Bertrand Candelon

Le déficit français et son impact en Belgique (chronique)

Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

En cas de crise souveraine en France, la contagion serait immédiate vers les économies en situation de déséquilibres budgétaires, dont celle de la Belgique.

Depuis la fin du mois de septembre, les taux des OAT (obligations assimilables du Trésor, ou emprunts d’Etat) français ont dépassé ceux de l’Espagne. Les marchés indiquent donc que le risque de défaut est désormais plus élevé en France que dans la plupart des pays européens, y compris ceux qui étaient au cœur de la crise souveraine il y a dix ans, à l’exception de l’Italie et de la Grèce. De fait, le déficit budgétaire français pour 2024 est l’un des plus élevés de l’Union européenne et devrait même dépasser les 6% du PIB, une situation qui inquiète le nouveau Premier ministre Michel Barnier, évoquant l’imminence d’une crise financière «à la grecque».

Cette spécificité française n’est pas récente. Depuis le premier choc pétrolier de 1974, le budget public n’a jamais été équilibré. Les dépenses publiques, principalement en protection sociale, n’ont cessé de croître pour atteindre plus de 57% du PIB en 2023, un record parmi les pays de l’OCDE, où la moyenne s’élève à 45%. Les réformes structurelles visant à réduire ces montants (assurance chômage, retraites, sécurité sociale, fonction publique) ont toutes été insuffisantes, voire abandonnées par les gouvernements successifs. Parallèlement, la productivité du travail s’est réduite, entraînant la désindustrialisation du pays; ce secteur ne représente aujourd’hui que 10% du PIB, contre 25% en Allemagne. Seuls les secteurs tertiaire, technologique et touristique semblent tirer leur épingle du jeu, grâce à des pôles de recherche d’excellence. La récente crise du Covid a également affecté les déficits, comme partout ailleurs. Mais alors que la situation s’est avérée temporaire dans les autres pays, le célèbre «quoi qu’il en coûte» a instillé l’idée d’un Etat providence permanent.

Face à la gravité de la situation budgétaire, la mise en place de réformes structurelles s’impose. Cependant, sans majorité, la nouvelle composition de l’Assemblée nationale de juin dernier rend l’adoption de telles réformes impossible. Michel Barnier va donc s’attaquer au problème de la dette avec un plan d’austérité, qui repose sur une augmentation des impôts et certaines réductions de dépenses. Cette action d’urgence ne satisfera que partiellement la Commission européenne, qui préconise un contrôle strict de la dépense publique. Elle pourrait cependant retarder la survenue d’une crise de la dette, mais ne saurait l’éviter compte tenu des déséquilibres structurels existants.

Le nouveau gouvernement belge devra tirer les leçons de la crise française. Face à un déficit public supérieur à 4%, la réduction des dépenses publiques, actuellement à 54% du PIB, sera une priorité. Cela nous permettra, en outre, de sortir de la procédure de déficit excessif et de retrouver une souveraineté budgétaire. Cela passera par la réforme du système de protection sociale et l’accroissement de l’efficacité du secteur public. De même, des mesures pour augmenter la productivité du travail, comme une simplification administrative de grande envergure, seront nécessaires. En outre, la situation française introduit un facteur supplémentaire d’urgence. En effet, en cas de crise souveraine en France, la contagion serait immédiate vers les économies en situation de déséquilibres budgétaires, ce qui est le cas, dans les conditions actuelles, en Belgique.

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