Même les économistes les plus aguerris commettent des erreurs financières. © Getty Images

«J’ai attendu bien trop longtemps un krach boursier»: 11 avertissements contre les erreurs financières

Ewald Pironet Ewald Pironet est rédacteur du Knack.

Sous l’adage «apprendre des erreurs des autres», il a été demandé à onze personnes qui s’occupent quotidiennement d’économie et de finances quelles ont été leurs plus grandes erreurs financières. «Ma plus grande est d’avoir laissé la cupidité prendre le dessus.»

Nous faisons tous, à un moment ou à un autre, une faute financière, c’est humain. L’achat d’une belle paire de chaussures bien chères qui, finalement, se sont révélées inconfortables et qui traînent dans un placard depuis des années. Ou encore à une paire de rollers qui, comme en témoigne un ancien ministre du Budget dans cet article, reste inutilisée depuis des années dans un garage.

Si ces erreurs financières ne coûtent pas une fortune, elles ne laissent pas pour autant un bon souvenir. Engendrant la promesse interne d’y réfléchir à deux fois, à l’avenir, avant de dépenser.

Parfois, les erreurs financières ont des conséquences bien plus lourdes, car l’investissement part en fumée. Comme pour les investisseurs qui avaient une confiance inébranlable dans Lernout & Hauspie, ou ceux qui ont placé leur argent dans l’action «bon père de famille» Fortis, cette grande banque qui a frôlé la faillite. Cela fait déjà plus mal que l’achat d’un thermomix jamais utilisé. Nous avons interrogé onze personnes aguerries du monde financier sur leur plus grosse erreur financière. Trois grandes causes ressortent de leurs témoignages.

La première cause est la cupidité. On dit que l’amour rend aveugle, mais l’idée de s’enrichir rapidement semble avoir le même effet. Et cela peut très mal finir, comme pour ce banquier privé qui n’a pas fait ses devoirs et a vu ses propres investissements fondre comme neige au soleil. Ou encore pour ce trader qui pensait réaliser le coup de sa vie, mais qui a en réalité perdu 80 % de son capital, comme il l’avoue lui-même.

Première leçon: la cupidité est une mauvaise conseillère. Il ne faut pas en vouloir trop, ni trop vite. Pour constituer une épargne, mieux vaut avancer progressivement. Le chemin sera semé d’embûches, car vos investissements ne seront pas toujours performants. Mais surtout, il ne faut pas paniquer, car la panique est également un mauvais guide.

De manière plus générale, les émotions constituent la deuxième grande cause des erreurs financières. Il vaut mieux éviter de tomber amoureux d’une maison, et encore plus d’un placement.

La cupidité est une mauvaise conseillère. Il ne faut pas en vouloir trop, ni trop vite.

La troisième cause des erreurs financières est la naïveté et le manque de préparation. Cela vous rend plus vulnérable aux beaux discours et aux excuses. Comme cette personne qui, faute d’avoir bien préparé ses arguments, s’est vu refuser deux fois une augmentation de salaire. Ou cette finfluenceuse qui, au bout de six mois, a été surprise par les frais élevés que sa banque lui facturait pour ses fonds d’investissement.

D’où ce conseil: préparez-vous toujours soigneusement, surtout lorsqu’il s’agit d’argent. Le simple fait que vous lisiez cet article est déjà un bon signe en ce sens.

1. Stefan Willems

Conseiller en investissement.

Ma plus grande erreur financière est d’avoir laissé la cupidité prendre le dessus. En 2014, je travaillais dans la salle des marchés de KBC. J’avais accès à tous les rapports d’analystes et je me sentais comme un roi. A l’époque, il existait certains produits financiers, les turbo’s, qui permettaient d’investir avec un effet de levier: si une action augmentait de 1 %, un tel turbo pouvait grimper de 4%. A ce moment-là, je gagnais plus en investissant dans des turbo’s qu’avec mon travail.

