Cadeaux fiscaux, épargne, maison ultradominante: pourquoi le Belge est-il si «bien» logé? (infographie)
Supérieur à la moyenne européenne, le taux de propriété immobilière en Belgique n’est pas une anomalie. Mais il bénéficie de plusieurs incitations (volontaires ou non) à l’acquisition. A l’achat, la maison domine toujours l’appartement, et ce alors que le taux d’habitation dite surpeuplée est le plus faible de l’UE. «Le Belge vit dans un grand logement, à prix abordable, mais mal isolé», résume l’économiste Étienne de Callataÿ.
Le Belge aime posséder sa (grande) maison (mal isolée). Il aurait même une brique dans le ventre. Ce n’est pas qu’une légende: les derniers chiffres d’Eurostat en date, qui épluchent différentes données immobilières de 2022, vont dans ce sens.
Près de sept personnes sur dix (69 %) sont propriétaires de leur habitation au sein de l’Union européenne. Les chiffres révèlent également que la proportion de Belges propriétaires dépasse cette moyenne européenne et atteint 72,5%.
«La Belgique se situe en effet légèrement au-dessus de la norme européenne, mais pas de façon spectaculaire, commente l’économiste Étienne de Callataÿ, spécialiste de la question immobilière. Cela est surtout dû au fait que quelques pays tirent nettement la moyenne vers le bas.» L’Allemagne est l’exemple le plus frappant : notre voisin atteint un taux de propriété d’à peine 46%. La France (63,2%), le Danemark (59,6%) ou l’Autriche 51,4% sont également à la traîne. Hors UE, la Suisse (42%) ou le Royaume-Uni (62,5%) sont derrière la Belgique. Hors Europe, le plat pays a un taux comparable à celui des Etats-Unis (autour des 70%). «Le chiffre belge ne saute pas aux yeux comme une anomalie», tempère Étienne de Callataÿ.
Immobilier: comment expliquer le taux belge élevé?
Comment expliquer, toutefois, que la Belgique dépasse ses voisins proches? Pour l’économiste, des avantages/cadeaux fiscaux -directement liés à l’accès à la propriété- favorisent l’acquisition immobilière. «Cette incitation reste un peu paternaliste dans la mesure où elle suppose que la propriété immobilière est une manière d’épargner pour ses vieux jours, et qu’elle évite le risque de pauvreté une fois à la retraite.»
Ces motivations de type socio-économiques se heurtent cependant à la réalité. «Le cadeau fiscal est souvent capturé par le vendeur, et non à l’acheteur, dénonce Étienne de Callataÿ. Ceci étant, les avantages octroyés pour l’accès à la propriété ont nettement diminué ces 50 dernières années.»
Un autre phénomène propre à la Belgique explique ce taux de propriété supérieur à la moyenne. Longtemps, le pays a plus exporté qu’il n’a importé, il était «riche» et a donc dégagé une épargne importante. De celle-ci, il a investi, en partie, dans l’immobilier. «En moyenne, les ménages belges (pas l’Etat) sont relativement riches. Le Belge moyen est plus aisé que l’Allemand moyen», fait remarquer Étienne de Callataÿ.
Immobilier: médiocrité du logement public en Belgique
Les déficiences belges liées au logement social et public ne sont pas totalement étrangères au taux de propriété élevé. Aux Pays-Bas, la part du logement public atteint environ les 25%. «L’accessibilité est moindre en Belgique, en raison d’une double médiocrité: volume et qualité de gestion du logement public font défaut, pointe l’économiste. Ce manquement est un incitent additionnel à la nécessité de devenir propriétaire puisque le secteur public ne propose pas de devenir locataire à bon compte», critique-t-il.
La domination de la maison face à l’appartement
Par ailleurs, 52% des habitants de l’Union européenne vivent dans une maison. Ce type d’habitation est le plus répandu dans deux tiers des Etats membres. L’Irlande comprend le plus grand nombre de personnes vivant dans une maison (89 %). Elle est suivie par les Pays-Bas (79 %), la Croatie et la Belgique (respectivement 77 %). L’Allemagne (36,5 %) et l’Espagne (34,2 %) sont les États où les maisons sont les moins répandues.
Selon Étienne de Callataÿ, cette domination de la maison par rapport à l’appartement s’explique par les droits d’enregistrement. La portabilité de ces derniers (c’est-à-dire un remboursement en cas de second achat immobilier) n’est pas applicable à Bruxelles et en Wallonie. Le fait qu’ils ne soient pas transportables est un énorme frein au déménagement. «En Belgique, donc, le jeune ménage achète souvent trop grand en prévision pour le futur, et le vieux ménage vit, lui aussi, dans trop d’espace.»
Le Belge bien logé… selon le critère des mètres carrés
Du point de vue de la qualité de l’habitat, les chiffres d’Eurostat révèlent qu’environ 17 % de la population de l’Union européenne vit dans une habitation que l’on peut qualifier de «surpeuplée». En Belgique, ce taux est beaucoup plus faible et atteint 6,2 %.
«Le Belge est relativement bien logé si on mesure la qualité du logement en fonction du nombre de mètres carrés, confirme Étienne de Callataÿ. Il vit dans un grand logement, à prix abordable, mais mal isolé. Car d’autres critères interviennent pour qualifier la qualité d’un logement, comme l’isolation, la situation et la connectivité aux transports.»
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