L’activité immobilière s’est révélée moins dynamique en Belgique au cours des neuf premiers mois de l’année 2023, avec une baisse de 3,1% des transactions par rapport à la même période en 2022.

Les transactions immobilières en perte de vitesse: quelles sont les régions les plus touchées? (carte interactive)

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Après plusieurs années d’activité intense, le marché immobilier belge se stabilise. Les transactions ont connu une baisse de 3,1% au cours des neufs premiers mois de 2023, révèle le baromètre de la fédération du notariat Fednot. Une perte de vitesse particulièrement marquée en Flandre et à Bruxelles.

Les Belges ont-ils toujours une brique dans le ventre ? Oui, mais moins qu’avant, révèle le baromètre immobilier de la fédération du notariat, Fednot. Au cours des neufs premiers mois de l’année 2023, les transactions immobilières ont ainsi connu une baisse de 3,1% par rapport à la même période en 2022.

Bien qu’il soit difficile de tirer des conclusions uniquement sur la base de ces données brutes, cette tendance ne surprend pas Roland Gillet, professeur d’économie financière à la Sorbonne à Paris et à la Solvay Business School (ULB). « Au cours de la période Covid, il y a eu énormément de ventes de secondes résidences en Belgique, notamment au Sud du pays, analyse l’expert. Observer une phase de ralentissement aujourd’hui n’a donc rien d’anormal. »

Surtout, la remontée des taux d’intérêt sur les crédits hypothécaires décourage les acheteurs potentiels. Après plusieurs années avec des pourcentages très bas (1 à 2%) voire même nuls, les taux connaissent une augmentation substantielle depuis plusieurs mois, s’élevant en octobre 2023 à près de 4%. « Logiquement, cette remontée des taux est un frein aux transactions immobilières, précise Roland Gillet. Les gens qui veulent investir préfèrent attendre un peu que les prix baissent, pour ne pas trop s’endetter. »

Des obligations de rénovation

Le baromètre de la Fednot révèle également d’importantes disparités régionales. Le ralentissement de l’activité immobilière s’observe principalement en Flandre (-5%) et à Bruxelles (-1,7%), alors que les transactions sont restées stables en Région wallonne (+0,1%). Cette perte de vitesse en Flandre peut notamment s’expliquer par l’introduction de nouvelles réglementations en termes de rénovation énergétique. Depuis le 1er janvier 2023, l’acquéreur d’une maison aux mauvaises performances énergétiques (PEB E ou F), est tenu par une obligation de rénovation, ce qui peut réfréner les acheteurs potentiels. « Les biens dont l’empreinte énergétique est plus importante sont moins rapidement vendus, car l’acquéreur sait que ça va lui occasionner des frais supplémentaires, détaille Roland Gillet. Le candidat aura même plus de difficulté à contracter un prêt car les banques sont devenues très regardantes à ces coefficients. »

De nombreuses disparités s’observent également au niveau provincial. Le Hainaut a enregistré la plus forte croissance de transactions (+3,3%), devant Namur (+1,9%) et le Brabant wallon (+1,5%). A l’autre extrémité du classement se retrouvent la Flandre-Occidentale (-8,1%) et la province de Luxembourg (-6,3%). « Pendant la pandémie, les Ardennes ont bénéficié de la construction de gîtes dans les petits villages et de gens qui sont venus y implanter leur seconde résidence, rappelle l’économiste. Avec la reprise accélérée des voyages à l’étranger et la remontée des taux d’intérêt, les biens dans la province de Luxembourg sont devenus moins attractifs. Ce n’est pas une catastrophe, mais c’est un peu un retour en arrière par rapport à la forte expansion des trois dernières années. »

Les jeunes acheteurs, toujours moins nombreux

Enfin, les transactions immobilières varient en fonction des tranches d’âge. Les jeunes âgés de 30 ans ou moins sont toujours moins nombreux à acheter. Ils représentaient 29% lors des neuf premiers mois de l’année, contre 30,3% en 2022 et 30,5% en 2018. Leur part est la plus faible dans le Brabant wallon (18,0%) et le Brabant flamand (25,7%), où les prix sont plus élevés. « Au vu de la remontée des taux d’intérêt et de l’inflation, la capacité des jeunes à devenir acheteur se réduit, confirme Roland Gillet. Ils préfèrent attendre des jours meilleurs sur le marché et, surtout, d'avoir davantage de fonds propres pour éviter de trop s’endetter. » Plusieurs aspects sociologiques sont également à prendre en compte. Aujourd’hui, les jeunes poursuivent plus longtemps leurs études et s’insèrent de plus en plus tardivement sur le marché de l’emploi, réduisant leur capacité à investir dans l'immobilier. La mobilité est également plus importante chez les jeunes en raison de départs à l’étranger ou de simples déménagements. « Si vous ne restez que quatre ou cinq ans dans votre nouvelle maison, vous amortissez beaucoup moins les frais de mutation, la TVA, les droits d’enregistrement et même les frais de notaire que si vous y restiez vingt ans, insiste le professeur d’économie financière. Ces frais étant particulièrement élevés en Belgique, ils pèsent également dans la balance lors d’un achat potentiel. »

Toute cette dynamique pourrait-elle entraîner une baisse des prix de l’immobilier, attendue depuis plusieurs mois ? « C’est impossible de prédire quand et comment les prix vont significativement diminuer, insiste Roland Gillet. Mais généralement, la remontée des taux d’intérêt favorise une correction de l’immobilier. Ce sont des facteurs auto-entraînant. Malheureusement, cette diminution ne s’observe pas encore pour le moment. » Sans tenir compte de l’inflation, le prix moyen d’une maison est en effet resté pratiquement stable par rapport à 2022 (+0,9%). Il a même encore augmenté pour les appartements (+2,9%).

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