J’ai alors commencé à placer une part de plus en plus importante de mon capital dans ces produits. L’été 2014 approchait, et Mobistar devait publier de nouveaux résultats. J’avais lu dans les rapports d’analystes que cette entreprise de télécommunications avait perdu de nombreux clients. J’ai donc parié avec des turbo’s sur la baisse du cours de Mobistar. Or, les chiffres publiés par l’entreprise ont bien montré une perte de clients, mais moins importante que prévu.

Conséquence: l’action Mobistar a grimpé de 13% en une journée, puis encore de 8% le lendemain. Pour faire court: j’ai alors perdu plus de 80 % de mon capital. Non seulement mon propre argent, mais aussi l’argent que mes parents avaient épargné pour moi au fil des années.

Émotionnellement, cela a été très difficile. Je ne pouvais plus fonctionner dans la salle des marchés. Chaque fois que je voyais passer des investissements, j’étais malade, uniquement à cause du stress. J’ai donc dû abandonner ce travail.

2. Ilse Dewitte

Rédactrice chez Trends, coordinatrice de MoneyTalk, commentatrice boursière sur Canal Z.

Lorsque j’ai postulé, il y a des années, au journal De Tijd, on m’a dit que tous les journalistes débutants commençaient avec le même salaire et qu’aucune exception ne serait faite à cette règle. A l’époque, je travaillais depuis huit mois au service des impôts de la ville d’Anvers, mais depuis mon adolescence, je rêvais d’un emploi dans le journalisme.

Le choix a été vite fait. Même si j’y perdais un peu financièrement, j’ai quitté la fonction publique pour me lancer dans le journalisme. Une décision que je n’ai jamais regrettée, même si j’ai découvert par la suite que, finalement, tous les journalistes débutants ne commençaient pas avec le même salaire au sein du journal.

Un jour, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis allée voir le directeur de la rédaction pour demander une augmentation. J’avais en poche une offre d’emploi mieux rémunérée, car mes collègues m’avaient dit que c’était le seul moyen d’obtenir une hausse de salaire.

L’offre venait du secteur financier, mais le directeur de la rédaction m’a immédiatement éconduite. «Si tu veux quitter le journalisme, je ne vais pas te retenir avec un sac d’argent. Sache aussi que tu ne pourras plus jamais travailler comme journaliste financier si tu entres dans une institution financière. C’est exactement comme un journaliste politique qui rejoint un parti: il portera toujours l’image d’un manque d’impartialité.»

D’abord, j’ai voulu accepter ce nouvel emploi, mais en étant honnête avec moi-même, je sentais que je n’avais pas encore tout raconté en tant que journaliste. J’ai donc décidé de rester au journal, même si cela ne m’a pas rapporté un euro de plus. Quelques années plus tard, un porte-parole d’une grande institution financière a été accueilli en fanfare dans la rédaction par la même personne qui m’avait affirmé qu’un retour du secteur financier vers le journalisme était impossible. J’ai donc mal négocié à deux reprises, ou bien j’ai été naïve deux fois.

3. Hans Bevers

Économiste en chef chez Bank Degroof Petercam.

Il y a cinq ans, nous avons déménagé en famille à Anvers. C’était une décision rationnelle, mûrement réfléchie. Nous voulions nous rapprocher de notre travail et nous voyions aussi les avantages culturels qu’offre la vie en ville. Puis, nous sommes tombés amoureux d’un bien immobilier. Alors que la décision de nous installer à Anvers avait été purement rationnelle, le choix de la maison a été bien plus émotionnel.

Une fois installés, je me suis rendu compte que j’avais sous-estimé l’agitation de la ville et le bruit environnant. En plus de cela, les coûts pour transformer la maison en un logement durable et le temps que nous devions encore consacrer aux rénovations nous ont poussés à chercher un autre logement. Finalement, nous avons acheté un terrain dans un environnement boisé, où nous sommes en train de construire une nouvelle maison.

Résultat: cela fait déjà cinq ans que nous réfléchissons à notre maison familiale. Bien sûr, c’est un problème de luxe, mais cela nous a pris beaucoup de temps et d’énergie. En attendant que notre nouvelle maison soit terminée, nous vivons depuis un certain temps chez mes beaux-parents.

