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Quel est le label PEB moyen dans votre commune et pourquoi varie-t-il tant? (cartes interactives)

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Le certificat PEB moyen des logements est loin d’être uniforme selon les communes, en Wallonie comme à Bruxelles. Pour l’améliorer, l’octroi de primes ne suffira pas.

Rénovez, rénovez, qu’ils disaient. Mais les ménages s’engageant dans cette voie savent à quel point la tâche est coûteuse et complexe. En Wallonie, 64% des maisons et 33% des appartements construits avant 2010 affichent un certificat PEB (performance énergétique des bâtiments) de label E, F ou G. En Région bruxelloise, les seuils sont plus restrictifs: un bien de label G correspond environ aux classes E, F et G wallonnes. Cette seule catégorie concerne tout de même près de 30% des habitations individuelles de la capitale. De ce fait, bien qu’il semble lointain, l’objectif visant à atteindre un label A moyen en 2050 en Wallonie et C++ à Bruxelles (100 kWh par mètre carré et par an) est, en réalité, une course effrénée. Pour l’honorer, il faudrait au moins tripler le rythme actuel de rénovations profondes.

Au sud du pays, la part cumulée des biens les plus énergivores (E, F et G) diminue certes au fil des ans. Les régimes successifs de primes Habitation, récemment revues à la baisse par le gouvernement wallon MR-Les Engagés (lire par ailleurs), n’y sont pas étrangers. Mais ces aides n’ont visiblement pas suffi à engendrer une rénovation du parc de logements à la hauteur du défi de la transition énergétique –et des coûts que celle-ci génère pour les ménages à situation inchangée. En 2022, la flambée des prix de l’énergie avait suscité un regain d’intérêt pour les travaux d’isolation. Il est retombé depuis lors, déplore Embuild, la fédération du secteur de la construction.

L’effort à fournir s’avère du reste bien différent d’une province et d’une commune à l’autre. C’est ce que prouvent les chiffres que Le Vif a consultés et cartographiés depuis la base de données publique Wallonie-Bruxelles. Parmi les 261 communes wallonnes, le label PEB moyen varie de D à G pour les maisons et de C à F pour les appartements, en incluant les logements bâtis après 2010 (B minimum).

En Région bruxelloise, le constat est plus homogène. Outre l’existence de seuils différents, la capitale compte logiquement une grande proportion d’appartements (79% des logements). Bruxelles Environnement a fait les comptes pour Le Vif, à partir des données de 2022. Toutes les communes affichent un label PEB moyen de E ou F. Si seuls Evere et Woluwe-Saint-Lambert se distinguent avec une classe E sur l’ensemble du parc de logements, c’est le cas pour neuf communes sur 19 en ce qui concerne les appartements. Afin d’apporter une nuance supplémentaire, Bruxelles Environnement précise quand il s’agit d’un label minimal, moyen ou maximal (par exemple: E-, E et E+) dans une même tranche.

Des zones rouges en matière de PEB

En Wallonie, les disparités apparaissent plus clairement au regard de la proportion de bâtiments existants dotés des meilleures classes énergétiques, à savoir les labels A, B et C. Le Centre d’études en habitat durable (CEHD) a fait cet exercice pour l’année 2022. La part de ces labels oscille entre 7,7% (à Honnelles, dans le Hainaut) et 48,1% (à Ottignies-Louvain-la-Neuve). La carte qui en résulte laisse globalement apparaître de meilleurs scores sur l’axe E411-N4, traversant le Brabant wallon et les provinces de Namur et de Luxembourg, ainsi qu’au nord et à l’est des provinces de Hainaut et de Liège. Inversement, le label PEB moyen s’avère plus faible dans bon nombre de communes transfrontalières avec la France, ainsi qu’à la jonction entre le sud de la province de Liège et celles de Namur et de Luxembourg.

Ces données sont évidemment perfectibles. En Wallonie comme à Bruxelles, les bases de données PEB peuvent comporter plusieurs certificats pour un même logement, au gré des rénovations ou des transactions immobilières. Par ailleurs, seuls 39% des logements wallons et 56% des habitations bruxelloises disposent d’un certificat PEB. Enfin, le label PEB n’est qu’un calcul théorique. En Flandre, une étude de l’université de Gand (UGent) avait révélé en 2022 que les certificats PEB surestimaient de 250% la consommation réelle. «La méthode de calcul prend en compte un climat-type, ainsi que le maintien d’une température intérieure à 18°C dans l’ensemble des pièces, rappelle Jean-Marie Hauglustaine, chargé de cours honoraire au Département des sciences et gestion de l'environnement de l’ULiège. Le but étant de comparer le potentiel des bâtiments, elle n’intègre pas les comportements des ménages. En Allemagne, par exemple, des chercheurs ont démontré que la consommation énergétique réelle peut varier du simple au quadruple parmi des ménages habitant dans des maisons presque identiques et sujettes aux mêmes conditions d’ensoleillement.»

