
Mazout, gaz, électricité: faut-il sécuriser son énergie dès maintenant? «Une opportunité qui ne fait pas l’ombre d’un doute»
Les prix de l’énergie connaissent un recul inattendu, offrant aux consommateurs une fenêtre d’achat idéale… surtout pour le mazout. Cette situation est temporaire: la hausse pourrait reprendre à tout moment.
Les prix de l’énergie dans le creux de la vague… pour le plus grand bonheur des consommateurs? La guerre commerciale lancée par Trump, en dents de scie, est insaisissable. Tantôt faite de surenchères, tantôt de pauses, elle instaure en tout cas une instabilité économique mondiale, probablement bientôt chronique. Les investisseurs sont déstabilisés, tout comme les marchés de l’énergie, qui… n’avaient plus affiché des prix aussi bas depuis un long moment.
Energie: remplir sa citerne à mazout maintenant, «une opportunité d’achat à saisir»
Le pétrole est le carburant fossile à marquer la baisse la plus nette depuis le chaos économique instauré par Trump. Le baril est passé à 60 dollars. «Ce prix est très faible, mais il n’est pas un point d’équilibre du marché», remarque Damien Ernst, professeur à l’ULiège, spécialiste des questions énergétiques.
«Sans l’ombre d’un doute, il faut faire le plein de sa citerne de mazout maintenant.»
Damien Ernst
professeur à l’ULiège
En d’autres termes, les prix actuels du mazout sont bon marché et surtout… éphémères. «Pour la simple et bonne raison que les producteurs de pétrole de schiste américain, dans l’optique de forage de nouveaux puits, n’y trouvent pas leur compte. On peut donc s’attendre à une baisse de l’offre américaine, provoquant une augmentation des prix», déduit Damien Ernst. D’autant plus que d’autres pétroles, de type offshore par exemple, ne pourront pas supporter des tarifs si bas. «On est donc devant une réelle opportunité d’achat, assure le spécialiste. Sans l’ombre d’un doute, il faut faire le plein de sa citerne maintenant.»
Energie: pourquoi les prix du mazout baissent-ils?
Avec des prix oscillant autour de 70 centimes le litre (pour un achat de plus de 2.000 litres), le mazout connaît ainsi un creux précoce, les baisses ayant plutôt lieu en juin, lorsque les températures augmentent.
La guerre commerciale menée par Trump joue ici clairement son rôle. «Beaucoup de trailers sont short sur le pétrole. Ils s’attendent à une baisse, et vendent leurs positions. En parallèle, l’OPEP+ augmente sa production. La combinaison de ces deux éléments fait baisser les prix», analyse Damien Ernst.
A demande constante, même en légère décroissance, cette barre des 60 dollars le baril n’est donc pas tenable. «Faire le plein mazout actuellement revient à s’offrir une assurance en vue de l’augmentation future des prix.»
Car les éléments qui peuvent relancer une hausse des prix sont nombreux. En première ligne, la crainte d’une possible guerre en Iran… pays qui exporte entre deux et quatre millions de barils par jour à travers le monde. Une perturbation sur ce volume pourrait affecter très significativement les prix. «En cas d’attaque d’Israël sur les infrastructures pétrolières, ou des Etats-Unis sur les facilités nucléaires iraniennes, les prix du pétrole repartiront rapidement à la hausse», prévient Damien Ernst.
Gaz: le retour de prix raisonnables
Le prix du gaz, quant à lui, est passé en quelques semaines à peine de 56 à 36 euros/mégawattheure. Soit une diminution de 30% entre le dernier pic et aujourd’hui. «Cela constitue un retour à des prix raisonnables, voire intéressants», commente Damien Ernst.
Pourquoi une telle baisse? Pour le comprendre, il faut regarder vers l’Asie, qui réutilise massivement le charbon, et brûle ainsi moins de gaz pour produire son électricité. Or la Chine, singulièrement, a signé des contrats d’approvisionnement de gaz au long terme, sur 20 ans. Elle reçoit donc trop de gaz par rapport à sa réelle consommation. «Ces volumes non utilisés sont renvoyés vers l’Europe et revendus avec bénéfices. L’Europe, qui paie le prix sur le marché du gaz liquéfié (GNL), pourrait bénéficier de ce surplus venu de Chine pour faire baisser ses prix.»
Mais ce n’est pas l’unique explication. Les marchés ont également anticipé un retour d’approvisionnement de gaz russe par pipeline, ce qui demeure toutefois peu probable en 2025.
«Nous nous attendons à ce que cette baisse des prix de l’énergie se prolonge durant les mois de mai et de juin.»
Annemarie De Vreese (Creg)
«Nous voyons effectivement que les prix de l’électricité et du gaz ont baissé ces derniers mois», confirme Annemarie De Vreese, porte-parole de la Creg. Les consommateurs ayant un contrat variable (environ 70% des ménages) bénéficient automatiquement de cette baisse. «Nous nous attendons à ce que cette baisse des prix de l’énergie se prolonge durant les mois de mai et de juin. Il existe encore une différence significative dans la composante énergie des produits fixes et variables. Elle s’élève à environ 20%, soit 300 euros sur une base annuelle en faveur des produits variables», chiffre la porte-parole.
C’est pourquoi, à l’heure actuelle, les produits à prix variable pour l’électricité et le gaz naturel «sont encore préférés aux produits à prix fixe.»
Pour les consommateurs ayant conclu un contrat fixe dans le passé, le CREG Scan permet de le comparer avec l’offre actuelle sur le marché et d’éventuellement choisir un autre contrat via un site de comparaison de prix (par exemple CompacCWaPE).
Il en est de même pour les consommateurs dont les contrats expirent bientôt. «Ils seraient bien avisés de consulter un site de comparaison de prix pour choisir un produit adapté, en prenant soin de vérifier au préalable les conditions des remises éventuelles», conseille encore Annemarie De Vreese.
Gaz à bas prix: ça ne va pas durer
En revanche, les réserves européennes de gaz sont actuellement assez faibles, et difficilement remplissables sur le court terme. «L’approvisionnement par gazoducs russes fait défaut, et les capacités d’import méthanier sont limitées. Donc, il est peu probable de voir le gaz chuter en-deçà du prix payé actuellement. Le risque est plutôt qu’il réaugmente», estime Damien Ernst.
«Il est peu probable de voir le gaz chuter en-deçà du prix payé actuellement.»
Damien Ernst
professeur à l’ULiège
Cette hypothèse dépend aussi des conditions météorologiques (vent, températures) variables. Par exemple, l’hiver relativement froid de cette année a considérablement augmenté la consommation de la charge chauffage. «L’incertitude actuelle sur le gaz pourrait mener à une dégradation rapide de la situation. Dans ce contexte, il est judicieux de se protéger en optant pour un contrat d’approvisionnement en gaz à prix fixe», conseille l’expert.
Et pour l’électricité, alors? Le raisonnement est identique. Au vu de l’organisation des marchés, l’électricité a toujours tendance à suivre le prix du gaz.
Le pellet, enfin, est une option à prendre compte, «même s’il reste difficile de faire des bonnes affaires avec ce dernier. Vu les prix actuels, se chauffer au mazout est plus avantageux.»
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