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Si prudentes quand il s’agit d’augmenter les taux d’intérêt sur les comptes d’épargne, les banques se montrent bien plus réactives pour les revoir à la baisse.

« Une attitude tout à fait opportuniste »: les banques se dépêchent de baisser les taux des comptes d’épargne (analyse)

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Les analystes s’attendent à une troisième diminution des taux directeurs de la Banque centrale européenne, le 17 octobre prochain. Certaines banques revoient déjà les leurs à la baisse sur les comptes d’épargne. Ce qui rend les formules à taux fixe d’autant plus attractives.

La lutte contre l’inflation brutale de 2022 touche-t-elle à sa fin? C’est ce que laissent présager les baisses successives de taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE). Après deux ajustements de -0,25 point de pourcentage en juin et septembre dernier, l’institution monétaire devrait annoncer une diminution du même ordre le 17 octobre prochain. Une hypothèse confortée par les récents chiffres d’Eurostat, faisant état d’un retour du taux d’inflation annuel de la zone euro à 1,8% en septembre 2024. C’est la première fois, en plus de trois ans, qu’il repasse sous la barre des 2%, soit l’objectif que la BCE s’était précisément fixé. Dans de telles conditions, les analystes jugent la politique actuelle trop restrictive pour l’activité économique.

Une inflation plus élevée en Belgique

A l’échelle de la Belgique, l’inflation demeure bien plus élevée. Pour comparer sa situation avec celle de différents Etats européens, il faut recourir à l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH). Sur cette base, la hausse du coût de la vie y atteignait encore 4,5% en septembre, soit le taux le plus haut parmi l’ensemble des pays de la zone euro, comme le montrent les chiffres d’Eurostat. L’énergie, entre autres, continue de tirer l’inflation vers le haut en Belgique. Les prix du gaz naturel y ont ainsi augmenté de 138% par rapport à septembre 2023 et ceux de l’électricité, de 14,8%. Inversement, le prix du gasoil de chauffage, lissé sur douze mois, a diminué de 10,6% en un an et celui des carburants, de 14,7%.

Logiquement, c’est toutefois la conjoncture européenne dans son ensemble qui dicte les décisions de la BCE. «En principe, une vague d’inflation est vaincue par des taux plus élevés, rappelle Bruno Colmant, économiste et membre de l’Académie royale de Belgique. La raison est simple: d’un côté, emprunter coûte alors plus cher, et de l’autre, il devient plus avantageux d’épargner que de consommer. Entre-temps, l’inflation a fortement baissé en Europe, essentiellement en raison de la diminution du coût de l’énergie. Les taux élevés de la BCE ne se justifient donc plus, d’autant que l’on vit un choc industriel très important.» Tous les feux ne sont cependant pas au vert pour une réduction plus importante des taux directeurs. D’abord parce que l’inflation des services demeure à un niveau élevé (4,2%), comme le pointe la BCE dans un compte-rendu de réunion publié ce 10 octobre. Ensuite parce que l’inflation a diminué moins rapidement que prévu en septembre aux Etats-Unis, suscitant ce jeudi une clôture dans le rouge des marchés américains et européens.

L’hiver approchant, l’Europe s’attend en outre à une stabilisation des prix de l’énergie, ce qui ne devrait pas conduire à une diminution significative de l’indice des prix à la consommation, et donc de l’inflation. «Et n’oublions pas qu’il demeure une incertitude autour de l’élection de Donald Trump, ajoute Bruno Colmant. On ne sait pas très bien ce qu’il prévoit en termes de gestion du dollar. Les banques ne procéderont pas à de grands mouvements en matière de taux d’intérêt avant de voir comment la situation se stabilise aux Etats-Unis.» En conséquence, et sauf événement inattendu, l’économiste ne s’attend pas à ce que la BCE procède, après le 17 octobre prochain, à d’autres baisses de taux en 2024.

Les conséquences sur l’épargne et les prêts hypothécaires

Inévitablement, la baisse des taux directeurs de la BCE incite les banques à en faire de même sur leurs comptes d’épargne. Si prudentes quand il s’agit de les augmenter, elles se montrent bien plus réactives pour les revoir à la baisse. «Les banques adoptent une attitude tout à fait opportuniste à cet égard, confirme Bruno Colmant. Quand les taux de la BCE ont augmenté, elles auraient pu rapidement mieux rémunérer l’épargne, mais elles ne l’ont pas fait. D’où les pressions du gouvernement belge l’année dernière, par l’entremise des bons d’Etat, visant à les forcer à augmenter les taux. En revanche, quand la conjoncture change, elles n’hésiteront pas à les baisser assez vite.»

La phase de repli a déjà commencé:

  • Depuis le 16 septembre dernier, la banque CPH a ainsi réduit ses taux de 0,6% sur son compte d’épargne classique (taux de base et prime de fidélité incluse);
  • Santander Consumer Bank a fait de même début octobre (-0,2 point de pourcentage sur ses taux de base);
  • MeDirect procèdera aussi à une baisse des taux dès le 15 octobre: prime de fidélité incluse, le rendement de ses comptes Essential et Fidelity Savings passeront respectivement à 2,5 et 2,3% (-0,3 et -0,25 point de pourcentage).
  • Ce n’est pas un hasard si les petites banques sont plus enclines à mieux rémunérer l’épargne, mais aussi en première ligne quand il s’agit de réduire les taux. «Contrairement aux grandes banques, qui multiplient les sources de profit, les plus petits acteurs sont hyper dépendants des dépôts des clients, indique Bruno Colmant. Pour les attirer, ils doivent effectivement proposer des taux plus élevés. Mais quand la conjoncture change, ceux-ci peuvent les mettre en difficulté financière.» En effet, l’une des sources élémentaires de financement des banques est la «marge d’intermédiation», résultant de l’écart entre ce qu’elles perçoivent des emprunteurs et ce qu’elle verse aux épargnants. Dans cet équilibre financier, les grandes banques sont «de gros bateaux qui avancent et reculent lentement», illustre l’économiste, là où les petites s’apparentent à des embarcations plus agiles, mais aussi plus fragiles.

    Pour autant, Bruno Colmant est catégorique: la baisse des taux annoncée n’entraînera pas une diminution substantielle de ceux que les banques appliquent sur les prêts, notamment hypothécaires. Dans un contexte où l’inflation se maintient partiellement et où l’échéance électorale américaine se rapproche, c’est bien l’attentisme qui prédomine. Et vu sa durée, un crédit hypothécaire à taux fixe est d’autant plus soumis à l’inertie de la prudence.

    Les formules à taux fixe, d’autant plus intéressantes?

    Si la diminution des taux des comptes d’épargne reste limitée à ce stade, elle devrait s’étendre à d’autres acteurs bancaires dans les prochains mois. Ce qui tend à rendre les formules à taux fixe comparativement plus attractives, pour l’épargnant capable d’immobiliser une somme pendant au moins un an. Comptes à termes, bons de caisse, assurances-épargne… «L’engouement pour ces produits est tout à fait légitime, conclut Bruno Colmant. Ils ont le mérite d’offrir un rendement non volatile, un taux d’intérêt supérieur aux comptes d’épargne réglementés et permettent de profiter de la stabilité des banques.»

    Les particuliers souhaitant comparer les différents taux actualisés peuvent notamment obtenir une simulation via guide-epargne.be.

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