«Le parc de logements wallon est l’un des plus vieux d’Europe.»

Jean-Marie Hauglustaine

Chargé de cours honoraire au Département des sciences et gestion de l'environnement de l’ULiège

Malgré ces lacunes, les certificats PEB offrent un bon aperçu des disparités intrarégionales, tant pour les maisons que pour les appartements. L’une des explications les plus évidentes est la configuration prédominante du bâti: plus une commune compte une part importante d’appartements ou de maisons de rangée, plus la déperdition énergétique tend à diminuer, favorisant de meilleurs labels PEB. «On obtient généralement de meilleurs résultats dans les immeubles en copropriété, même quand ils ne sont pas bien isolés», confirme Jean-Marie Hauglustaine. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui ont conduit la capitale à définir des seuils PEB (calculés en kilowattheure d’énergie par mètre carré de surface de plancher chauffé) plus exigeants que dans les deux autres Régions. Mais ce critère ne suffit pas: «Le principal facteur, selon moi, c’est l’âge des bâtiments, poursuit le professeur. Le parc wallon est l’un des plus vieux d’Europe.» Ainsi, au sud du pays, près de 48% des bâtiments datent d’avant la Seconde Guerre mondiale, indiquent les chiffres de l’Iweps, l’autorité statistique de la Wallonie. Or, ce passif est inégalement réparti sur le territoire: il n’atteint que 36% dans le Brabant wallon, contre plus de 55% dans le Hainaut. En Région bruxelloise, c’est même le cas de 66% des bâtiments.

Ce n’est qu’en 1985 que la Wallonie se dote d’une première réglementation sur l’isolation thermique, visant uniquement les nouveaux logements. La Flandre en fera de même dès 1991, puis Bruxelles-Capitale, en 1999 seulement, à la faveur de son Règlement régional d’urbanisme (RRU). Avant ces échéances, seules les crises pétrolières des années 1970 avaient engendré un sursaut de préoccupations liées à la consommation énergétique des bâtiments. Comme les premières dispositions ne portaient que sur des améliorations très partielles (principalement l’isolation des toitures), elles n’avaient guère incité les ménages ou les développeurs immobiliers à améliorer drastiquement la performance énergétique du bâti.

Dualisation des logements

Ce passif immobilier n’ayant rien d’immuable, il est vrai que son bilan énergétique a partiellement progressé. Mais les cartes démontrent que ce sont, à quelques exceptions près, les communes plus aisées qui en ont profité. «Un des moteurs de la rénovation énergétique du parc, c’est l’attractivité d’une commune, à savoir sa capacité à attirer de nouveaux ménages ayant les moyens de rénover», explique Marie-Noëlle Anfrie, chargée de recherches au CEHD. Il existe d’ailleurs une corrélation assez nette entre les meilleures classes et le revenu médian par commune, hormis dans une série de villes (Namur, Liège, Mons, Verviers, Tournai…) comptant davantage d’appartements. A l’inverse, la performance énergétique des bâtiments stagne dans les communes vieillissantes.

C’est bien moins visible dans la capitale. La part des labels compris entre A et D (l’équivalent d’un C moyen wallon) est même légèrement plus faible à Watermael-Boitsfort, relativement aisée, qu’à Saint-Josse-ten-Noode, la commune la plus pauvre. La superficie et la densité moyenne des logements semblent y influencer bien plus les scores PEB que le niveau socioéconomique.

Sur le plan énergétique, le logement wallon, en particulier, semble soumis à une dualisation. D’un côté, les communes plus attractives parviennent à enclencher une spirale positive en matière de revenus, de logement et donc de protection contre la précarité énergétique. De l’autre, les communes où la population est globalement plus précarisée empruntent le chemin inverse. «A politique inchangée, on ne peut donc s’attendre à des améliorations significatives dans ces communes où le parc de logement est en déshérence», avertit Sébastien Pradella, le directeur du CEHD. En Région bruxelloise, de tels phénomènes apparaîtraient peut-être à l’échelle d’une rue ou d’un quartier, mais pas au niveau communal.

