Les biens neufs à haute performance énergétique (PEB A+ ou A), bientôt inaccessibles pour la classe moyenne? © BELGA/BELPRESS

Acheter neuf ou rénover une passoire énergétique? 6 conseils pour un investissement réussi à l’heure du règne du PEB

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

L’écart de prix entre les biens immobiliers dotés d’un excellent label PEB et ceux à performance médiocre ne cesse de croître sur le marché belge. Pour éviter de se ruiner, vaut-il mieux opter pour la rénovation d’une passoire énergétique? Tout dépend en réalité du profil de l’acheteur.

Jamais les biens dits «écologiques» n’avaient suscité autant de convoitise. En 2024, les maisons et appartements dotés d’un excellent certificat PEB ont à nouveau gagné une belle valeur sur le marché immobilier. Si bien qu’en Flandre, l’écart de prix entre un label A et F peut aujourd’hui grimper jusqu’à 44% (22% en Wallonie), selon le baromètre annuel d’ERA.

Cette tendance, due en partie à la crise énergétique et à l’entrée en vigueur de nouvelles règlementations de sobriété européennes, rend l’acquisition de biens neufs à haute performance énergétique presque impayable pour la classe moyenne. «Aujourd’hui, on fait face à un marché immobilier à trois vitesses, résume Emmanuel Deboulle,  business developpement manager chez ERA et porte-parole en Wallonie et à Bruxelles. D’abord, une catégorie de biens aux labels A ou B, qui pourraient littéralement se vendre dix fois. Les candidats-acquéreurs sont extrêmement nombreux et la pression sur les prix est très importante. Ensuite, une gamme de biens aux labels C ou D, sur laquelle la pression est relativement normale. Enfin, une gamme de logements labellisés E, F ou G (en Wallonie et à Bruxelles), qui sont beaucoup plus difficiles à écouler, restent plus longtemps sur le marché et font l’objet d’importantes négociations à la baisse.»

Bon PEB ou pas? Ne pas se fermer de portes

Nombreux sont les futurs propriétaires à s’interroger sur la catégorie à privilégier pour réaliser les meilleures affaires. Tout dépend en réalité du profil de l’acheteur et de ses souhaits. «Il faut réfléchir en termes de projet de vie, éclaire Caroline Lejeune, présidente de la Fédération des agents immobiliers francophones (Federia) et courtière depuis 22 ans en région liégeoise. Pour rénover, il faut se donner les moyens et surtout le temps, car les travaux sont extrêmement chronophages.» D’autant que les chantiers de rénovation énergétiques ne sont pas une partie de plaisir. «Isoler un toit ou remplacer une chaudière, ce n’est pas aussi sexy que rénover une cuisine ou une salle de bains, où la partie esthétique occupe une grande place», note Emmanuel Deboulle.

Bref, un couple de travailleurs avec trois enfants en bas âge devrait plutôt opter pour un bien neuf, répondant aux normes énergétiques actuelles et à venir. «Mais il ne faut pas se fermer de portes, insiste Caroline Lejeune. Un bien à rénover peut représenter un excellent investissement, car bien moins cher à l’achat et exonéré des 21% de TVA imposés aux constructions neuves. En plus, il pourra être optimisé avec les toutes dernières nouveautés, ce qui le rendra bien plus performant énergétiquement qu’un bien rénové il y a dix ans.»

En cas d’achat d’un bien à performance énergétique médiocre, voici six conseils à suivre avant de se lancer dans la rénovation:

1. Se renseigner sur les règles PEB en vigueur (et à venir)

Les règlementations liées au PEB évoluent rapidement et diffèrent d’une Région à l’autre, bien qu’elles répondent aux mêmes objectifs européens. La Wallonie a par exemple adopté un calendrier de rénovation obligatoire, qui s’échelonne jusqu’en 2041. A partir du 1er juillet 2026, tout nouveau propriétaire d’un bien labellisé E, F ou G aura l’obligation d’atteindre le niveau D dans les cinq ans du changement de propriété. Mais à compter de juillet 2031, les règles deviendront encore plus strictes pour les nouveaux acquéreurs (niveau C minimum), puis séviront encore en 2036 (niveau B minimum). D’autres obligations concernent également la mise en location. Bref, pour éviter les amendes, il convient donc de s’informer sur les normes à atteindre avant d’entamer ses travaux.

