1,2,3… patrimoine! 247.000 ménages concernés par une taxe pour rapporter 10 milliards? (info Le Vif)
Selon une nouvelle étude de l’UCLouvain, que Le Vif a pu consulter, une taxe sur le patrimoine des Belges pourrait rapporter «entre 8,9 milliards et 13 milliards» annuels à l’Etat. L’estimation diffère fortement des dernières prédictions du Bureau fédéral du Plan.
Que rapporterait une taxe sur le patrimoine en Belgique? C’est l’épineuse question à laquelle ont tenté de répondre des chercheurs de l’UCLouvain, dans le nouveau numéro de Regards économiques. Largement débattue politiquement, la manne financière potentielle d’un impôt sur la fortune reste difficilement estimable. Une nouvelle méthode de calcul, décrite dans l’étude, ambitionne d’apporter davantage de précision par rapport aux dernières estimations en date.
Taxer le patrimoine? 10 milliards d’euros annuels
10 milliards d’euros par an: voilà l’opportunité financière dont pourrait se saisir l’Etat s’il décidait de mettre en place une taxation sur le patrimoine. Ce montant diffère fortement de la dernière référence évoquée par le Bureau fédéral du Plan (BFP), qui chiffrait un montant de 4 milliards annuels. «Ce gap s’explique par le fait que le Bureau fédéral du Plan utilise des données du European System of Central Banks (ESBC) qui datent de 2017. Entre temps, l’inflation a agi, les inégalités se sont creusées, et la fortune immobilière a augmenté», liste Martial Toniotti, économiste à l’UCLouvain et auteur de l’étude.
Selon le chercheur, les ménages ont également tendance à sous-estimer leurs avoirs. «Un million de patrimoine, cela ne signifie pas détenir un million sur son compte, illustre-t-il. Dans le calcul, il faut inclure des éléments comme l’immobilier ou la voiture. On observe donc une grande différence entre ce que les gens déclarent, et le patrimoine réel.»
Ainsi, en fonction des nouvelles données publiées par la BNB et la BCE (après le rapport du Bureau fédéral du Plan), appelées Distributional Wealth Accounts (DWA), l’étude louvaniste a opéré un remodelage afin de davantage correspondre à la réalité. D’où l’apparitions de différences marquantes.
La règle du 1-2-3
La méthode, baptisée 1-2-3, tente de chiffrer l’impact d’une taxe de 1% à partir du 1er million (10.000 euros), 2% à partir de 2 millions (20.000 euros), 3% à partir de 3 millions (30.000 euros). La taxation plafonnerait ensuite à 3% sur les millions supplémentaires. Cette formule est aussi évoquée par le BFP, mais n’est reprise par aucun parti politique belge lors de la campagne actuelle.
L’étude ne se veut pas incitative, (le système n’est pas parfait: il favoriserait par exemple la personne qui détiendrait un peu moins d’un million par rapport à celle qui dépasserait légèrement ce seuil), mais elle ambitionne de déterminer la source de revenus potentielle pour l’Etat. Selon le seuil d’exemption, entre 4 et 10% des ménages belges seraient concernés.
« Le principal défi dans la mise en place d’un impôt sur la fortune est la mesure du patrimoine par l’Etat lui-même.«
Cependant, des obstacles importants apparaissent dans l’optique d’une application potentielle. Pour Martial Toniotti, ils résident surtout dans le manque de moyens disponibles pour mesurer plus précisément le patrimoine de chaque citoyen. «Le principal défi dans la mise en place d’un impôt sur la fortune est la mesure du patrimoine par l’Etat lui-même. La tâche est plus ardue pour trancher entre les personnes qui se situent aux alentours du seuil du million d’euros. Quand on détient cinq millions, l’arbitrage est plus clair.»
Avec un seuil d’exemption fixé à un million d’euros, 247.000 ménages belges seraient concernés par cette taxe, soit 4,87% des foyers, avance Martial Toniotti. «Dans l’étude, les hypothèses biaisent vers le bas le revenu potentiel de la taxe sur le patrimoine, précise-t-il. Avec toutes les prudences de mise, donc, entre 8,9 milliards et 13 milliards pourraient être récoltés». Ainsi, l’auteur évalue à 10 milliards la recette annuelle probable.
Le patrimoine médian belge deux fois supérieur à la moyenne européenne
En parallèle, un récent rapport de Keytrade Bank et de l’UGent chiffre le patrimoine d’un ménage belge moyen à 249.301 euros. Il est nettement supérieur à la médiane européenne, qui est de 123.500 euros. «Ce chiffre signifie surtout que le Belge médian est propriétaire de sa maison. Il ne nous dit rien sur la richesse réelle. Car pour les 90% les plus pauvres, l’essentiel du patrimoine réside de l’immobilier», commente l’économiste de l’UCLouvain. Et de fait, les principales composantes du patrimoine des ménages belges sont la maison familiale (58,8 %), les autres biens immobiliers (24,2 %) et le compte d’épargne (9,4 %), liste l’étude.
Malgré un patrimoine médian plus élevé, les ménages belges ont dû sacrifier leur pouvoir d’achat depuis 2021. Le patrimoine n’a augmenté que de 2,8 %, alors que l’inflation pointait à 9,6 % en 2022 et de 4,1 % en 2023. Par ailleurs, la «richesse» d’un ménage belge semblent dépendre fortement du stade de vie, indique le communiqué. «Nous accumulons progressivement de la richesse pendant les années où nous travaillons, pour atteindre un pic à l’âge de la retraite. À partir de l’âge de la retraite, notre patrimoine commence à diminuer.»
Au total, selon Keytrade Bank, les Belges investissent plus de 80 % de leur patrimoine dans l’immobilier. Les plus fortunés seraient principalement des propriétaires: 61% de leur patrimoine est constitué de biens immobiliers, dont la maison familiale (21%), d’autres maisons (24%), des appartements (7%) et d’autres propriétés (9%). Enfin, par rapport aux 99% restants, les 1% les plus riches recourent à une approche de l’investissement beaucoup plus actif, avec une plus grande diversification de leur portefeuille.
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