Les expatriés français aisés poussent les prix de l’immobilier à la hausse à Bruxelles
La présence française à Bruxelles se concentre principalement dans le sud et le sud-est de la capitale. Cette situation est historique et évolue peu, mais elle a des répercussions sur le marché immobilier. Notamment sur les prix..
Entre 2000 et 2021, la population originaire de France a presque doublé dans la capitale, pour atteindre 67 245 personnes. Cette croissance s’est accompagnée d’une concentration de ces expatriés dans le sud de Bruxelles, qu’illustrent assez clairement les chiffres de l’Ibsa, l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse: alors que la population bruxelloise compte en moyenne 5,3% de Français, ce taux atteint 13% à Ixelles, 11,5% à Uccle et 10,7% à Saint-Gilles. La proportion est encore plus élevée dans certains quartiers comme le Vivier d’Oie (19%), le Châtelain et Brugmann (18%), l’Hôtel des Monnaies et Louise (17% et 16%). Cette concentration, ancienne s’est renforcée notamment grâce à «un phénomène de reproduction lié au bouche-à-oreille, analyse Charlotte Casier, chercheuse à l’ULB et autrice de plusieurs études abordant les expatriés à Bruxelles. La présence d’agents immobiliers et intermédiaires français dans certains endroits attire aussi ces expatriés et facilite leur insertion.»
On ne dispose pas de statistiques, mais la présence de Français aux moyens élevés peut favoriser l’augmentation des prix.
Charlotte Casier, chercheuse à l’ULB.
Ces facteurs ne sont toutefois pas les seuls à expliquer pourquoi les Français se sont majoritairement implantés dans le sud de la capitale et, surtout, pourquoi leur présence s’y est consolidée. Selon l’Ibsa, l’attractivité de communes comme Uccle ou Ixelles tient aussi à la présence d’universités, de hautes écoles renommées et d’hôpitaux universitaires francophones qui séduisent les étudiants. A cela s’ajoutent la présence d’institutions européennes et internationales (y compris le Lycée français, à Uccle), un foisonnement culturel et un habitat bourgeois. «Des zones comme Brugmann, l’avenue Molière ou le Châtelain attirent particulièrement les Français car leur ambiance et leur architecture créent un environnement qui ressemble et correspond à cette population, souligne Abraham de Bettencourt, directeur des agences immobilières Lecobel Vaneau, à Bruxelles. De manière générale, c’est aussi là que les expatriés disposant des moyens les plus élevés s’installent.»
Des fortunes moins importantes
Un certain nombre de ces expatriés français ont des moyens (très) élevés. Avant qu’une réforme soit adoptée en 2018, plusieurs grosses fortunes ont par exemple quitté l’Hexagone pour la Belgique afin de fuir l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune instauré en 1989. «Ces gens pouvaient acheter des villas dont le prix s’élevait à huit ou dix millions d’euros, précise Abraham de Bettencourt. Au début, les achats français à Bruxelles étaient parfois compulsifs et atteignaient des prix fous. Maintenant que la communauté s’est élargie, les expatriés s’échangent des conseils et connaissent mieux le marché. Par ailleurs, la fortune des Français qui s’installent chez nous a aujourd’hui tendance à être moins grande. Beaucoup de jeunes entrepreneurs, par exemple, implantent leur société en Belgique car, contrairement à la France, il n’y existe pas de taxe sur la plus-value en cas de revente. Ces personnes achètent plutôt des biens à deux ou trois millions d’euros.»
Du côté des locations, le directeur de Lecobel Vaneau à Bruxelles constate aussi une diminution de 15 à 20% du budget mensuel alloué par les entreprises à leurs expatriés ces dernières années. Une tendance qui s’observe toutefois à l’échelle mondiale, pas seulement chez nous.
Une opportunité mais pas pour les Bruxellois
Malgré des moyens un peu moins conséquents qu’autrefois, les expatriés français conservent un pouvoir d’achat élevé sur le marché immobilier bruxellois. Les Parisiens arrivent, en outre, avec un référentiel différent, tant en matière de superficie que de prix. «Contrairement à d’autres nationalités, ils sont généralement disposés à vivre dans des surfaces plus petites car les logements bruxellois restent plus spacieux que ceux de Paris», observe Abraham de Bettencourt. Vu les prix immobiliers élevés de la capitale française, ils ont aussi l’habitude d’allouer des budgets bien supérieurs aux locations comme aux achats. Au point de pousser le marché à la hausse? «On ne dispose pas de statistiques permettant d’établir un lien clair, mais la présence de Français aisés peut bel et bien favoriser l’augmentation des prix immobiliers, soutient Charlotte Casier. Il n’est toutefois pas prouvé qu’il existe une influence différente des Français par rapport aux Belges ou autres nationalités issues de classes supérieures. Cependant, ces expatriés français contribuent à élargir le pôle de gens riches à Bruxelles.»
Au début, les achats français à Bruxelles étaient parfois compulsifs et atteignaient des prix fous. Aujourd’hui, les expatriés connaissent mieux le marché.
Abraham de Bettencourt, directeur des agences Lecobel Vaneau, à Bruxelles.
Leur présence pousse, par ailleurs, certains promoteurs et investisseurs à tirer profit de la situation en construisant des appartements meublés qui se louent, en général, 25 à 30% plus cher que les logements non meublés. «Les expatriés – notamment français – constituent une clientèle solvable, y compris pour des loyers élevés, confirme Charlotte Casier. Il y a donc possibilité de tirer des rendements plus élevés à la location, et de demander des tarifs plus importants à la vente.» Dans une de ses études, la chercheuse souligne aussi que la présence à court terme d’expatriés accélère les rotations sur le marché locatif et offre l’occasion aux propriétaires d’augmenter plus régulièrement leurs loyers.
La présence de riches expatriés français (et d’autres nationalités) est donc une aubaine pour les propriétaires et investisseurs. Elle a, en revanche, des répercussions plus négatives pour les Bruxellois qui désirent acheter une habitation. L’ augmentation des prix et l’orientation du marché vers des produits spécifiques compliquent en effet l’accès au logement: «Dans certains endroits, comme le sud de Bruxelles, les prix de l’immobilier ont atteint un tel niveau qu’ils ne sont plus accessibles à d’autres populations, confesse Abraham de Bettencourt. Même avec un revenu mensuel de 5 000 euros par ménage, il est devenu presque impossible d’acheter dans certains quartiers.»
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