Panneaux photovoltaïques: indemniser les victimes de décrochage d’onduleurs, une bonne idée?
Victime du boom de l’énergie solaire, le réseau électrique wallon ne réussit pas à absorber la production des panneaux photovoltaïques. Face à cette incapacité, la Commission wallonne pour l’Energie (Cwape) a décidé d’indemniser les propriétaires de panneaux solaires. Une décision judicieuse?
Suite aux décrochages d’onduleurs de panneaux photovoltaïques, la Commission wallonne pour l’Energie (Cwape) propose d’indemniser les prosumers (les propriétaires de panneaux) de 55 euros par an pour une installation moyenne, écrivent l’Echo et La Libre Belgique. Un montant jugé trop peu élevé pour les défenseurs des propriétaires de panneaux.
En juin dernier, le ministre wallon de l’Énergie, Philippe Henry (Ecolo), avait chargé la Cwape de rédiger un avant-projet de proposition de décret organisant l’indemnisation des prosumers afin de stopper l’hémorragie avant que le réseau de distribution puisse être adapté au boom du photovoltaïque.
Celui-ci est en effet inadapté au nombre croissant de panneaux photovoltaïques. « Le réseau n’a pas été conçu pour distribuer de l’énergie dans cette direction-là. Il a été conçu pour acheminer de l’énergie, de l’électricité en l’occurrence, qui part des centrales et qui arrive jusque dans les maisons. Ici, on demande au réseau d’acheminer de l’électricité dans l’autre sens, parfois des puissances importantes. Malheureusement, les câbles n’ont pas été conçus pour cela. La fréquence et la tension s’envoient un peu plus difficilement. Automatiquement, les onduleurs, qui permettent de transformer l’énergie qui vient des panneaux vers de l’énergie compatible avec le réseau électrique, détectent qu’il y a un problème sur le réseau et il y a un décrochage« , explique Francesco Contino professeur à l’institut iMMC de l’UCLouvain.
Victime de son succès
Pour le professeur, l’énergie solaire est un peu victime de son succès. « C’est une évolution qui doit aller de manière concomitante: on doit continuer à installer massivement du solaire et en même temps, il faut pouvoir renforcer le réseau à certains endroits encore problématiques. C’est un sujet très important d’infrastructure », souligne-t-il.
Comme beaucoup de particuliers n’ont pas encore installé de compteur intelligent et qu’on ignore donc quel onduleur décroche et à quel moment, il est difficile de connaître l’ampleur précise du problème. En revanche, le nombre de plaintes augmente. L’année dernière, Resa, le principal gestionnaire de réseau de la province de Liège, en a reçu 400.
Depuis le début 2023, le gestionnaire wallon de réseaux de distribution Ores a enregistré un peu plus de 3.800 demandes d’intervention sur les près de 220.000 installations photovoltaïques raccordées à son réseau. Selon Annabel Vanbéver, porte-parole d’Ores, cela signifie que « pour plus de 98% des propriétaires de panneaux photovoltaïques, tout fonctionne sans souci ».
Ores souligne la nécessité de signaler les décrochages, mais aussi celle de placer un compteur communicant afin de diagnostiquer le problème. La porte-parole incite également les clients à modifier leurs habitudes. Elle conseille de consommer « l’électricité au moment où elle produite pour éviter qu’elle ne remonte vers le réseau de distribution et le sature durant les moments de pic. Certains appareils ménagers (fours, lave-vaisselle, sèche-linge, etc…) peuvent être programmés, et donc utilisés au moment où l’énergie est disponible en quantité via la production. C’est un élément capital de la transition énergétique : produire, mais aussi consommer autrement et adapter ses habitudes« , souligne la porte-parole.
Une indemnisation forfaitaire annuelle
Communiqué aux parties prenantes, le document que L’Echo a pu consulter propose une indemnisation forfaitaire annuelle par le GRD (gestionnaires de réseaux de distribution) aux propriétaires « subissant une limitation d’injection de leur installation causée par une congestion locale sur le circuit du réseau basse tension ».
Selon la formule développée par la Cwape, celle-ci se monterait, pour une installation moyenne, à environ 55 euros (12,31 euros par kWe selon les chiffres du premier semestre 2023). La proposition devrait être communiquée officiellement au gouvernement dans les prochains jours.
Pour l’association de défense des propriétaires de panneaux photovoltaïques BeProsumer, 55 euros, ce sont des cacahuètes. « Plutôt qu’une compensation, nous voulons un réseau qui fonctionne « , souligne son président Régis François. Il estime que l’acceptation d’indemnités compensatoires ne va pas résoudre l’accélération de la mise à jour du réseau électrique.
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« Un écran de fumée »
Selon les calculs de l’association, un prosumer victime d’un décrochage moyen perdra un cinquième de sa production annuelle, soit environ 1000 kWh, ce qui équivaut à quelque 500 euros par an, soit presque dix fois plus que la compensation proposée. « Cette compensation est un écran de fumée qui doit masquer un sous-investissement profond dans le réseau électrique« , conclut Régis François.
En juin dernier, Test-Achats avait également dénoncé les décrochages d’onduleurs. « Les GRD doivent prendre leur responsabilité en agissant de façon plus proactive pour éviter que des décrochages n’aient lieu« , expliquait sa porte-parole Julie Frère dans un communiqué. « Si l’on veut encourager les consommateurs à investir dans le photovoltaïque – ce qui est absolument nécessaire – il faut que ceux-ci puissent compter sur un cadre stable, or cela n’est pas le cas actuellement. Il faut que cela change” concluait-elle.
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