« C’est le moment opportun » : 4 conseils d’un économiste pour investir intelligemment malgré un contexte tendu
L’augmentation imprévue des taux d’intérêt perturbe les marchés boursiers, tandis que le contexte géopolitique rajoute une dose d’incertitude. Mais pas encore au point de faire vaciller le système. L’investisseur doit-il s’inquiéter du contexte actuel ? Quelle attitude adopter ? Les conseils, en 4 points, de Mikael Petitjean, économiste en chef de Waterloo Asset Management et professeur à l’UCLouvain.
Halloween approche, et pour les investisseurs en Bourse, la période est aussi propice aux sueurs froides. Historiquement, septembre et octobre sont en effet les deux mois les plus compliqués pour investir sur les marchés boursiers. Sur le grand indice américain (S&P 500), le rendement moyen était de -0,22% en septembre.
La chute des feuilles ne sent donc jamais très bon pour investir, et l’incertitude géopolitique liée aux guerres en Ukraine et en Israël rajoute un risque de dérapage. Alors, l’investisseur a-t-il de bonnes raisons de craindre le déséquilibre ? Le point en 4 questions avec Mikael Petitjean, économiste en chef de Waterloo Asset Management et professeur à l’UCLouvain.
1. Comment expliquer que la période automnale n’est pas idéale pour investir ?
Mikael Petitjean. Septembre et octobre sont effectivement les deux plus mauvais mois pour les marchés boursiers. Ce sont des faits vérifiés. En revanche, la fin de l’année est bien meilleure. Les mois de novembre, décembre et janvier affichent les meilleures performances sur l’année, avec le moi d’avril. On constate donc un rebond en fin d’année, et au début de l’année qui suit.
Le reporting des fonds d’investissement joue un rôle majeur dans ce rebond. Concrètement, ces derniers tentent de se débarrasser d’actions qui sont en perte pour compenser les gains en capital réalisés ailleurs dans le portefeuille. Ils nettoient aussi leur portefeuille pour n’afficher que des noms connus. Et, en janvier, ils rachètent ces sociétés si elles gardent du potentiel.
La hausse imprévue des taux d’intérêt est l’élément principal qui pèse sur les marchés boursiers. Davantage que l’inflation ou le contexte géopolitique.
Mikael Petitjean, économiste.
Si une année présente de bonnes performances durant les 6-7 premiers mois, les fonds prennent alors leurs profits, ce qui provoque une deuxième partie d’année moins bonne. Un dicton boursier dit : « Vendez en mai et revenez en fin d’année ».
Ce problème est lié à un phénomène de correction, principalement sur le plan des taux d’intérêt. La hausse des taux a été beaucoup plus forte que prévu, on a d’ailleurs touché les 5% aux Etats-Unis sur les obligations dont la maturité est de 10 ans. C’est l’élément principal qui pèse sur les marchés actuellement.
2. Pourquoi la hausse des taux est-elle mauvaise pour investir ?
Mikael Petitjean. On remarque que le S&P 500, -les 500 plus grandes entreprises cotées en Bourse aux Etats-Unis-, a été principalement porté par les magnificent seven (Amazon, Apple, Microsoft, etc). Pour ces dernières, l’investisseur peut réaliser des anticipations de croissance de profits dans l’avenir, sur le long terme. Ainsi, si vous investissez 100 euros aujourd’hui, ils vaudront beaucoup moins sur le moyen-long terme (5 à 10 ans) en cas de taux d’intérêt élevés. C’est mathématique.
Les grandes entreprises technologiques sont plus sensibles à l’évolution des taux d’intérêt car leurs perspectives de profits sont plus éloignées dans le temps.
Mikael Petitjean, économiste
La hausse des taux d’intérêt est donc le problème majeur. Il doit être distingué de l’inflation qui, elle, peut être contrée par les grandes entreprises. Certaines ont même pu améliorer leurs marges dans cette période inflationniste soutenue. Grâce à leur pouvoir de marché, elles peuvent répercuter la hausse de leurs coûts sur leurs prix de vente.
En résumé, le mécanisme d’actualisation des bénéfices à venir provoque un réajustement dans le marché. Ce dernier impacte toutes les Bourses. Mais les grandes entreprises technologiques sont plus sensibles à l’évolution des taux d’intérêt car leurs perspectives de profits sont plus éloignées dans le temps.
3. Le contexte géopolitique actuel peut-il impacter considérablement le marché boursier ?
Mikael Petitjean. On ne peut pas dire qu’il ne le perturbe pas. Mais, pour l’instant, l’impact reste limité. Les marchés n’anticipent pas, pour l’instant, un embrasement total dans la zone du Moyen-Orient. Généralement, en cas de panique dans le marché, on constate une montée de l’or très importante et une diminution des taux d’intérêt. Or, ce n’est pas vraiment le cas. On constate une hausse des taux d’intérêt et, sur les six derniers mois, l’or est toujours à la baisse. Tout comme le pétrole (-1,50%) depuis un mois. On ne peut donc pas vraiment faire le lien entre les tensions géopolitiques actuelles et la baisse du cours des actions et des obligations.
4. Comment l’investisseur, novice ou expérimenté, doit-il se comporter actuellement ? Les obligations représentent-elles une bonne alternative ?
Mikael Petitjean. Dans un portefeuille diversifié, il faut en effet penser un peu plus aux obligations. Car on est en train d’atteindre des sommets historiquement intéressants pour des obligations. Par exemple, pour les obligations américaines et allemandes, les taux d’intérêt à dix ans sont ceux qu’on observait respectivement en 2007 et 2011. Il faut donc remonter loin dans le temps pour retrouver des taux aussi avantageux. Or, étant donné qu’on s’attend à une baisse de l’inflation, c’est le moment opportun pour des obligations, pour autant qu’on ait une vision à moyen-long terme.
Quelques conseils, en bref:
- Les actions restent les plus rémunératrices et les plus efficaces contre l’inflation;
- Adopter une vision à long terme, diversifiée et régulière;
- Opter pour les trackers (des instruments financiers qui répliquent la performance des indices boursiers);
- Diversifier son portefeuille sur le long terme permet de ne plus craindre les corrections boursières;
- Le défi majeur est psychologique : la capacité à investir régulièrement et de manière diversifiée est la clé;
- Placer minimum pour 7 à 10 ans, avec une part obligataire qui peut être augmentée aujourd’hui;
- Ne pas trop chercher à faire de l’argent sur le court terme.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici