Anne-Sophie Bailly

Taxer les surprofits ne suffira pas à rendre payable la facture d’énergie

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

L’idée semblait évidente: prendre dans la poche des énergéticiens les surplus engrangés pour les redistribuer aux ménages et aux entreprises. Bref: taxer les surprofits. Il y a pourtant beaucoup de mais.

Ils se suivent et se ressemblent. Se comptent en milliards et affichent des taux de croissance à deux chiffres. Ils, ce sont les bénéfices des acteurs actifs dans l’énergie. Engie, Shell, TotalEnergies, BP, RWE… tous communiquent des performances trimestrielles et semestrielles d’une santé tellement bonne qu’elle en deviendrait insolente.

Elles se suivent et se ressemblent. Se chiffrent en centaines, voire en milliers d’euros. Elles, ce sont les factures de régularisation d’énergie. Particuliers, PME, industriels, tous affichent leur crainte, celle de savoir comment payer, comment se chauffer, comment poursuivre leur activité, selon les cas.

Le raccourci semblait facile. Prendre le surplus dans la poche des premiers pour compenser le manque dans celle des autres. Car «au fond, ma bonne dame, extraire des hydrocarbures, les raffiner ou les distribuer, ça ne coûte pas plus cher aujourd’hui qu’hier. Par contre, ça rapporte nettement plus.» Ou exprimé en langage politique: «Nous voulons aller chercher ces surprofits pour les redistribuer. Il n’est pas acceptable que des entreprises se fassent de l’argent sur le dos de la guerre et des gens qui ont des difficultés.» Ce point de vue, exprimé par Jean-Marc Nollet (Ecolo), est partagé par le pan le plus à gauche de la Vivaldi mais également par le libéral Alexander De Croo (Open VLD), qui demande aux «partenaires européens de travailler ensemble à faire baisser les prix du gaz et à établir un cadre européen qui rassemble nos pays dans la lutte pour récupérer les surprofits générés».

La taxation des surprofits ne suffira pas à rendre la facture énergétique payable. C’est pourtant l’objectif annoncé par le Premier ministre.

On prend l’argent là où il est. On le redistribue. On évite les situations les plus dramatiques. Et la révolte sociale. CQFD.

Sauf que cette démonstration a esquivé quelques contraintes bien réelles.

Celle des obstacles légaux. Quid de l’insécurité juridique qu’une nouvelle taxation engendrerait? Quid des recours potentiels des énergéticiens visés?

Celle de l’ assiette de revenus. A partir de quel niveau un bénéfice devient-il un surprofit? A quel taux l’imposer? Et, en corollaire, que rapporterait cette taxe? Deux cents millions? Trois cents millions?

Celle du type de taxation (et de ses alternatives). Une rente, un impôt progressif, une rétrocession directe aux consommateurs?

Celle de l’urgence… A laquelle cette taxation ne répond pas.

«Taxons les surprofits», l’affirmation est vendeuse, à défaut d’être suffisante. C’est néanmoins le signe que le monde politique belge prend enfin les choses en main. Mais elle est aussi l’illustration de son pouvoir d’action limité. Car cette éventuelle taxation ne suffira pas à rendre la facture énergétique payable. C’est pourtant l’objectif annoncé par le Premier ministre. Et un impératif pour les citoyens et les entreprises.

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