montrant ainsi que ces facteurs s’entremêlent. Ce fossé n’est pas une fatalité, rappelle ZIJkant. « Les politiques doivent choisir de renforcer la Loi Ecart salarial et de mettre en oeuvre les règles européennes en matière de transparence salariale. Nous plaidons en parallèle pour que les pères bénéficient d’un congé de naissance similaire à celui des mères afin de favoriser directement une meilleure répartition des tâches », conclut l’association féministe. Celle-ci fera entendre sa voix jeudi lors de manifestations à Bruxelles et à Gand.