Bye bye, essence et diesel ? Le Vif a répondu à vos questions sur la fin des voitures thermiques

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Quel sera l’impact de l’interdiction de la vente de voitures thermiques en Europe ? Fabienne Collard, spécialiste énergie du Crisp, répond à vos questions entre 12h et 13h.

Est-ce vraiment la fin des voitures thermiques en 2035 ? L’Union européenne a en tout cas décidé d’interdire leur vente à partir de cette année-là. Fabienne Collard, spécialiste des questions énergétiques au Centre de recherche et d’information socio-politique (Crisp) répondra à vos questions le mercredi 17 mai entre 12h et 13h (voir formulaire au bas de l’article).

Question de Michel : Est-ce que les voitures équipées LPG seront aussi bannies à partir de 2035?

Oui, car elles fonctionnent au gaz et donc émettent du CO2. Les véhicules qui ne seront plus vendus en 2035 sont les voitures thermiques légères et les camionnettes neuves. L’Europe va réévaluer en 2026 ce que peuvent apporter les véhicules hybrides et les carburants de synthèse dans la poursuite des objectifs climatiques européens. Sachant qu’on est allé plus loin sur l’e-fuel. L’Allemagne a obtenu qu’on les utilise au-delà de 2035 mais cela doit encore être intégré dans les textes européens d’ici l’automne 2024.

Question de Yves : Il restera en 2034 – 2035 quantité de voitures à moteur thermique, qui seront vendues pour être remplacées par des voitures électriques moins polluantes. Vendues à qui? Vers quel acheteur? A l’est peut-être, ou en Afrique? Où elles continueront à polluer. Quel bénéfice pour la planète?

Il est évident qu’un tas de voitures thermiques continueront à être en circulation dans les 10 à 15 ans à venir. La norme Euro 7, qui devrait entrer en vigueur en 2025 a été élaborée, est plus contraignante et crispe les constructeurs. Ce sont des mesures en matière de réduction des particules fines et oxydes d’azote. Il y aura des contraintes sur les particules émises lors du freinage et de l’usure des pneus. Jusqu’ici, les contraintes ne concernaient que les émissions du pot d’échappement. Les voitures thermiques qui satisferont encore à ces normes de pollution continueront à circuler. Les modèles les plus anciens se retrouveront surtout en dehors des trois gros marchés de l’électrique qui sont la Chine, l’Europe et les Etats-Unis.

Question de Aziz : La fin des moteurs est certainement une bonne chose pour l’environnement. Mais l’on lit un peu partout que les prix des voitures électriques baissera, certes, mais pas au point de rivaliser avec le prix des voitures thermiques de même gamme. Les voitures électriques seront réservées aux familles aisées ?

Au niveau du prix d’achat on en est encore parfois à des différences de l’ordre de 40%. C’est particulièrement vrai pour les petits modèles. L’évolution technologie augure en effet une baisse des prix. Mais on va devoir produire plus de batteries électriques et ce marché-là sera tendu. La demande va fortement augmenter et aura un impact à la hausse sur les prix.

C’est un enjeu très important car les batteries constituent 40% du prix final d’une voiture électrique. D’autant que l’Europe ne possède que 3% du marché des batteries et donc n’est pas du tout autonome. Le premier problème est le prix d’achat. Le second est aussi l’accessibilité à la recharge. Pour le moment, 80 à 90% de la recharge se fait à domicile ou au bureau. Quand l’électrique deviendra plus démocratique, le problème des bornes publiques va se poser. La recharge ne sera pas accessible à tout le monde.

Plusieurs solutions sont mises en avant comme les voitures partagées. Le problème est que le marché de l’électrique est surtout dominé par des véhicules électriques plus lourds pour le moment. Les Chinois investissent davantage dans les petits modèles sur leur marché. Les Européens se concentrent davantage sur des modèles grand gabarit mais on peut imaginer que la Chine intègre le marché européen avec ses plus petits modèles. La Citroën AMI chez nous est une alternative mais pas pour une famille car sa taille est réduite. Et son prix de 8000€ reste important.

Question de Frédéric : Sachant que les véhicules thermiques sont la première source d’émissions de CO2 en Belgique, est-il possible d’avancer cette date à 2030 ?

Le secteur automobile et petits utilitaires est responsable de 15% des émissions de CO2 au niveau européen. Quant à la date, certains pays (la Norvège, le Danemark, l’Irlande, la Suède, les Pays-Bas… et même la Flandre) ont proposé d’avancer la date à 2029. La Flandre a mis trois conditions : une offre suffisante de véhicules électriques, à un prix accessible, et une infrastructure de recharge adéquate.

