Bertrand Candelon
Les marchés financiers ébranlés par la guerre commerciale (chronique)
La guerre commerciale dissimule des conséquences encore plus importantes sur les marchés financiers, qui pourraient même compromettre les objectifs initiaux de Donald Trump.
Depuis plusieurs semaines, nous vivons au rythme des annonces de droits de douane. Le retour à un monde des échanges régi par des négociations bilatérales et déstabilisé par l’imposition de droits de douane discrétionnaires, comme à la veille de la Seconde Guerre mondiale, semble constituer le point d’orgue du projet économique de Donald Trump. Son objectif final étant de rééquilibrer la balance commerciale structurellement déficitaire des Etats-Unis. Cette guerre commerciale dissimule néanmoins des conséquences encore plus importantes sur les marchés financiers, qui pourraient même compromettre les objectifs initiaux du président américain.
Tout d’abord, le retour à un système fondé sur des relations commerciales bilatérales, associé aux volte-face du président américain, mine la confiance des marchés boursiers. L’incertitude est revenue à un niveau comparable à celui du début de la crise du Covid. Par ailleurs, il est évident que l’augmentation des droits de douane aura un effet négatif sur la croissance et un effet positif sur l’inflation. Ces prévisions affaiblissent le moral des investisseurs, entraînant une baisse des cours boursiers. De plus, les revenus des ménages américains étant fortement liés aux performances des marchés financiers, cette baisse des actions a un effet direct sur leur pouvoir d’achat et leur épargne.
La guerre commerciale affecte également le marché des changes. Entre 1944 et 1976, le dollar, aux côtés de l’or, était la seule monnaie de réserve et de transaction entre les banques centrales. Depuis, bien que son taux de change soit devenu flottant, il conserve un rôle dominant dans les échanges mondiaux, conférant aux Etats-Unis un pouvoir important (seigneuriage). Cependant, le président américain considère que le dollar est surévalué, ce qui ne permettrait pas une concurrence équitable avec ses partenaires commerciaux, en particulier la Chine, qui fixe la valeur du renminbi en adoptant un taux de change fixe et un contrôle strict des capitaux (la devise n’étant pas convertible). La Chine pourrait perturber ce marché en imposant sa monnaie comme référence dans les échanges, notamment parmi les Brics (Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud).
Enfin, la guerre commerciale pourrait également avoir des répercussions sur le marché de la dette. Les Etats-Unis sont, en valeur absolue, l’économie la plus endettée au monde. La Chine détient près de 800 milliards de dollars de cette dette. Une vente massive de titres souverains américains entraînerait une hausse des taux d’intérêt, alourdissant le coût de refinancement de la dette. Pour rappel, le taux d’emprunt était quasi nul il y a dix ans, alors qu’il dépasse aujourd’hui les 4,5%, depuis l’augmentation observée à partir du 10 avril. Le poids de la dette pour l’économie américaine pourrait donc exploser.
Au-delà des seuls échanges commerciaux, la guerre opposant la Chine aux Etats-Unis pourrait avoir de lourdes conséquences sur les marchés financiers. Compte tenu de leur taille et de leur rôle central dans l’économie américaine, on peut s’interroger sur la pertinence économique d’une telle confrontation, d’autant plus que ces mêmes marchés pourraient devenir une arme de réplique puissante entre les mains de la Chine.
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