Notre façon de payer (et consommer) l’électricité en Belgique bientôt bouleversée: voici comment (infographies)
La tarification de l’électricité en Belgique devrait subir une petite révolution. Un projet de réforme de la Cwape vise à adapter les prix en fonction des pics de consommation. Cette nouvelle formule doit aussi permettre au réseau de mieux s’adapter à une utilisation changeante de l’énergie.
Notre façon de payer (et de consommer) l’électricité va-t-elle subir un électrochoc? Le projet de réforme publié par le régulateur wallon, la Cwape, est bien parti pour bouleverser toutes les normes établies. Si tout se passe comme prévu, il pourrait être appliqué dès 2026.
Concrètement, un code couleur serait d’application (vert, orange, rouge) et définirait le tarif de l’électricité en fonction du moment de la journée (ou de la nuit) où elle est utilisée. Ainsi, le code vert serait appliqué de 1 heure à 7 heures du matin, le code orange de 7 à 11 heures et de 22 heures à 1 heure, le code rouge de 17 à 22 heures. Le code orange serait trois fois plus cher que le code vert, et le code rouge, cinq fois plus. En d’autres termes, le coût de l’électricité serait le plus onéreux durant le pic habituel d’utilisation des ménages, soit en fin d’après-midi et en début de soirée.
Une tarification sur base volontaire
Pas de panique: cette «tarification incitative», comme l’a baptisée la Cwape, serait appliquée sur base volontaire. Qui n’a pas les moyens financiers ou pratiques d’endosser cette nouvelle formule n’y sera pas obligé. L’objectif est, néanmoins, d’attirer un maximum de ménages vers ce nouveau principe, dont la vocation est surtout d’anticiper les conséquences que les modes de consommation émergents de l’énergie (voitures électriques, climatisation, pompe à chaleur) pourraient avoir sur le réseau.
Les tarifs monohoraire (prix unique) et bihoraire (prix différents entre jour et nuit) actuels seront conservés en tant que «tarification standard» (et appliqués par défaut si le consommateur ne réalise pas les démarches pour basculer vers la tarification incitative), mais la note risque d’envoyer une petite décharge à l’utilisateur. En clair, la Cwape envisage de rendre l’«ancienne» formule moins attrayante (jusqu’à trois ou quatre fois plus cher que le tarif vert de la tarification incitative), avec des heures creuses plus chères, remaniées et moins longues (voir infographie).
Ainsi, le but est de pousser les ménages à se diriger vers la tarification incitative. Pour y souscrire, deux conditions devront être remplies, indique la Cwape:
- Avoir une puissance de raccordement au réseau inférieure ou égale à 56 kVA;
- Etre équipé d’un compteur digital dont la fonction communicante est active.
Comment la Cwape explique-t-elle cette volonté de changer de cap?
«Les réseaux de distribution, en basse tension, sont confrontés à deux évolutions majeures liées à la transition énergétique, détaille le régulateur. D’une part, un changement majeur intervient dans les modes de production de l’électricité. La source renouvelable est croissante, intermittente et décentralisée. Cela entraîne une forte augmentation des puissances injectées sur des réseaux de basse tension conçus initialement pour le prélèvement d’électricité par les consommateurs.»
D’autre part, décrit la Cwape, «l’augmentation des nouveaux usages électriques tels que les pompes à chaleur et les véhicules électriques a des répercussions sur la gestion des réseaux de distribution, en premier lieu sur la basse tension, les réseaux étant confrontés non seulement à un niveau de consommation (kWh) plus élevé, mais également à des puissances (kW) plus importantes.»
Ces changements nécessitent un renforcement des réseaux, ce qui a un coût, forcément répercuté sur les factures des utilisateurs. «Pour limiter ces frais, et pour intégrer une part toujours croissante d’énergie renouvelable, il est préférable de synchroniser le plus possible la consommation avec la production, c’est-à-dire absorber l’énergie au maximum quand elle est disponible localement et éviter ainsi d’en prélever trop lorsqu’elle est moins disponible», ajoute le régulateur wallon des marchés de l’électricité.
Face à une production variable, il faut adapter la demande
«Il faut clairement se diriger vers une tarification variable, réagit Francesco Contino (UCLouvain), spécialiste de la transition énergétique. Historiquement, une variabilité avait déjà été instaurée avec le système bihoraire, poursuit-il. Nous avions alors une production constante, avec le nucléaire, mais une demande variable. Le but était d’inciter les gens à utiliser l’énergie, sans quoi il fallait l’évacuer. Maintenant, la situation s’est inversée. La production est variable, et on souhaite y adapter la demande.»
Pour l’expert, le réseau belge n’a pas été pensé pour une production délocalisée. Et le besoin d’investissements et de renforcement de cette infrastructure va désormais de pair avec une utilisation raisonnée de l’énergie. «Il faut donc maximiser la marge de manœuvre de l’utilisateur, tout en permettant aux distributeurs/transporteurs d’énergie de pouvoir adapter le réseau», juge-t-il.
Le stress majeur réside donc dans les demandes trop importantes dues aux unités de chaleur délocalisées (comme les pompes à chaleur), la prolifération des systèmes d’air conditionné ou des voitures électriques. «Pour contrer cela, on peut déjà faire beaucoup en modifiant le moment où on utilise cette énergie», estime Francesco Contino.
Un réseau pas assez prêt pour les réinjections
Le réseau va donc devoir s’adapter à des réinjections d’électricité. Dans cette optique, des investissements doivent être réalisés dans les câbles, les transformateurs et l’électronique de puissance. «Mais il faut différencier la capacité à réinjecter dans le réseau et la peur de subir des coupures d’énergie dans son foyer. Le premier élément est plus à même de poser des difficultés dans le futur que le second.»
Quant à savoir si le code rouge pourrait pénaliser financièrement la classe moyenne, l’expert en énergie tempère. «Il faut d’abord analyser l’effet de cette nouvelle réforme sur le long terme pour voir si elle pénalise ou non les ménages. Car ce changement est aussi le reflet de la réalité: comme il est plus contraignant pour le réseau de consommer à ces moments-là, les modifications d’utilisation de l’énergie peuvent être réalisées à l’aide d’un incitant économique. Après le début de la guerre en Ukraine, on a réussi collectivement à réduire notre consommation de 15%, uniquement parce que les prix étaient plus élevés. Malgré les urgences climatiques, c’est surtout le porte-monnaie qui fait bouger la population», conclut-il.
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