Question de Ludo : Comment le gouvernement va-t-il pallier le manque de ressource de métaux rares nécessaire à la fabrication des batteries?

La question des batteries ne se règle pas au niveau belge mais européen. L’Europe cherche, comme les constructeurs automobiles, à sécuriser la chaine d’approvisionnement. Elle a l’ambition d’améliorer ses propres gisements. L’Europe possède par exemple des gisements de lithium mais connait les conséquences environnementales d’un tel procédé. C’est pour cela qu’on exporte l’impact environnemental de l’exploitation de tels gisements, et qu’on dépend de l’importation des métaux et métaux rares dans le même temps. L’Europe opte donc pour le recyclage, tout comme les constructeurs, qui collaborent avec Umicor (grand groupe de recyclage) et Solvay par exemple.

Question de Dominique : En imaginant que les constructeurs puissent produire assez de véhicules électriques, comment produire suffisamment d’électricité ?

Il faudra voir si le réseau électrique est adapté pour supporter une telle charge. En Belgique, les gestionnaires du réseau de distribution comme Ores ont l’air de craindre le contraire. Il faut se rendre compte que le basculement vers la voiture électrique se fait en même temps que l’investissement dans le renouvelable et d’autres facteurs qui mettent une tension sur le réseau. On le voit avec des panneaux photovoltaïques qui disjonctent parce que le réseau est surchargé. Le problème n’est pas tant la consommation d’électricité, mais plutôt de savoir si le réseau pourra supporter la recharge. Seulement après cela, on pourra voir ce qu’il manque en terme d’électricité. En Belgique, nous avons besoin de plusieurs réacteurs pour cette charge et on sait qu’il y a une impréparation stratégique. En 2022, notre pays comptait 270.000 voitures électriques rechargeables (tout électrique et hybride rechargeable) sur environ 6 millions de véhicules. Cela représente 4,5% du parc automobile en circulation.

Question de Pierre : Les industries automobiles pourront-elles relancer le thermique, en cas de problème d’approvisionnement d’électricité?

Vu les investissements importants dans l’électrique, on peut supposer que non. D’autant que les constructeurs automobiles sont internationaux et ont une vision globale de la situation. On peut faire le parallèle avec le secteur de l’énergie, dans lequel les acteurs font des choix et investissements pour le long terme. Ils n’arrêtent pas leurs activités pour la voiture thermique, qui continuera à exister aux quatre coins du globe, en-dehors de l’Europe.

La France s’est battue pour la voiture hybride en introduisant une clause de revoyure, qui sera évaluée en 2026. C’est une porte ouverte au retour partiel à la voiture thermique (pour les voitures hybrides, NDLR) mais il faudra voir si l’hybride rencontre bien les objectifs européens. L’Allemagne elle s’est battue pour les carburants de synthèse, ce qui permettra à certains véhicules de continuer à rouler. Un boitier permettra de contrôler si le véhicule thermique roule bien au carburant de synthèse. Pour autant, certains craignent que ces véhicules restent réservés aux personnes plus aisées. Et que les autres continueront à utiliser du carburant fossile parce qu’ils n’ont pas les moyens et seraient donc tenter de tricher en utilisant de l’essence ou du diesel comme auparavant.

Question de JP : Qu’adviendra-t-il des nombreuses pompes à essence ?

Les acteurs qui fournissent actuellement les carburants à la pompe se retrouvent maintenant dans le développement d’infrastructures de recharge électrique. Total Energies par exemple cède l’intégralité de ses stations service en Allemagne et aux Pays-Bas au leader canadien des magasins de proximité Alimentation Couche-Tard.

Question de Marie : Pourquoi les modèles de luxe font-ils exception ? Ne polluent-ils justement pas davantage ?

L’idée initiale était de ne pas entraver le développement des petits constructeurs. Ce n’est pas pour rien que la dérogation à la règle s’appelle amendement Ferrari. Il concerne les constructeurs qui vendent moins de 1000 modèles par an. Les constructeurs qui vendent entre 1000 et 10.000 modèles par an auront un an supplémentaire (jusqu’à 2036 donc) pour se conformer à la règle. Je ne sais pas s’ils polluent davantage, peut-être que oui vu qu’ils consomment plus. Ce qui augmente la consommation énergétique c’est le poids, la puissance et le manque d’aérodynamisme.

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