L’ambition est d’arriver à un parc immobilier moyen de PEB A décarboné d’ici 2050. Le chantier est colossal. © Kirill Kukhmar/TASS/Sipa USA

L’inquiétante diminution des permis de rénovation: «C’est la dégringolade» (infographie)

Thomas Bernard
Thomas Bernard Journaliste et éditeur multimédia au Vif

Le secteur de la construction sonne l’alerte, face au ralentissement marqué des permis de rénovation. La crise s’installe durablement. En Wallonie, le nombre de permis est même au plus bas depuis longtemps, alors que la rénovation du bâti représente un enjeu important pour atteindre les objectifs climatiques.

Le chantier est énorme pour améliorer un parc immobilier belge souvent vieillissant et gros consommateur d’énergie. Et sur les chantiers, l’inquiétude est tout aussi énorme, alors que les commandes ralentissent.

Le marché du «neuf» a été le premier touché par ces diminutions, mais la rénovation est désormais également impactée. Embuild, qui représente le secteur de la construction, constate une nouvelle baisse du nombre de permis dédiés à la rénovation de bâtiment en Belgique: -4% entre le premier semestre 2024 et 2023. Un chiffre faible, qui peut sembler marginal, mais qui vient surtout allonger une série noire.

«Les dernières années ont vu de fortes variations se produire sur le marché de la rénovation. Après le Covid, les gens ont voulu investir dans leur logement, l’améliorer. L’année 2021 était un peu exceptionnelle, avec un pic des permis de rénovation. Mais depuis 2022, c’est la dégringolade constante et l’année 2025 ne s’annonce pas meilleure», déplore Sven Nouten, porte-parole d’Embuild.

L’explosion des coûts

Parmi les causes avancées, la guerre en Ukraine qui a eu une incidence énorme sur les prix de certains matériaux, l’indexation des salaires en 2023 et les taux des prêts hypothécaires. Trois conséquences directes sur le portefeuille, plombant la facture finale pour le client. «Cela semble se stabiliser désormais, mais il est évident que les gens ont retardé des travaux en attendant de voir l’évolution des prix, mais aussi le taux d’emprunt qu’ils pouvaient obtenir», constate le porte-parole.

La courbe des permis dédiés à la rénovation, lorsqu’elle est lissée sur douze mois pour mieux voir les tendances à long terme, semble être revenue à un niveau «classique», après un tour de montagne russe. Mais elle étonne le secteur, alors que la Belgique, poussée par l’Europe, affiche des objectifs climatiques importants, notamment pour améliorer les performances énergétiques de l’habitat existant. «Certains travaux d’amélioration peuvent se faire sans permis, évidemment. Mais ce n’est pas simplement en installant des panneaux photovoltaïques ou en mettant une pompe à chaleur qu’un bien immobilier atteindra un PEB (performance énergétique des bâtiments) niveau A, comme l’espère la Wallonie d’ici à 2050. Il faut rénover en profondeur pour cela», pointe le porte-parole.

Une rénovation trop lente

Les derniers chiffres publiés par la Wallonie montrent la proportion encore importante du bâti aux faibles performances énergétiques. Sur l’ensemble des biens mis en vente ou en location, hors bâtiments récents (ceux postérieurs à 2010), dans la période allant de 2011 à 2022, environ 27,2% présentaient la plus mauvaise classification, soit un PEB G.

Mais le cadastre exact du bâti et son évolution, pour l’ensemble du parc immobilier, reste un angle mort, comme le précise Cécile Neven, la ministre wallonne de l’Énergie, du Logement et du Plan Air-Climat-Energie (PACE 2030). Dans un communiqué diffusé ce jeudi, le gouvernement wallon et la ministre concernée constatent la lenteur de mise en œuvre des mesures du PACE 2030, dont l’un des chapitres se consacre à la rénovation des bâtiments. «Seules treize des 295 mesures reprises dans ce plan ont été implémentées, soit moins de 5%. Il est donc urgent de passer à la vitesse supérieure et d’engranger de réelles avancées», martèle le gouvernement.

Contacté, le cabinet de la ministre confirme que «le rythme actuel de rénovation (1% du parc de logement par an) est trop faible. L’objectif du gouvernement est de tripler l’effort, car la rénovation constitue un levier fondamental pour atteindre nos objectifs climatiques. Pour ce faire, le système actuel de primes à la rénovation devra être rendu plus simple, plus lisible, plus efficace pour les citoyens et plus soutenable pour la Wallonie.»

Une liste des mesures prioritaires doit être établie pour 2025, mais il est question également d’une évaluation des mesures existantes pour, le cas échéant, les adapter. Les acteurs de terrain seront consultés, «afin de garantir des politiques de rénovation (et de construction) équilibrées et répondant aux besoins réels de la population», précise encore le cabinet Neven. Les amendements devraient être présentés dans les prochains mois.

Il y a en tout cas urgence à accélérer le tempo. Un premier rapport sur les progrès de la Belgique vers la neutralité climatique d’ici à 2050 vient d’être publié et signe un cinglant retour à la réalité: aucun secteur ne s’inscrit sur une trajectoire cohérente avec les scénarios de neutralité climatique.

En 2022, les émissions de gaz à effet de serre (GES) des bâtiments représentaient 17% du total des émissions en Belgique. Dont 73% de ces émissions rien que pour le logement résidentiel.

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