Le C919, un avion chinois
Un avion C919 (Comac), de construction chinoise. © Getty Images

Le C919, la créature qui intrigue: cet avion chinois peut-il détrôner Boeing et Airbus?

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Via son constructeur Comac, la Chine compte bien bousculer le duopole aérien formé par Airbus et Boeing. Un premier avion, le C919, vole déjà dans les airs chinois. Peut-il déployer ses ailes à l’international?

Il est le premier avion pour passagers produit par la Chine. Baptisé C919, de la compagnie publique Comac, cet appareil semblable (voire… identique) à l’Airbus A320 plane dans les airs chinois depuis mai 2023. Mais depuis, le constructeur met les gaz: en février 2024, il a présenté son nouveau joujou aux acheteurs internationaux, ne cachant ainsi plus sa volonté de déborder du marché chinois.

L’arrivée de ce nouvel acteur sur les pistes ne laisse pas les cadors de marbre. Boeing, freiné par une multiplication d’incidents (dont la responsabilité est nuancée dans cet article), s’est immédiatement dit prêt à affronter la concurrence de l’avion chinois C919. Ce dernier est devenu l’emblème des ambitions aéronautiques de Pékin, qui entend rivaliser depuis longtemps avec ses concurrents occidentaux et réduire sa dépendance à l’égard de la technologie étrangère.

Plus spécifiquement, les autorités chinoises misent clairement sur le C919 pour rivaliser, à terme, avec le Boeing 737 et l’Airbus A320, soit les deux types d’avions les plus utilisés dans le monde pour le court et le moyen courrier. La Chine peut-elle vraiment inquiéter les mastodontes américain et européen du ciel mondial?

«Pas avant 10 ou 20 ans»

«La Chine n’avait jamais produit d’avions de ligne auparavant. Elle entre dans une phase d’apprentissage. Actuellement, le Comac 919 n’est même pas produit en quantité suffisante pour répondre aux besoins nationaux chinois», tempère Xavier Tytelman, ancien aviateur et consultant aéronautique (Air&Cosmos).

L’expert du domaine aérien reconnaît que l’arrivée de Comac pourrait signifier une part de marché moindre pour Boeing et Airbus. «Mais la croissance de l’aviation est si importante que les compagnies occidentales ont leurs carnets de commande remplis et n’arrivent pas à satisfaire toute la demande.»

Le Comac 919 n’est même pas produit en quantité suffisante pour répondre aux besoins nationaux chinois.

Xavier Tytelman

Consultant aéronautique

La Chine, en outre, doit faire ses preuves pour gagner la confiance des compagnies aériennes: sécurité et fiabilité d’exploitation sont des éléments qu’elle doit encore démontrer. «Seulement après, elle pourrait devenir un concurrent, prolonge Xavier Tytelman. Mais pas avant 10 ou 20 ans.» Une tentative similaire de la Russie, qui a tenté de se lancer avec le Soukhoï SuperJet (SSJ-100), pousse à la prudence. Car l’avion, sur papier, avait toutes les caractéristiques pour réussir. «Il s’est soldé par un flop commercial total», rappelle Tytelman.

Par ailleurs, le C919 n’est en réalité pas 100% chinois. «Il est construit à base de matériel occidental, en partie. Par exemple, les moteurs ne sont pas chinois, pointe Wouter Dewulf, professeur en économie du transport aérien (UAntwerpen). La carlingue est carrément une copie -légale- de l’Airbus A320.»

Taux de production limité et switching cost

Si Comac reçoit logiquement les convoitises de compagnies chinoises en vue d’opérer des vols nationaux, le taux de production du C919 est limité à 150 appareils par an. «A cause de ce plafond, ils ne peuvent pas résorber leur retard face aux constructeurs occidentaux pour l’instant», estime Wouter Dewulf.

Pour les compagnies, opérer avec un nouveau constructeur nécessiterait de changer les procédures de maintenance et les licences de pilote. Avec un switching cost élevé.

Wouter Dewulf

UAntwerpen

Par ailleurs, les compagnies aériennes occidentales ne sont pas encore séduites à l’idée de commander des avions chinois. D’abord parce qu’ils ne sont tout simplement pas autorisés par l’EASA (l’Agence européenne de la sécurité aérienne) et la FAA (Federal Aviation Administration, le régulateur américain). Ensuite, parce que pour une compagnie, «l’arrivée d’un nouveau constructeur nécessiterait de changer toutes les procédures de maintenance et les licences de pilote», relève Wouter Dewulf.

Recommencer de zéro coûterait énormément d’argent: pour les compagnies, on parle alors de switching cost. «Voir la Chine dominer l’aviation commerciale n’est pas pour tout de suite, résume Dewulf. A l’heure actuelle, le C919 est surtout un avion chinois pour le marché chinois.» Et s’il doit s’étendre à l’international, dans un premier temps, des pays proches comme le Pakistan ou la Birmanie pourraient être ses premiers clients.

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