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Votre facture d’énergie ne traduit pas vraiment votre consommation réelle

Mailys Chavagne

Sans compteur communicant, il est impossible pour les fournisseurs d’énergie de savoir exactement quelles quantités de gaz les citoyens consomment mensuellement. Au point de diminuer l’impact des économies d’énergie des prochains mois?

Le prix du gaz fluctue tous les mois et la disparition des tarifs fixes au profit de tarifs variables met une pression supplémentaire sur les ménages, qui souffrent de l’inflation sur plusieurs niveaux. Par conséquent, la plupart des citoyens multiplient les stratégies pour baisser leur consommation de gaz. Certains espèrent même « éviter » les mois d’hiver où le gaz est le plus cher en partant plusieurs semaines dans un pays chaud, ou encore en se chauffant uniquement au pellet.

Des efforts qui se traduisent effectivement sur leur relevé de compteur annuel, mais qui n’aura pas l’impact espéré. Et pour cause: la méthode de calcul actuel de la consommation d’énergie se base sur des moyennes générales fixes estimées mois par mois et attribuées selon la Région dans laquelle on vit. Les Belges ne pourront donc pas éviter les tarifs de gaz les plus chers simplement en coupant leur chauffage chaque fois que le gaz atteint des sommets.

Comment est calculée votre consommation d’énergie?

Le gestionnaire de réseau et de distribution (GRD) procède chaque année à un relevé de compteur à une date fixe. Mais on ne consomme pas tous les mois les mêmes quantités de gaz et, surtout, le prix du gaz varie en fonction de la météo, de l’offre et de la demande, des stocks disponibles… Le gaz n’a donc pas la même valeur qu’on soit en août ou en janvier. Mais, dans ce cas, comment calculer exactement le prix des kilowattheures consommés, et comment savoir quel taux appliquer mensuellement?

C’est là toute la subtilité – et la complexité – de la chose: d’une part, la facturation est effectuée partiellement sur la base du relevé de compteur annuel et d’autre part sur la base des profils de consommation (SLP/RLP) reconnus par les régulateurs.

Mais qu’est-ce que c’est exactement ces SLP/RLP? « Le profil de charge est publié par le gestionnaire de réseau de distribution, sur le site de Synergrid. C’est un profil standard de consommation, mois par mois, jour par jour, de l’électricité et du gaz en Belgique », explique Stéphane Bocqué, issu de la fédération sectorielle Febeg. « Cela permet d’attribuer à une période de consommation donnée une quantité de consommation en kilowattheures. » En d’autres termes, cela donne un pourcentage de consommation par jour/mois en fonction des Régions et du profil du consommateur d’énergie.

Ces SLP, aussi appelées Standard Load Profiles, sont des données statistiques estimées chaque année sur base des habitudes de consommation de l’année précédente. Petit changement en 2022: les données seront désormais plus précises. « Depuis que le nouveau système de communication de données a été mis en place entre les GRD et les fournisseurs, on travaille avec des profils RLP. Cela signifie Real Load Profiles, des profils de charges réels« , détaille Anne-Elisabeth Sprimont, de la Commission wallonne pour l’énergie (CWaPE). « Chaque gestionnaire de réseau et de distribution sait quelle est la quantité d’énergie qui passe sur son réseau [à un moment donné]. Il est donc capable de rendre compte, au quart d’heure près, de la quantité d’énergie qu’il voit passer sur son réseau.« 

Les mois d’hiver pèsent sur la facture

Ainsi, si l’on observe le tableau ci-dessus, on peut voir que « les mois d’avril, mai, juin, juillet, août et septembre ne pèsent pas énormément [sur la facture]. Par contre, on sait qu’il va y avoir une forte demande de gaz en novembre, décembre, janvier, février, mars. Donc ce sont ces mois-là qui pèsent très lourdement », ajoute Anne-Elisabeth Sprimont.

Pour une consommation annuelle d’environ 17.000 kWh, on va ventiler cette quantité selon les profils de charges pour ainsi obtenir des quantités de gaz mensuelles précises auxquelles on pourra appliquer les prix du gaz correspond. Par exemple, au mois de décembre, un Belge moyen aura consommé environ 16% de sa consommation totale de gaz, donc 2720 kWh. Les fournisseurs vont ensuite multiplier ce nombre par le prix du kWh de décembre (encore à définir). Ils additionnent ensuite les résultats obtenus pour chaque mois de l’année, font la soustraction avec l’acompte donné et envoient la facture de régularisation.

Un calcul pas tout à fait précis

On le constate donc, tout le monde est logé à la même enseigne, qu’il réalise ou non des économies d’énergie. Si un Belge espère éviter le tarif de gaz le plus cher – généralement en hiver – le calcul ne prendra pas réellement en compte cet effort. « Tout le monde ne va pas consommer autant de pourcentage car il fera peut-être des efforts. Mais ça, les fournisseurs ne peuvent pas le savoir », reconnait l’experte de la CWape. Ainsi, 16% de la consommation d’un Belge sera quand même multipliée par le prix du tarif de gaz de décembre, même s’il ne consomme en réalité que 8% de gaz ce mois-là.

Néanmoins, tout effort n’est pas vain, encourage Anne-Elisabeth Sprimont. « Si tout le monde faisait les mêmes efforts, les RLP de l’année suivante seront plus bas. Car c’est ce qui circule effectivement sur les réseaux des GRD. Mais quelque part, ça ne se retranscrirait que sur la prochaine facture [de l’année suivante].

Des compteurs d’énergie plus intelligents

Seule solution à cette problématique: le déploiement de compteurs communicants, qui mesurent la quantité d’énergie consommée sur une période de temps définie. « Au niveau de la mesure de leur consommation, les clients seraient au plus près de ce qu’ils consomment réellement », explique l’experte du CWaPE, qui reconnait néanmoins le retard de la Wallonie à ce sujet.

D’autant qu’à l’heure actuelle, les relevés de compteur mensuels n’existent pas dans le calcul de la consommation. Seule possibilité aujourd’hui: relever les index du compteur électrique tous les trois mois afin d’ajuster les factures d’acompte.

« Dans une situation de crise telle que celle qu’on connaît actuellement, le compteur intelligent est vraiment très utile », approuve Stéphane Bocqué. « Cela participerait d’une prise de conscience et cela permettrait de mieux comprendre notre consommation, de voir comment elle évolue, et d’essayer – sur base d’une meilleure connaissance de notre profil de consommation – de mieux la maîtriser et de la diminuer. C’est clair que pour nous, c’est sans équivoque: il faut absolument accélérer le mouvement!« 

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