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La Cristallerie du Val Saint-Lambert à Seraing menace de se délocaliser (info Le Vif/RTBF)

David Leloup Journaliste

La prestigieuse Cristallerie du Val Saint-Lambert, installée à Seraing depuis sa création en 1826, fêtera-t-elle son bicentenaire dans la Cité du Fer ? Victime collatérale du fiasco du Cristal Park, cette « vieille dame » mondialement réputée, contrôlée par George Forrest, menace de se délocaliser.  

Si les murs sont trop chers, nous pouvons aller fabriquer nos vases en cristal ailleurs ! Voilà, en substance, ce que répond la Cristallerie du Val Saint-Lambert aux curateurs du Cristal Park, ce mégaprojet immobilier qui a échoué à Seraing après vingt ans de promesses non tenues et malgré 40 millions de fonds publics mobilisés.

Depuis des années, la Cristallerie loue son usine à Immoval, l’une des sociétés en faillite du Cristal Park. Or les curateurs veulent vendre ces bâtiments. Objectif : en tirer de l’argent pour rembourser les créanciers qui ont financé le projet raté du Cristal Park. La curatelle a donc logiquement contacté la Cristallerie.

Il pleut dans le show-room

Cette dernière est-elle intéressée de devenir propriétaire de son usine ? « On a discuté avec les curateurs. Pour l’instant, nous ne sommes pas immédiatement intéressés par un achat », répond Pierre Chevalier, président du conseil d’administration de Val Saint-Lambert SA (qui exploite la Cristallerie) et représentant de l’homme d’affaires George Forrest (actionnaire à 75% de la société depuis 2018).

Georges Forrest . BELGA PHOTO OLIVIER HOSLET

« Ce serait racheter des bâtiments totalement vétustes », renchérit l’administrateur-délégué de la Cristallerie, André Houet. « Il y a d’énormes travaux à réaliser. On devrait refaire complètement le toit. Il y a des murs qui s’écroulent. Il n’y a plus de chauffage. Il pleut régulièrement dans le show-room… C’est un bâtiment qui a priori devrait être démoli », tranche-t-il. André Houet ne ferme cependant pas la porte à un rachat : « C’est une possibilité à condition que le prix soit très très, très, très raisonnable, je dirais quasiment le prix du terrain. »

Le « bébé » de Seraing

Déménager la production ailleurs « ne ferait pas du tout plaisir aux autorités communales, a conscience André Houet. La Cristallerie, le Val Saint-Lambert, c’est le bébé de Seraing. Mais nous ne sommes pas obligés de rester dans l’environnement. » Pierre Chevalier complète : « Nous sommes propriétaires de la marque Val Saint-Lambert. On peut donc transférer l’activité où l’on veut. En Brabant wallon, dans le Hainaut ou même en Flandre. » Voire à l’étranger.

Tout ceci est une conséquence du plantage du Cristal Park. La faillite du propriétaire de ses murs, et la perspective d’une vente des bâtiments, mettent la Cristallerie en difficulté. Elle louait ses installations à titre gratuit, explique André Houet. C’était prévu par la convention de reprise de la société.

Promesses non tenues, Forrest en a marre

Le propriétaire des murs, Immoval, aujourd’hui en faillite, devait construire une nouvelle usine pour la Cristallerie au sein du village commercial du Cristal Park. Le show-room exposant les œuvres issues de la cristallerie devait, lui, s’installer dans le château du Val Saint-Lambert, bien plus prestigieux que le bâtiment actuel. « Ces promesses n’ont pas été tenues. Ça a été reporté de date en date… » Cela faisait pourtant partie du business plan de la Cristallerie. Ça devait lui permettre d’être rentable, ce qu’elle n’est pas.

La Cristallerie tient, depuis sa reprise par George Forrest, « uniquement grâce à des apports de fonds systématiques de l’actionnaire principal. Économiquement parlant, c’est un non-sens. » La perspective d’être obligé de devoir encore investir pour racheter des bâtiments en quasi-ruine ne fait pas sourire l’actionnaire, qui en a marre de cracher au bassinet. Le directeur déclare aujourd’hui être « en pleine réflexion sur une continuité ou pas », mais collabore « avec la Ville qui ne souhaite pas voir disparaître la Cristallerie ».

Tout sera à vendre, la Ville intéressée

La curatelle ne va pas se limiter à vendre l’usine et le show-room. Tous les actifs d’Immoval et de Valinvest (l’autre principale société faillie du projet Cristal Park) seront vendus. En plus de ces deux bâtiments, il y aura la maison Deprez, l’abbaye cistercienne et la maison des Étrangers. La Ville de Seraing est officiellement intéressée par ces bâtiments, pour leur valeur patrimoniale.

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Si elle les rachète, cela signifie qu’elle va dépenser de l’argent pour récupérer les biens de sociétés en faillite dont elle était elle-même actionnaire. Donc des biens qui lui appartenaient déjà en partie. C’est un peu le serpent qui se mord la queue… et qui paie deux fois. Mais l’échevine des Finances, Laura Crapanzano (PS), botte en touche : « Ça veut dire que la Ville ne cesse de prendre ses responsabilités. »

Qui possède les terrains constructibles ?

Reste la question de la centaine d’hectares de bois et de terrains constructibles autour de la vieille usine. Ce sont eux qui ont le plus de valeur. Ils ne sont pas, pour l’instant, mis en vente. La question est : « À qui appartiennent-ils ? » À la Ville de Seraing et à la société de logements sociaux La Maison sérésienne, qui en sont les propriétaires initiaux ? Des compromis de vente ont été signés avec Immoval, puis transférés aux sociétés filiales (« SPV ») du Cristal Park, mais jamais payés par personne.

La Ville et la Maison sérésienne estiment donc que ces terres leur appartiennent toujours. Le collège des curateurs doit encore déterminer sa position à propos de la propriété de ces terrains. Une chose est certaine : les sociétés Immoval et Valinvest en faillite doivent ensemble plus de 28 millions d’euros à leurs créanciers. Dont la moitié prioritairement à Ogeo Fund, le fonds de pension public des intercommunales liégeoises (Enodia, Cile, AIDE, IILE, etc.).

Ogeo, prioritaire, va tout rafler

Ogeo Fund va donc tout rafler des ventes qui seront réalisées dans les mois qui viennent par la curatelle. Mais il est plus que probable que le fonds de pension ne va pas récupérer sa mise. Les autres créanciers, dont l’architecte Christian Sauvage qui a travaillé dix ans sur le projet et réclame 700.000 euros de factures impayées, risquent bien de rester sur le carreau. Car c’était la valeur du Cristal Park construit qui devait permettre de les rembourser. Et comme aucun nouveau bâtiment n’est sorti de terre, il n’y aura finalement que très peu d’argent à récupérer.

Fondée en 1826, la verrerie sérésienne qui deviendra la Cristallerie du Val Saint-Lambert a connu un grand succès en produisant des objets en cristal de haute qualité, tels que des vases, des coupes, des verres et des lustres. Réputée mondialement, la Cristallerie a connu de nombreux propriétaires, dont la Région wallonne, et a fait faillite en 2002, 2008 et 2013.

David Leloup, avec François Braibant (RTBF)

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