La Côte a-t-elle encore la cote? A Knokke-Heist, les prix des appartements ont chuté de 2,4% entre juillet 2023 et juillet 2024. © Getty Images

Taux d’intérêt, météo, extrême droite: pourquoi acheter un appartement à la Côte belge fait moins rêver que par le passé

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

L’essentiel

• Les prix des appartements à la Côte belge ont connu une hausse plus modérée (+1,2%) qu’au niveau national (+1,7%) entre juillet 2023 et juillet 2024, selon Immoweb.
• La hausse des taux d’intérêt et le recul du pouvoir d’achat découragent les acquéreurs.
• Le marché immobilier à la Côte a connu un boom pendant la pandémie, mais se stabilise aujourd’hui.
• La météo maussade et les nouvelles réglementations énergétiques en Flandre découragent également les investissements.
• Le climat politique, avec la montée du nationalisme et de l’extrême droite, peut par ailleurs freiner certains investisseurs francophones.

Pour la première fois en trois ans, les prix des appartements à la Côte belge ont connu une hausse plus modérée que dans le reste du pays. Comme ailleurs, la flambée des taux d’intérêt décourage les acquéreurs. Mais des facteurs propres au littoral justifient également ce refroidissement.

La Côte belge a-t-elle encore la cote? Auprès des vacanciers, pas de doute: en ce week-end de Fête nationale, ils étaient encore plus de 300.000 touristes d’un jour à profiter des joies du bord de mer. Les acquéreurs, par contre, semblent aujourd’hui plus frileux à l’idée d’investir au littoral.

Entre juillet 2023 et juillet 2024, les prix des appartements dans les communes côtières ont en effet connu une hausse plus limitée (+1,2%) que la moyenne nationale (+1,7%), selon des données compilées par Immoweb. Une première en trois ans. En mars, la Fédération du notariat (Fednot) confirmait également un ralentissement de l’activité immobilière à la Côte en 2023, avec une diminution des actes de vente de près de 20% par rapport à 2022.

Ce refroidissement du marché côtier s’explique d’abord par le recul du pouvoir d’achat, lié à la hausse des taux d’intérêt. «La hausse des coûts de financement a rendu l’achat de résidences secondaires à la Côte moins accessible pour de nombreux acquéreurs», confirme Piet Derriks, directeur général d’Immoweb. «De nombreux investisseurs se sont récemment détournés de l’immobilier au profit d’opportunités plus intéressantes, comme les obligations ou les comptes à terme, qui offrent un rendement bien plus élevé», ajoute l’économiste Wouter Thierie, spécialiste en immobilier.

Le calme après la tempête

D’autant que la majorité des acquéreurs ont franchi le cap d’une seconde résidence durant la pandémie de Covid-19, lorsque les taux étaient plus intéressants. «Durant le confinement, il y a eu un véritable boom de l’immobilier récréatif, que ce soit à la Côte ou en Ardenne, car les gens avaient besoin de changer d’air», précise Yousra Dahraoui, porte-parole d’Immoweb. Un engouement que confirme l’Agence Triton, basée à Oostduinkerke, qui a vu ses ventes exploser entre 2020 et 2022. «Mais aujourd’hui, le marché se stabilise», observe une employée.

«L’impact du mauvais temps se ressent évidemment sur les locations de vacances, mais également sur les ventes de seconde résidence.»

Lien Muermans

Agente immobilière à Coxyde (Immo Thalassa)

D’autres facteurs conjoncturels expliquent également ce ralentissement, comme la hausse des prix des matériaux de construction, analyse Lien Muermans, agente immobilière chez Immo Thalassa, à Coxyde. Les nouvelles réglementations de performance énergétique en Flandre découragent aussi les acquéreurs, complète son collègue Jonathan Benoot. Depuis le 1er janvier 2023, tout nouveau propriétaire d’un bâtiment à faible PEB (indice E, F ou G) doit impérativement entamer une rénovation pour atteindre au minimum l’étiquette D dans les cinq ans suivant l’achat. «Cette obligation fait inévitablement chuter les prix des vieux biens.» Pour les appartements situés dans des immeubles, les coûts imposés par la copropriété (par exemple, pour rénover un toit ou une façade) peuvent également rebuter les acheteurs potentiels.

Une question de générations?

La météo maussade des derniers mois n’a pas non plus été de nature à encourager les investissements côtiers. Difficile, en effet, de rêver de baignades et d’apéros sur la plage sous une drache nationale. «Le mauvais temps joue vraiment un rôle, confirme Lien Muermans. L’impact négatif se ressent évidemment sur les locations de vacances, mais également sur les ventes. Les gens sollicitent moins de visites de biens et se questionnent davantage sur l’intérêt d’acquérir une seconde résidence en Belgique.»

Les appartements en Espagne ou sur la côte portugaise, qui offrent la garantie de 360 jours de soleil par an, apparaissent parfois comme une meilleure alternative. Surtout aux yeux des plus jeunes générations, pour qui l’acquisition d’un pied-à-terre aan de kust fait moins rêver que leurs aînés. Chez Immo Thalasso, les trentenaires ne se bousculent pas au portillon, confirment les responsables de l’agence coxydoise, qui voient défiler une clientèle âgée de 40 à… 85 ans. Surtout que désormais, la tendance est plutôt aux voyages à l’autre bout du monde qu’à l’investissement à 130 kilomètres de chez soi, ajoute encore Wouter Thierie.

Un recul des prix à Knokke

Enfin, le climat politique réfrène peut-être certains investisseurs francophones, qui voient en la montée du nationalisme ou de l’extrême droite un obstacle à leur épanouissement au littoral. Le 9 juin dernier, les habitants des communes côtières ont en effet voté massivement pour la N-VA et le Vlaams Belang, qui arrivent en tête dans chacune des dix stations balnéaires du pays. Un paramètre toutefois difficilement objectivable.

A noter que certaines localités résistent mieux que d’autres à ce refroidissement. A Bredene, par exemple, les appartements ont connu une hausse des prix de 10,5% en moyenne entre juillet 2023 et juillet 2024. A La Panne (-0,9%) et Knokke-Heist (-2,4%), ils ont par contre amorcé une belle chute. «Bredene reste la commune la moins chère du littoral belge, justifie Yousra Dahraoui. La marge d’augmentation y est donc plus grande qu’à Knokke, où les vendeurs ne peuvent plus se permettre de tirer encore les prix vers le haut.»

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