Elicio Kenya
Photo d'illustration. © Getty Images

Le gouvernement wallon casse la vente par Elicio de sa filiale kényane

Le ministre wallon des Pouvoirs locaux, François Desquesnes (Engagés), vient d’annuler, via un arrêté, la décision du CA d’Elicio de vendre pour un dollar symbolique sa filiale kényane Bahari Wind Limited. Cette vente avait été réalisée secrètement, en juillet 2022, sans avoir demandé le feu vert de la maison-mère, l’intercommunale liégeoise Enodia.

Les éoliennes fantômes d’Elicio continuent de provoquer des remous dans l’air wallon. En septembre dernier, Le Vif révélait que la société ostendaise à capitaux publics, filiale de Nethys, avait perdu 9 millions d’euros, aux frais du contribuable liégeois, dans un mégaprojet de parc éolien sur le littoral kényan. Après dix années de développement, les Belges s’étaient discrètement retirés de ce pays d’Afrique de l’est.

En juillet 2022, Elicio a bradé pour un dollar symbolique l’ensemble de ses parts dans sa filiale kényane Bahari Wind à son partenaire local, Kenwind Limited. Une manœuvre illégale puisqu’Elicio n’a pas demandé le feu vert préalable de sa maison-mère Enodia, contrairement à ce qu’exige l’article L1532-5 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, renforcé après la commission d’enquête Publifin du Parlement wallon.

Comme en 2019

Pour rappel, sur les mêmes bases juridiques, en octobre 2019, le gouvernement wallon avait déjà annulé les ventes secrètes de trois filiales de Nethys: Voo (à un fonds américain), Win et… Elicio (à François Fornieri et Stéphane Moreau). Ce scandale avait d’ailleurs provoqué la chute du sulfureux socialiste ansois. L’histoire bégaie : l’équipe chargée de nettoyer les écuries d’Augias après les multiples secousses judiciaires et médiatiques reproduit les mêmes travers.

A la suite des révélations du Vif, le ministre Desquesnes a ouvert une enquête confiée au SPW Intérieur et Action sociale. Questionnés dans ce cadre, les membres du conseil d’administration d’Enodia plaidaient la tolérance à l’égard de leur filiale, indiquant qu’il s’agissait là d’un «oubli» ou d’une «maladresse» tout au plus. Leurs demandes de clémence sont restées sans écho.

La décision de vendre est annulée, pas la vente

Les conclusions de l’enquête administrative, présentées au ministre fin décembre, viennent de pousser ce dernier à annuler ce jeudi 2 janvier la décision du CA de vendre sa filiale. «Cette annulation met en lumière la nécessité de respecter les principes de transparence, d’éthique et de responsabilité dans la gestion des affaires publiques. Elle rappelle que toutes les décisions ayant un impact sur les finances et les ressources publiques doivent être prises dans un cadre respectueux des normes de gouvernance, afin d’assurer la confiance du public et de veiller à ce que les actionnaires communaux restent les décideurs finaux. Enodia aura donc la possibilité d’examiner en toute connaissance de cause la légitimité ou non de cette vente», déclare François Desquesnes.

L’annulation de la décision de vendre ne signifie pas que le contrat de cession des parts est lui-même est annulé. «Cette question, qui concerne la validité du contrat en tant que telle, reste soumise à l’appréciation des cours et tribunaux compétents qui, le cas échéant, se prononceront sur la validité juridique de l’acte de vente en question», précise encore le gouvernement wallon.

Nébuleuse politico-affairiste

Il faudrait une action en justice, comme celle intentée par le gouvernement wallon en 2019, pour casser le contrat de vente de Bahari Wind signé par Elicio et Kenwind à l’été 2022. À ce stade, le gouvernement wallon n’envisage pas de déposer plainte. L’administration estime, sur base des documents reçus d’Elicio, qu’elle ne dispose pas d’éléments susceptibles d’activer la procédure de l’article 29 du code d’instruction criminelle. Selon ce texte, tout fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance d’un crime ou d’un délit (notamment de corruption), doit en informer sur le champ le procureur du Roi.

Pourtant, comme l’a révélé Le Vif, Elicio a vendu Bahari Wind à une nébuleuse politico-affairiste. Les actionnaires de Kenwind sont l’ex-sénateur Lenny Kivuti (30%), Caroline Mchome (une des épouses de l’actuel ministre des Coopératives et des PME Wycliffe Oparanya, 30%), la mystérieuse société TransEquator (20%) et un avocat (20%) faisant office d’homme de paille. Bref, 40% de Kenwind sont aux mains d’actionnaires inconnus qui se cachent derrière des prête-noms. Y trouverait-on des Belges?

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