Limiter les prix des carburants, comme en France ? Pourquoi ce serait une fausse bonne idée
En France, Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, a annoncé qu’à partir du 1er mars, et jusqu’à la fin de l’année, le litre d’essence ou de diesel ne dépassera pas 1,99 euro. La Belgique devrait-elle s’en inspirer ? En réalité, il s’agirait surtout d’un coup de comm’…
Encore un geste qui devrait soulager le portefeuille des Français. Trois mois après la fin de sa remise à la pompe de 20 puis 10 centimes, le patron de TotalEnergies a annoncé mercredi en direct du 20 heures de TF1 que le plafond du prix des carburants à 1,99 euro jusqu’à la fin de l’année.
Ce plafond deviendra effectif à partir du 1er mars prochain et s’appliquera dans l’ensemble des 3 400 stations-service Total de l’hexagone. Il commencera dès ce week-end pour les stations le long de l’autoroute. Cette mesure concerne tous les carburants essence et diesel. Seule exception : le sans-plomb 98 et le diesel Excellium.
Juste se donner une bonne image ?
Dans les faits, ce plafonnement ne sera appliqué qu’à peu de stations. En effet, la plupart proposent déjà un prix inférieur à celui-ci. La semaine dernière, le prix moyen du gazole était de 1,83 €/L, et de 1,87€ pour le sans plomb. Ces prix ne devraient pas augmenter, selon Jean-Pierre Favennec, l’expert de l’énergie et du pétrole interrogé par RMC. À moins d’une nouvelle crise politique ou géopolitique, « progressivement, les choses devraient revenir à la normale, mais il n’y a pas non plus de perspectives d’augmentation violente de la consommation de produit pétrolier (…) donc il n’y a pas de raison que les prix du pétrole et des produits pétroliers augmentent considérablement dans les prochains mois », a-t-il conclu.
Une critique soutenue par Michel Edouard Leclerc, PDG du groupe Leclercq, qui a déclaré au micro d’Apolline de Malherbe sur RMC qu’il s’agissait « d’un coup de com » au vu des prix de l’essence actuels.
Bertrand Candelon, économiste et professeur à l’UCLouvain, rejoint aussi cet avis. « Oui, s’il n’y a aucun nouvel évènement géopolitique majeur, il n’y a pas de raison particulière que les prix du pétrole baissent ». Et s’ils ne diminuent pas, ils seront d’eux-mêmes en dessous de ce plafond.
La question du plafond en Belgique
« Nos prix sont déjà bien plus bas qu’en France, c’est donc que notre gouvernement agit déjà contre la hausse de ces prix qui sont déjà en dessous de ce plafond », commente Éric Gaigneaux, professeur à la Faculté des bio-ingénieurs de l’UCLouvain. En effet, le gouvernement fédéral a mis en place un « cliquet inversé » en mars, lorsque le prix du pétrole était au plus bas. En septembre, un « cliquet positif » a été mis en place pour faire baisser les prix.
« Le cliquet est une baisse ou une hausse des accises, qui sont bien plus manipulables que la TVA, afin de garder le prix, dans ce cas-ci de l’essence, a un prix social acceptable », explique Bertrand Candelon. Le prix social de l’essence est le prix qui est fixé par le gouvernement grâce aux accises et qui est différent aux prix du marché. Celui-ci dépend des donc des objectifs du gouvernement. Il ajoute d’ailleurs que, selon une étude du FMI, le prix social réel de l’essence, carburant aux alentours des deux euros le litre pour compenser les coûts liés à l’essence comme la pollution ou encore la création d’embouteillages. Cependant, malgré les objectifs environnementaux, ce prix n’est viable et le gouvernement, en utilisant un cliquet inversé, le rend plus abordable.
Prix des carburants: sur la continuité de 2022
Lors du dernier quadrimestre de 2022, TotalEnergies avait accordé des remises à la pompe de 20 puis 10 centimes le litre dans ses stations. Ce premier geste lui a coûté 550 millions d'euros, mais ce ne sont que des broutilles comparées aux 20,5 milliards d’euros de bénéfices annoncés pour l’année. Cette remise s'appliquait, quel que soit le prix à la pompe et diffère donc du plafonnement. Cela s'ajoutait à une autre remise, elle, financée par l'État français. Celle-ci s’est terminée le 31 décembre et n’a pas été prolongée dans l’objectif de garder un budget réaliste.
Ce mardi, l'entreprise a été mise sous pression lorsque le président Emmanuel Macron a demandé au fournisseur de carburant de faire un geste en cette période de forte inflation. « Je souhaite que le dialogue puisse se finaliser entre le ministère et les entreprises concernées, comme ça avait été fait l'année dernière sur les carburants, avec des ristournes à la pompe qui avaient été faites par les entreprises comme Total. »
Les prix à la pompe en France sont pour l’instant bien installés sous la barre des 2 euros. Depuis début février, un embargo européen est appliqué sur le gazole russe. Cela pourrait néanmoins faire monter le prix du diesel à l'avenir. En ce 23 février, le prix moyen du diesel en France était 1,8 euro le litre, celui de l’essence 95 et 98 de 1,9 €/L selon les données du comparateur Carbu.com. En Belgique, le prix moyen du diesel depuis le début de l’année est de 1,8€/L et celui de l’essence 95 est de 1,8€/L et de 1,9€/L pour l’essence 98, selon les chiffres de Statbel.
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