© Belga

4. Eva De Bleeker

Ancienne ministre du Budget, actuellement présidente d’Open VLD.

Mon achat le plus regrettable est la paire de rollers que j’ai achetée il y a une dizaine d’années. Même si les rollers sont souvent vantés comme un excellent moyen d’améliorer sa condition physique et de développer des muscles puissants dans les jambes, ce n’était finalement pas la meilleure option pour moi. Je n’avais pas pensé au fait que de nombreuses rues de ma commune, Hoeilaart, sont en pente raide. Résultat: les rollers prennent la poussière depuis des années dans le garage.

5. Erik Joly

Chief Investment Officer de la banque ABN AMRO Belgique.

Ma plus grande erreur financière remonte au début de ma carrière, aux alentours de l’an 2000. Je venais d’être diplômé et je travaillais comme conseiller en investissement dans une banque privée. A cette époque, les actions technologiques atteignaient des sommets, même si ces entreprises ne généraient aucun bénéfice.

Faites vos recherches avant d’acheter une action, ne croyez pas aveuglément les belles paroles.

Erik Joly

Chief Investment Officer

L’un de mes clients de l’époque était particulièrement enthousiaste au sujet de l’entreprise Genicom. Il en parlait avec une telle passion que, sans examiner les chiffres ni effectuer d’analyse, j’ai aveuglément acheté des actions de cette société sur le Nasdaq. Cela s’est soldé par un désastre: la valeur des actions est tombée à zéro. Cette erreur m’a coûté beaucoup d’argent.

C’est un cliché énorme, mais cela reste une vérité incontestable: faites vos recherches avant d’acheter une action, ne croyez pas aveuglément les belles paroles. Je n’ai jamais tenu rigueur à ce client si enthousiaste au sujet de Genicom. J’aurais simplement dû mieux savoir.

6. Charlotte Van Brabander

Finfluenceuse.

«J’ai commencé à investir bien trop tard, seulement vers mes 30 ans. Mais ma plus grosse erreur financière a été de m’adresser alors à une grande banque pour investir mon argent dans un fonds d’investissement. Ces banques appliquent toutes sortes de frais, ce qui réduit naturellement le rendement.

Après six mois, j’ai compris cela et je suis sortie de ces fonds d’investissement. J’ai alors fait mes propres recherches. Depuis, j’investis environ 30% de mon épargne en actions et 70% dans des trackers qui suivent un indice. J’aurais mieux fait de m’y prendre bien plus tôt.

7. Ingrid Stevens

Administratrice-associée chez Leo Stevens Private Banking.

Ma plus grande erreur financière est de ne pas avoir suivi ce sage conseil: on ne peut acheter la maison de son voisin qu’une seule fois! Je n’ai pas acheté le pré situé à côté de notre maison, ni plus tard la maison de mon voisin, alors que j’en avais l’opportunité. A l’époque, je me suis dit: pourquoi le ferais-je? Rien ne va changer, tout est bien ainsi. J’étais aussi trop absorbée par mon travail, les enfants et tout le reste.

Aujourd’hui, je le regrette énormément, car je vis dans un cadre très rural entre Anvers et Malines, et cet environnement a évolué au fil des ans. Si j’avais acheté ces biens immobiliers à l’époque, j’aurais eu plus de contrôle sur ce qui se passe autour de moi. Désormais, c’est quelqu’un d’autre qui en décide. J’aurais aussi bénéficié d’une plus grande intimité. Et cela aurait été un excellent investissement, car dans ce cas précis, un plus un aurait fait deux et demi: en agrandissant mon terrain à l’époque, la valeur de ma propriété aurait augmenté.

On peut acheter beaucoup de choses dans la vie, mais la maison du voisin, on ne peut vraiment l’acheter qu’une seule fois. C’est la leçon à retenir: lorsqu’une occasion unique se présente, il faut bien y réfléchir, même si cela semble financièrement impossible, car cette chance ne reviendra jamais.

Lorsqu’une occasion unique se présente, il faut bien y réfléchir.

Ingrid Stevens

Administratrice-associée

© Belga

8. Jan Jambon

Ministre des Finances (N-VA).