Comment inverser la tendance? La bouffée d’air des primes Habitation (en Wallonie) et Renolution (dans la capitale) n’a visiblement pas suffi. Pour la ministre wallonne du Logement, Cécile Neven (MR), ces primes ont même eu pour effet de générer avant tout un effet d’aubaine, au profit de ménages aisés qui n’avaient pas nécessairement besoin d’un tel soutien. Une affirmation difficile à objectiver en l’absence de données quantitatives. Mais non dénuée de sens, reconnaît le CEHD: «Les analyses qualitatives laissent tout de même apparaître de gros indices concernant ces effets d’aubaine», poursuit Sébastien Pradella.

Objectif 2026 en Wallonie

A Bruxelles, les ménages souhaitant rénover leur logement sont toujours dans l’attente du cap que fixera le futur gouvernement régional. Les primes Renolution y sont d’ailleurs suspendues depuis plusieurs mois. En Wallonie, la direction de la majorité MR-Les Engagés est un peu plus claire: après avoir pallié «l’urgence» en sabrant dans les primes existantes le 14 février dernier, Cécile Neven a promis un nouveau système pour octobre 2026. Aidera-t-il davantage les populations plus précarisées, et donc certains territoires en plus grande difficulté? Mettra-t-il fin aux primes pour les ménages des tranches de revenus les plus élevées? Contacté par Le Vif, le cabinet de la ministre se réfère pour l’heure aux derniers indices délivrés en commission du parlement de Wallonie: «La priorité sera mise sur la rénovation des bâtiments présentant les plus mauvais niveaux d’isolation, indiquait Cécile Neven. […] Une attention particulière sera portée aux ménages ayant des revenus plus faibles, en ce qu’ils sont plus lourdement exposés aux situations de précarité énergétique et rencontrent des difficultés accrues pour financer leurs travaux de rénovation.»

Les deux Régions devront aussi s’atteler à en accroître le nombre. Sous la précédente législature, l’initiative Reno+, regroupant des acteurs clés du secteur dont Embuild, Buildwise et Greenwin, avait par exemple développé le projet pilote des trains de rénovation. L’opération consiste à rénover non plus chaque logement isolément, à l’initiative du ménage concerné, mais bien plusieurs habitations en une fois, à l’échelle d’une commune par exemple. Bien goupillée, elle peut s’avérer gagnante pour les propriétaires, bénéficiant d’économies d’échelles et délestés de la lourdeur de certaines démarches, mais aussi pour les entrepreneurs associés. «A Braine-l’Alleud, un train de rénovation a permis d’isoler une vingtaine de toitures, souligne Hugues Kempeneers, directeur général d’Embuild Wallonie. Ce type d’initiative suscite un véritable engouement quand une commune apporte sa crédibilité.»

«La commande publique doit mettre le pied à l’étrier de l’industrialisation des matériaux préfabriqués en usine.»

Hugues Kempeneers

Directeur général d’Embuild Wallonie

Pendant trois ans, Reno+ a eu l’occasion de peaufiner les outils informatiques comme juridiques nécessaires pour concrétiser ces projets pilotes. Il manque toutefois deux éléments pour en élargir la voilure. «Il faut d’abord œuvrer à la simplification administrative, indique Hugues Kempeneers. L’isolation d’une façade avant par l’extérieur, par exemple, nécessite souvent de passer par un permis, des plans, un architecte, ce qui représente un coût significatif pour les ménages. Ensuite, et c’est le message que nous faisons passer au gouvernement wallon, les primes restent un élément déclencheur: ajouter un volet "train de rénovation", couplé à un volet "accompagnement des candidats rénovateurs", à la réforme d’octobre 2026 aiderait grandement à susciter l’adhésion des particuliers et des entreprises.»

Une nouvelle filière à créer?

Pour le CEHD, il faut aussi saisir l’opportunité de l’industrialisation des façades isolées en préfabriqué, découpées en usine pour correspondre aux bâtiments ciblés. «Il y a toute une filière à créer, que l’on pourrait dans un premier temps développer dans le secteur du logement public, relève Sébastien Pradella. Dans les bâtiments qui le permettent, ces blocs préfabriqués permettent d’isoler un bien très rapidement.» Une analyse que partage en tout point Hugues Kempeneers. «Le bâti wallon est parfois assez semblable dans certaines zones. Je pense par exemple aux maisons ouvrières de rangée. La commande publique doit mettre le pied à l’étrier de l’industrialisation, qui permet de couvrir des maisons d’un nouveau manteau intégrant toutes les techniques en deux ou trois jours. L’offre est prête, mais comme la demande ne suit pas, nos entreprises spécialisées se tournent vers d’autres pays, tels que la France ou la Hollande.»

Les idées ne manquent donc pas pour accélérer et simplifier les rénovations. A condition d’un support clair et net des Régions. Mais aussi d’une ouverture à de nouvelles méthodes de rénovation, tant de la part des professionnels que des particuliers.

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