2. Prévoir une enveloppe suffisante pour les travaux

Les travaux de rénovation énergétique coûtent (très) cher, surtout depuis la crise du Covid-19, qui a entraîné une augmentation des coûts de matériaux de 30%, rappelle Caroline Lejeune. Dans une étude publiée en avril 2024, Immoweb a évalué le coût des travaux à environ 20.000 euros par saut de label. «Pour passer d’un label F à D, et ainsi répondre aux obligations qui entreront en vigueur en 2026, un propriétaire wallon devra ainsi compter 40.000 euros de rénovation, précise Jonathan Frisch, économiste chez Immoweb. A noter que pour le label le plus médiocre (G), les coûts peuvent encore être plus importants car la classification ne prévoit pas de seuil excluant.» Les retards étant également légion dans le secteur de la construction, il est crucial de prévoir une enveloppe suffisamment importante pour couvrir l’entièreté de la période des travaux.

3. Viser plusieurs sauts de label PEB en une fois

Pour limiter les frais, mieux vaut prévoir des travaux uniques, qui permettent de sauter plusieurs étiquettes en une seule fois plutôt que de procéder étape par étape. «La rénovation énergétique engendre des coûts fixes, ce qui implique que le total des dépenses pour chaque étape individuelle est supérieur à celui qui serait engagé si toutes les étapes étaient réalisées en un chantier, note Jonathan Frisch. Les passages d’un label G ou F à un label A ou B sont donc particulièrement rentables.» Selon les calculs d’Immoweb, les coûts pour passer d’un label énergétique G à un label B s’élèvent environ à 401 euro/m², soit bien moins que la somme des coûts pour chaque saut individuel (766 euro/m²).

4. Se renseigner sur les primes et les aides

La rentabilité de la rénovation énergétique dépend généralement de l’accessibilité aux subsides, d’où l’importance de s’informer sur les règles en vigueur avant de se lancer. En Wallonie, pour bénéficier d’une prime à la rénovation, le propriétaire doit par exemple occuper le bien pendant au moins 5 ans après les travaux. Le montant de la prime attribuée n’est pas unique et varie selon les revenus du ménage. Il convient donc de se plier à des calculs précis afin de déterminer si la rénovation vaut la peine et permettra (ou non) d’entraîner une plus-value financière. A noter que plusieurs villes wallonnes, telles que Seraing, propose un accompagnement complet des propriétaires souhaitant se lancer dans une rénovation énergétique (aide à l’obtention des primes, à la demande de devis,…).

5. Prendre en compte la consommation réduite dans les calculs

Pour calculer la rentabilité financière d’une rénovation énergétique, il convient également d’évaluer tous les facteurs positivement impactés par cette dernière. Généralement, les calculs se limitent à une simple comparaison entre le coût des travaux et la plus-value sur le prix de vente de la maison. Mais la rénovation énergétique permet également un confort de vie amélioré et, surtout, d’importantes économies sur les factures de gaz et d’électricité pendant de longues années. Des critères à ne pas sous-estimer.

6. Ne jamais revendre juste après les travaux

En cas de projet de vente, mieux vaut proposer le bien en l’état sans se plier à de coûteux travaux de rénovation énergétique en amont. D’abord, car la vente immédiate signifiera la non-accessibilité aux primes. Mais aussi, par souci esthétique. «Si vous avez une maison simple vitrage, mieux vaut laisser le chantier au futur acquéreur pour qu’il puisse choisir des chassis à son goût», illustre Emmanuel Deboulle. «Il faut évidemment toujours essayer de présenter le bien sous son meilleur jour, en faisant par exemple un grand nettoyage pour permettre à l’acheteur de se projeter dans la maison, mais pour les gros travaux de PEB, le jeu n’en vaut pas la chandelle», estime Caroline Lejeune. Sauf en cas de rénovation minime, qui permettrait un ou plusieurs sauts de label avec des frais limités (par exemple, une seule fenêtre sur laquelle il faut apposer un double vitrage).

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire