Envie d’ailleurs? A peine 37 % des Belges considèrent leur logement actuel comme «un rêve devenu réalité», révèle une étude d’Immoweb. © Getty Images

Seul 1 Belge sur 3 se dit «pleinement satisfait» de son logement: «La jeune génération peut ressentir une certaine frustration»

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Les idéaux immobiliers des Belges restent encore majoritairement hors d’atteinte, révèle une récente étude d’Immoweb. A Bruxelles, à peine un habitant sur cinq se dit «pleinement satisfait» de son logement.

Le Belge a toujours une brique dans le ventre… mais reste encore trop souvent sur sa faim. Voilà, en substance, les enseignements mis en lumière par Immoweb dans une vaste enquête publiée ce lundi sur le parcours immobilier des Belges.

Dans son étude, menée en collaboration avec Yougov, la platerforme de ventes et de location immobilière a sondé plus d’un millier d’adultes sur l’évolution de leurs logements au fil des années. Premier constat: le Belge déménage à moins de quatre reprises (3,81) au cours de sa vie. Un chiffre inférieur aux mouvements de ses voisins français (4,45) ou allemands (4,36). «La Belgique est réputée pour son nombre élevé de propriétaires par rapport à la moyenne européenne, rappelle Alice Rees, doctorante en démographie à l’UCLouvain. Dans ces circonstances, le déménagement est donc moins souvent envisagé.» L’accès à la propriété reste en effet un rêve et un symbole de réussite pour une majeure partie de la population. «Cet accomplissement est socialement considéré, avec la diplomation ou le mariage, comme l’une des étapes-clés de la vie, note la chercheuse. Ces « milestones », comme on les appelle en démographie, restent extrêmement valorisés en Belgique.»

Selon les données de Statbel, 64,5% des logements belges étaient ainsi occupés par leur(s) propriétaire(s) en 2021. Un pourcentage qui varie selon les régions du pays, et qui est même réduit de moitié (38,1%) à Bruxelles. Peu étonnant, dès lors, que le nombre de déménagements y soient plus fréquents (4,53 au cours d’une vie) que la moyenne nationale. «Contrairement au propriétaire, totalement autonome, le locataire reste soumis à la volonté de son bailleur, rappelle Nicolas Bernard, professeur de droit à l’UCLouvain Saint-Louis et spécialiste du logement. A Bruxelles, le déménagement est ainsi généralement plutôt subi que choisi, en raison d’une fin de bail (NLDR: d’une plus courte durée dans la capitale), d’une résiliation anticipée de ce bail, voire d’une expulsion

L’amour, toujours

Le taux de pauvreté en Région bruxelloise est en outre supérieur au reste de la Belgique. «Cette précarité entraîne de l’instabilité, et donc des déménagements plus nombreux», précise celui qui est également codirecteur de l’Institut de recherches interdisciplinaires sur Bruxelles (IRIB). «En tant que capitale, Bruxelles est le théâtre d’importants mouvements et migrations, ajoute Alice Rees. Elle abrite aussi une population plus jeune, donc plus sujette aux déménagements fréquents.» Enfin, la capitale regorge d’opportunités professionnelles, qui influent sur le lieu de vie. 14% des Belges évoquent en effet un changement d’emploi pour justifier leur déménagement.

Mais ce sont surtout les relations amoureuses et familiales qui pèsent sur la trajectoire immobilière. Après le départ du foyer parental (53%), l’emménagement avec un partenaire (42%) et la séparation ou le divorce (31%) figurent parmi les motifs les plus fréquents de déménagement. Suivent ensuite la volonté d’acquérir un logement plus grand ou plus vert (22%), l’arrivée d’un enfant (18%), un changement de situation économique (16%), d’école (5%) ou encore le décès d’un proche (5%).

Rêve ou compromis temporaire?

Logiquement, la nature (plus ou moins heureuse) de ces événements influe grandement sur les émotions qui vont être associées à ce changement de cap. Si 66 % des Belges se disent heureux à l’idée de déménager, cette transition reste une étape chargée de sentiments contrastés. Impatience (50%), nostalgie (33%) ou anxiété (20%) sont autant de ressentis évoqués par les sondés. Encore une fois, l’étude d’Immoweb révèle des disparités régionales dans la manière dont cette nouvelle trajectoire de vie est appréhendée. Le bonheur est plus souvent associé au déménagement en Flandre (69%) et en Wallonie (65%) qu’à Bruxelles, alors que l’anxiété (27%) ou la sensation d’être dépassé par les charges administratives et logistiques (45%) sont plus marquées dans la capitale.

C’est également à Bruxelles que la jouissance liée au logement est la plus faible. A peine 20% des Bruxellois se disent «pleinement satisfaits» de leur lieu de vie actuel, alors que 40% des Wallons et 38% des Flamands le voient comme un «rêve devenu réalité». Plus d’un tiers des habitants de la capitale (35%) considèrent d’ailleurs leur logement comme un compromis temporaire, une proportion bien supérieure à la moyenne nationale. Une perception qui n’est pas étrangère à l’importante tension qui règne sur le marché immobilier bruxellois, notamment sur le marché locatif. «Cette demande trop élevée pour l’offre existante ne place pas le locataire en position de force pour exiger un logement qui correspond à 100% à ses attentes, observe Nicolas Bernard. Si le propriétaire sait qu’il y a dix candidats derrière la porte prêts à accepter le logement, il n’est absolument pas contraint de le mettre aux normes ou d’en améliorer la qualité. Cette tension existe beaucoup moins en Flandre ou en Wallonie, où les locataires ont davantage les moyens de faire valoir leurs exigences

Le droit à un logement décent

Mais globalement, ce faible taux de satisfaction (37%) lié au logement à l’échelle nationale soulève des interrogations. Les attentes des Belges sont-elles trop irréalistes? Alors que la villa 4 façades a toujours suscité les convoitises, «la pandémie a encore fait évoluer les idéaux», remarque Alice Rees. «Aujourd’hui, nombreux sont les Belges qui, dans leur projet d’achat ou de location, font d’un jardin ou d’espaces verts une condition sine qua non au logement.» Or, la flambée des prix de l’immobilier ces dernières années rend ce type de biens de plus en plus inaccessible pour la classe moyenne. «Alors que les aînés ont éprouvé moins de difficultés à trouver la maison de leurs rêves, la jeune génération peut ainsi ressentir une certaine frustration à ne pas atteindre cet idéal, malgré souvent une situation financière et professionnelle tout à fait stable.»

Cela étant, l’offre de logements salubres reste encore insuffisante sur le marché belge. Selon les données d’Eurostat, près de 15% de la population vivait en 2023 dans une maison ou un appartement présentant un défaut majeur (fuites, humidité, pourriture…). Une privation liée au logement qui augmente proportionnellement au taux de pauvreté. «Garantir l’accès à un logement décent et abordable reste un défi majeur pour le gouvernement fédéral et les régions», tranche Alice Rees.

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