Juste après mon divorce, je me suis laissé tenter par l’achat d’un soi-disant soup maker, un appareil de cuisine dans lequel on met des légumes par le haut et qui produit de la soupe par le bas. En tant qu’homme célibataire, je voulais continuer à manger sainement. Je l’ai utilisé une seule fois, puis plus jamais. Il traîne depuis des années quelque part dans un placard. A la grande joie de ma femme, qui aime parfois me taquiner à propos de cet achat inutile.

9. Tim Nijsmans

Professeur de private banking à la Haute Ecole Artevelde

«Ma plus grande erreur a été d’attendre bien trop longtemps un krach boursier. Cela devait être vers 2012, lorsque j’avais enfin pu mettre de l’argent de côté pour investir. À l’époque, j’étais moi-même banquier privé. Nous venions de vivre la crise financière de 2008-2009, suivie de la crise de la dette grecque et de la crise de l’euro. Ces événements avaient fait chuter les marchés boursiers, offrant ainsi l’opportunité d’acheter des actions à bas prix, avant que les cours ne remontent dans les années suivantes.

En 2012, je me suis donc retrouvé avec mon épargne, attendant un krach boursier pour acheter des actions bon marché. Mais ce krach n’est jamais venu. Si l’on regarde les graphiques boursiers depuis 2012, on constate qu’il n’y a en réalité jamais eu de véritable chute. Les cours n’ont cessé d’augmenter. Même pendant la pandémie de Covid-19, il n’y a eu qu’une légère correction. En conservant trop de liquidités en 2012, j’ai ainsi manqué une grande partie des belles performances boursières des années suivantes.

Heureusement, j’ai changé de stratégie en 2016. Depuis, j’investis régulièrement en actions. Et c’est ce que je recommande aujourd’hui à tout le monde: ne cherchez pas le moment idéal pour investir tout votre argent d’un coup, mais investissez à intervalles réguliers, par exemple chaque mois ou tous les deux mois.

10. Stijn Baert

Professeur d’économie du travail à l’Université de Gand.

Ma plus grosse erreur financière est d’avoir commencé trop tard à épargner pour ma pension, et de ne pas l’avoir fait de la manière la plus intelligente. Je ne m’y suis mis que vers mes trente ans, en optant pour le système classique d’épargne-pension auprès d’une grande banque. Cela signifie que mon argent est investi chaque mois dans un fonds géré activement. L’avantage principal est bien sûr la réduction fiscale: j’épargne le montant maximum de 1.350 euros par an, ce qui me permet de déduire 25% de mes impôts.

Mais en contrepartie, l’Etat reprend une partie des gains à la fin du parcours. De plus, les banques appliquent des frais élevés sur les fonds d’épargne-pension. J’aurais donc mieux fait de commencer en parallèle à investir dans des trackers, qui suivent une indice boursier ou un panier d’actions comme leur ombre. Ils ne procurent pas d’avantage fiscal, mais leurs frais sont bien moindres. En combinant ces deux approches, j’aurais aussi mieux diversifié mes risques.

11. Véronique Goossens

Économiste en chef chez Belfius.

En 2001, mon mari et moi avons investi dans un fonds d’actions, dans le but d’épargner pour les études de nos deux enfants. Chaque mois, nous y placions une somme fixe. Mais ensuite, la crise financière a frappé. Après une période difficile pour le fonds, nous avons pris peur. Les perspectives macroéconomiques n’étaient pas non plus très optimistes. On craignait une stagnation prolongée. Nous avons donc décidé de sortir du fonds et d’accepter nos pertes. Nous avons alors placé notre argent dans un fonds avec protection du capital. Ce type de placement limite par définition les gains futurs, mais nous nous sentions en sécurité.

Que s’est-il passé ensuite? Dans les années suivantes, les marchés boursiers ont connu une forte reprise. Nous aurions pu récupérer la totalité de notre perte initiale, et même réaliser un joli rendement. D’autant plus que notre horizon d’investissement était encore suffisamment long. Moralité: ne paniquez pas immédiatement lorsque les marchés actions traversent des turbulences.

 

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