«Insupportable»: frustrés par le millefeuille administratif, des architectes partent à l’étranger
Pour échapper à des fonctionnaires peu coopérants, plusieurs architectes belges ont décidé de s’expatrier, notamment en France.
Le pays de Victor Horta et de l’Art nouveau est-il en train de perdre sa créativité architecturale? Au sein de l’Ordre des architectes (OA), une tension latente se fait sentir. Si la Belgique attire toujours des étrangers, la profession est excédée par la lourdeur administrative qui plombe l’approbation des dossiers. «On est parmi les derniers d’Europe en termes de délai», s’indigne Francis Metzger, président du Conseil francophone et germanophone de l’OA. Pour réaliser de petits projets, il faut souvent plus d’un an à Bruxelles, et plusieurs années pour les gros. En Wallonie, c’est l’absence de digitalisation qui pose problème. «C’est insupportable. Il y a beaucoup d’investisseurs qui n’investissent plus parce que il y a une insécurité juridique par rapport aux permis.» Un contexte qui amène les talents belges à partir vers l’étranger.
La France: terrain de jeu des architectes
Impossible de connaître le nombre d’architectes expatriés. L’OA n’a pas de données sur eux, ni sur leurs destinations favorites. A priori, les pays voisins pourraient faire figure de bons candidats, mais certains ont leurs propres défauts. Sophie Green, une architecte d’intérieur qui travaille entre Bruxelles et Munich, note ainsi que l’Allemagne a aussi ses désavantages. «Il y a beaucoup plus de normes en construction là-bas et le cadre est très procédurier, ce qui limite l’innovation», relève-t-elle. La diversité de règles d’un Land à l’autre n’arrange rien. Si elle s’est installée en Belgique et en Allemagne, c’est pour des raisons personnelles.
Aux Pays-Bas, les entrepreneurs prennent plus de place dans la gestion des dossiers. Conséquence: l’architecte peut se sentir frustré de ne pas pouvoir suivre son projet de A à Z.
Par contre, la France fait figure de bonne destination. «Comme en Suisse et en Autriche, il y a une approche beaucoup plus ouverte vis-à-vis de l’architecture là-bas», constate Philippe Meilleur, ex-président de l’OA, qui travaille désormais en partie outre-Quiévrain. «Puis bâtir en France, ça prend environ trois mois, contre 5-6 en Wallonie.» Différence supplémentaire: si le statut d’indépendant est omniprésent en Belgique, c’est plutôt celui de salarié qui l’emporte côté français, ce qui peut séduire certains. Cerise sur le gâteau, le nombre d’architectes en France est assez réduit pour un si grand territoire, d’où un appel d’air. Des avantages qui ont incité Guillaume Anrys, un architecte du Tournaisis, à s’installer à Lille. Ce qui lui plaît, c’est la mosaïque architecturale en France. Rien qu’entre Lille et la Côte d’Opale, ses projets sont différents.
D’autres vont encore ailleurs, comme Julien De Smedt. Lui aussi trouve les contraintes administratives belges «absurdes». Son premier client étant danois, il a donc vite délocalisé son bureau de Bruxelles vers Copenhague. «Beaucoup d’architectes viennent en Scandinavie pour les conditions de vie agréables et les salaires élevés», déclare-t-il. «Mais je pense que les gens choisissent aussi souvent de se déplacer pour des raisons personnelles. Par exemple, moi, j’ai récemment décidé de me réinstaller à Paris. J’en avais envie et mon père est français. Puis le cadre est très correct en France, avec des salaires qui sont là aussi bons.»
Aux architectes belges qui voudraient partir à l’étranger, il leur conseille de se renseigner sur tous les aspects pratiques, comme les charges sociales. «Ce que je dirais aux jeunes, c’est d’avoir la formation la plus complète possible, ajoute Francis Metzger. Après, en fonction de leurs sensibilités et de leurs parcours, ils développeront des compétences diverses et spécialisées.»
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