La mobilisation des riverains nuit-elle à l’immobilier à Bruxelles ? «La délivrance de permis ne peut être l’otage d’associations»
La vie des promoteurs immobiliers en région bruxelloise est loin d’être un long fleuve tranquille, assure Pierre-Alain Franck, administrateur-directeur à l’UPSI, qui regroupe 160 développeurs et investisseurs immobiliers, pour qui les excès de résistance citoyenne contribuent à nuire à l’offre de logements accessibles. « C’est le système dans son ensemble qui est devenu insoutenable. »
La charge de la secrétaire d’Etat bruxelloise au Logement, Nawal Ben Hamou (PS), contre l’actuel processus de délivrance des permis a tout pour réjouir les promoteurs immobiliers…
Je n’aurais pas pu mieux la formuler. Plutôt que de «crier au loup» sur certaines propositions, il faut saluer cette prise de conscience publique que partagent notamment les promoteurs privés. Il ne s’agit pas de critiquer une disposition procédurale spécifique ou un acteur particulier, ni de dire que tout est nul. C’est le système dans son ensemble qui est arrivé à une limite devenue insoutenable pour les porteurs de projets immobiliers, qu’ils soient privés ou publics, grands ou petits.
C’est la participation citoyenne qui pose particulièrement problème?
On ne peut s’en passer. Il faut pouvoir entendre le riverain faire part de son mécontentement ou de ses objections sur des aspects précis d’un projet immobilier. Enquête publique et commission de concertation méritent leur place dans le processus mais elles ne peuvent être l’otage d’associations ou de riverains. Quand le processus tourne à la foire d’empoigne, vire à la position dogmatique comme un refus de logements parce qu’ils sont sociaux, quand on verse dans une totale démagogie ou la mauvaise foi et qu’on prend en tenaille un projet à propos duquel on dit parfois tout et n’importe quoi, cela ne va plus. Ici c’est une pierre qui devient un élément du patrimoine historique, là c’est le sommeil de chauve-souris qui ne sera pas respecté, ailleurs c’est la présence d’un renard subitement entraperçu qui devient prétexte à une remise en cause.
Quand on prend en tenaille un projet immobilier à propos duquel on dit tout et parfois n’importe quoi, ça ne va plus.
Dur, dur, d’être un promoteur immobilier?
Il a rarement l’occasion de s’exprimer, généralement il se fait lyncher. Il est mis dans le rôle du méchant, c’est insupportable. Il est logique d’être confronté à des temps longs lorsqu’il s’agit de chantiers d’envergure. Une demande de permis ne tombe d’ailleurs pas du ciel, elle fait l’objet d’un processus de consultations avec des tas d’acteurs publics, avant le début même de la procédure stricto sensu. Viennent ensuite les phases de l’enquête publique et de la commission de concertation et puis, dans 60% des cas, une procédure de recours devant le Conseil d’Etat. Résultat: le délai moyen pour traiter un dossier immobilier en Région bruxelloise est de cinq ans et neuf mois, de trois ans et huit mois en Flandre et de quatre ans en Wallonie, selon la dernière enquête annuelle menée auprès de nos membres.
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Qui dit perte de temps dit perte d’argent. Mauvais pour le business immobilier bruxellois?
Pour finir, ce système conduit à une production réduite de l’offre alors que la demande reste présente, et donc à une augmentation continue des prix de l’immobilier, tant pour les logements neufs que pour les logements existants. C’est le système lui-même qui contribue à rendre les logements inaccessibles à une grande partie des ménages qui souhaitent résider en Région bruxelloise. C’est en cela que l’enjeu est sociétal. Personne ne contredit la nécessité d’arriver à un immobilier durable, abordable, rénové, de qualité. Encore faut-il pouvoir démolir de vieilles friches et construire des logements performants sur le plan énergétique en ces temps d’urgence climatique. Nous avons réellement besoin de réformes efficaces, avec, en point de mire, la réduction des temps de délivrance des permis et la sécurité juridique de pouvoir développer des projets immobiliers.
En mettant pour cela des limites à la résistance citoyenne?
Il faut que la commission de concertation soit mieux gérée, mieux cadrée. Il faut avoir la bonne discussion, au bon moment, au bon endroit et avec les bonnes personnes, alors que le processus actuel mène à la crispation et à la confrontation. Il appartient au politique de trancher et d’assumer, ce qu’il ne fait pas lorsqu’il se réfugie derrière la démocratie urbaine pour se dédouaner et se déresponsabiliser.
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