Comment de nombreux ménages s’enrichissent grâce à la prime énergie 

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Une partie des aides énergétiques aux ménages n’ont pas l’effet escompté, révèle une étude de la Banque nationale et de l’Université de Gand. Ainsi, les avantages financiers octroyés par l’Etat finissent souvent… sur les comptes d’épargne des ménages. Car les factures mensuelles de certains foyers sont parfois moindres que les aides gouvernementales. La Vivaldi aurait-elle mal réglé sa mire ?

Certains ménages s’enrichissent-ils grâce aux aides gouvernementales pour contrer la hausse des prix de l’énergie ? Selon une étude conjointe de la Banque nationale et de l’Université de Gand, relayée par le Standaard, c’est bel et bien une réalité.

L’enquête dresse un tableau déconcertant de l’approche du gouvernement pour lutter contre l’explosion des prix de l’énergie. Selon les chercheurs Gert Peersman (Université de Gand) et Joris Wauters (Banque nationale), de nombreuses familles sont « surcompensées » par les généreuses aides publiques. Par conséquent, elles sont moins incitées à réduire leur consommation d’énergie.

Inefficacité totale

Sur les trois mesures de soutien prises par le gouvernement, deux ont un effet limité, selon l’étude. « La réduction de la TVA sur le gaz et l’électricité est particulièrement à blâmer. La plupart de ses avantages financiers aboutissent sur les comptes d’épargne des ménages. C’est également le cas pour les chèques énergie. L’efficacité de ces mesures est faible », écrivent les chercheurs.

Les résultats montrent que le tarif social élargi est, en revanche, une mesure efficace pour soutenir les familles. Celles qui sont financièrement vulnérables consacrent la majeure partie de l’allocation à d’autres dépenses. L’étude indique également que les personnes qui bénéficient du tarif social consomment plus d’énergie, ce qui implique qu’elles auraient probablement dû réduire plus fortement leur consommation sans cette mesure.

Mais, pour les ménages, les bénéfices des deux autres mesures sont bien plus importants. Même les ménages financièrement fragiles épargnent une partie de ce que rapporte la réduction de la TVA. Et pour les familles financièrement solides, le gain est encore plus important. « On peut conclure que la mesure n’a pas donné grand-chose », affirme l’étude.

Mauvais calculs et compromis

Selon les chercheurs, le gouvernement a donc surcompensé de nombreuses familles. Argument supplémentaire : les dépenses énergétiques d’une famille belge moyenne pour la période mai-juillet 2022 étaient de 170 euros par mois. Il s’agit d’un montant bien inférieur à celui que le gouvernement avait supposé lorsque les mesures de soutien ont été décidées.

Une différence qui peut toutefois s’expliquer par le fait que de nombreuses familles avaient encore un contrat fixe ou utilisaient une autre source de chauffage que le gaz. « La réduction de la TVA et les chèques énergie ne sont pas nécessaires pour une famille moyenne, et encore moins pour les revenus élevés », critique l’étude. « Et ces mesures font un trou énorme dans le budget. »

De nombreux ménages vont donc bénéficier de la fameuse prime de 196 euros, prolongée jusqu’au mois de mars, alors qu’ils paient des acomptes mensuels inférieurs à cette prime. Parce qu’ils ont une consommation faible, par exemple.

Une véritable offrande la Vivaldi, mais surtout une terrible erreur de ciblage. « C’est le fruit d’un compromis politique », justifie le porte-parole du ministre de l’Économie Pierre-Yves Dermagne à L’Echo. « Certains voulaient retirer de la liste certains déciles. D’autres voulaient montrer qu’on aidait toute la population… ». Résultat, des mesures d’aides généralisées, mais qui ne ciblent pas les réels besoins. Et donc, dans les prochains mois, les factures d’acompte seront de 0 euro pour certains, parfois même agrémentées d’un bonus.

Cercle vicieux

Effet pervers de ces aides mal calibrées : les familles ont consommé plus d’énergie qu’elles ne l’auraient fait sans aides. « La consommation supplémentaire qui a résulté du soutien gouvernemental a poussé les prix de l’énergie encore plus haut. C’est un cercle vicieux« , pointe l’étude.

Le fait que les ménages les plus aisés puissent supporter eux-mêmes les coûts élevés de l’énergie est un message que les politiques ont voulu éviter. Mais les chercheurs espèrent qu’avec les données de l’étude, le gouvernement arrivera à prendre des mesures moins populaires, mais plus efficaces.  « Avant la crise actuelle, il aurait suffi au gouvernement de prolonger le tarif social pour les familles très vulnérables. Idéalement, avec un tarif social un peu plus progressif pour éviter que ceux qui se situent juste au-dessus du seuil de revenu ne soient lésés. Ainsi, le coût pour le budget aurait également été limité. »

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