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L’Arizona veut baisser votre facture d’énergie… mais oublie 3 mesures importantes: «Une arnaque pour les gens»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Le nouveau gouvernement fédéral souhaite rendre la facture d’énergie des Belges plus transparente et moins onéreuse. Mais il fait fi «de trois mesures qui auraient été utiles pour le consommateur», pointe le spécialiste de l’énergie Damien Ernst (ULiège).

Une facture d’énergie plus lisible et moins chère? C’est l’ambition affichée de l’Arizona dans son nouvel accord de gouvernement, «de sorte que les consommateurs puissent voir combien ils paient pour leur consommation, et afin de faciliter la comparaison des prix de l’énergie et le changement de fournisseur s’ils le souhaitent.»

Pour ce faire, le gouvernement souhaite par exemple uniformiser le contenu des fiches tarifaires et établir un cadre réglementaire avec la CREG. «Les fournisseurs seront tenus de proposer un contrat standard (sans services additionnels)», stipule l’accord.

Le gouvernement exigera en outre des fournisseurs d’énergie qu’ils fassent «une proposition d’ajustement à la baisse des acomptes facturés aux consommateurs bénéficiant d’un contrat d’énergie variable, en cas de baisse substantielle du prix de l’énergie.» L’Arizona promet encore «des mesures pour mieux protéger les particuliers, mais aussi les PME contre les factures d’énergie élevées lorsque les fournisseurs d’énergie modifient le montant des acomptes.»

Facture d’énergie: trois idées oubliées

Selon le professeur Damien Ernst (ULiège), spécialiste des questions énergétiques, si le gouvernement souhaite vraiment faire toute la lumière sur la lisibilité des factures, il devrait aussi s’intéresser aux réseaux de transmission/distribution et leurs frais cachés. «Pour voir exactement ce qui s’y trouve, comme des taxes trottoir ou d’éclairage public qui peuvent faire gonfler la facture du consommateur, dit-il. Ces taxes cachées se retrouvent dans certains tarifs, notamment dans la distribution et le transport.»

Selon Damien Ernst, au-delà du problème de lisibilité de la facture, l’accord de gouvernement passe au travers de trois mesures qui lui paraissent essentielles:

  • Le gouvernement ne met pas suffisamment l’accent sur les fournisseurs qui proposent des tarifs dynamiques de l’électricité. Ces tarifs changent d’heure en heure, alignés sur le prix du marché day ahead (du jour avant). «C’est ce qui reflète réellement la disponibilité de l’électricité. Sans ces tarifs, la charge domestique ne peut pas être flexibilisée, fait remarquer Damien Ernst. L’idéal, dans un contexte de renouvelable, est de proposer des prix variables au client, presque d’heure à heure, de sorte qu’il puisse adapter son comportement de consommation ou charger ses batteries. Une vraie mesure aurait été d’imposer cette contrainte aux fournisseurs.»
  • L’émergence des PPA domestiques (Power Purchase Agreement) n’est pas mise en valeur. Ces contrats permettent aux ménages d’acheter à l’avance une partie de la production d’une éolienne ou de panneaux solaires. Chaque heure, le ménage connaît la production de «son» éolienne, achetée à prix fixe. Si le foyer consomme davantage, il compense alors par un achat sur le marché de gros. «Les PPA permettent de favoriser les investissements des ménages directement dans les projets renouvelables. Ils éviteraient aussi les taxes électricité verte sur la facture et établissent une relation contractuelle directe avec le producteur d’énergie renouvelable.»
  • Selon Damien Ernst, les contrats d’électricité verte «sont une arnaque pour les gens» et devraient être interdits. Contrairement aux PPA, qui favorisent vraiment le renouvelable, «les contrats d’électricité verte sont verdis avec des LGO (Labels de Garanties d’Origine)». Exemple: un producteur hydraulique norvégien qui produit un million de mégawattheures reçoit un million de LGO. De son côté, le fournisseur qui souhaite obtenir une électricité verte peut tout à fait l’acheter d’une centrale au charbon. Il lui suffira juste d’acheter le volume correspondant de LGO pour verdir son achat. «Ce système n’a donc aucun sens», critique Damien Ernst.
  • Facture d’énergie: les autres objectifs de l’Arizona

    L’accord gouvernemental évoque d’autres objectifs, dont voici un résumé:

    • En plus de leurs contrats variables, les fournisseurs doivent également proposer un modèle de contrat prédéfini disponible auprès de chaque fournisseur.
    • Le délai de prescription des factures d’énergie est porté à deux ans. Un mécanisme de filet de sécurité sera mis en place pour certains consommateurs.
    • Le gouvernement chargera Elia et la CREG de mener (…) une politique visant la fixation d’un prix de l’électricité simple, lisible et fondé sur autant de composantes variables que possible, afin de favoriser une consommation flexible.
    • Le gouvernement veille à ce qu’aucun coût supplémentaire de la politique fédérale ne vienne s’ajouter aux factures d’électricité des ménages et des entreprises.
    • Le taux d’accises sur l’électricité pour nos entreprises sera abaissé au minimum européen.
    • Le fournisseur qui a indûment demandé le changement de fournisseur («mystery switch») ne peut pas facturer l’utilisateur du réseau concerné et doit rembourser toutes les factures déjà payées par l’utilisateur final indûment repris.
    • Les tarifs du réseau de transport de l’électricité seront abaissés au niveau de ceux de nos pays voisins pour les industries à forte consommation d’énergie.
    • Le gouvernement se dit conscient du basculement entre les différents vecteurs énergétiques nécessaire à la transition énergétique. «C’est pourquoi il est essentiel de prévoir une marge de manœuvre suffisante afin de garantir une facture énergétique abordable», tant pour les citoyens que pour les entreprises.
    • L’Arizona étoffera le monitoring des prix sur tous les vecteurs énergétiques au regard des impacts sur la compétitivité et sur le budget des ménages. Le monitoring inclura tous les facteurs pouvant impacter le prix de la facture pour le consommateur.
    • La coalition envisage enfin une réforme budgétairement neutre du tarif social de l’énergie et les interventions du Fonds social de chauffage vers une intervention forfaitaire plus transparente, basée sur les revenus et le patrimoine.

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