De +9 à… +198%: les raisons des bénéfices faramineux des grandes banques belges
2023 fut une année record pour les grandes banques belges, qui ont enregistré des revenus exceptionnellement élevés. Des bénéfices bancaires largement dus aux taux directeurs élevés de la BCE, et qui restent relativement peu taxés. Mais la période des taux fastes touche vraisemblablement à sa fin, pour les banques belges.
L’année 2022 avait déjà été très rentable pour le secteur bancaire belge, avec un bénéfice net global avant impôt de 7,6 milliards pour les quatre grandes enseignes traditionnelles. Qui ont à nouveau fait mieux en 2023. La dernière des grandes banques belges à avoir révélé ses bénéfices, Belfius, affiche un gain de 1,15 milliard d’euros, soit une progression record de 9% par rapport à l’année précédente. KBC, pour sa part, a enregistré un bénéfice de 3,4 milliards, soit 21% de plus qu’en 2022. Quant à ING Belgique, elle bat tous les records, avec ses plus gros revenus jamais obtenus : 1,2 milliard d’euros, soit un gain de 198% par rapport aux 415 millions d’euros de résultats avant impôts comptabilisés pour 2022. Enfin, BNP Paribas Fortis car l’enseigne n’a pas dévoilé ses chiffres propres à la Belgique. Mais sa société-mère, la plus grande banque de France BNP Paribas, a de nouveau battu son record de bénéfice net pour la troisième année consécutive, avec 11,4% de croissance.
Derrière les bénéfices bancaires, les taux directeurs
Une bonne santé que les banques doivent, au moins en partie, aux hausses des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE), fixés à 4,5%. « Normalement, des hausses des taux d’intérêt auraient dû avoir un effet négatif sur les bénéfices bancaires, mais les banques belges ont traîné à les relever, et elles ont pu prêter à des taux plus élevés tout en bénéficiant de l’argent dormant des épargnants », confirme Bertrand Candelon, professeur de finances et directeur de la recherche à l’UCLouvain. « Mais il faut bien qu’une banque fasse du profit, sinon celle-ci risque de s’effondrer, comme c’est arrivé à la Silicon Valley Bank l’année dernière. »
Les banques, pour leur part, confirment que les revenus des intérêts ont été élevés, mais nuancent leur bilan : « En 2023, ING a quand même relevé trois fois les taux de ses comptes épargne, rappelle Gianni De Muynck, porte-parole de l’enseigne. Ces bénéfices, nous les réinjectons dans l’économie. Ils nous permettent de prêter davantage à nos clients, les particuliers comme les entreprises. Pour chaque euro de notre capital, la banque prête vingt euros. Si ING a fait une bonne année, c’est pour trois raisons : des taux favorables, certes, mais aussi des coûts opérationnels maîtrisés, et une stratégie qui consiste à rendre le banking simple pour les citoyens.»
Les marges bénéficiaires des grandes banques belges varient toutefois beaucoup. Pour Isabelle Marchand, porte-parole de la fédération bancaire Febelfin, au-delà de la question des bénéfices nets, les bénéfices nets ne peuvent pas être comparés. « Toutes ces banques sont différentes, avec un business model différent et une politique commerciale différente. Oui, les taux de la BCE ont joué en leur faveur, mais on ne peut pas oublier leurs activités sur les crédits hypothécaires. Les banques ont dû relever leurs taux d’épargne, mais on ne pouvait pas comparer directement ces derniers au taux de la BCE alors que les taux des crédits à 20 ou 30 ans restaient très bas. »
Davantage de bénéfices pour les banques… et de taxes
Autre élément à prendre en compte : la taxe bancaire, car les bénéfices nets cités ici sont avant impôt. Or, quand le Premier ministre Alexander De Croo a bouclé son budget pour l’exercice 2024, il a opté pour une contribution accrue du secteur grâce à une réforme de la taxation bancaire. Celle-ci n’est plus déductible fiscalement, et est surtout devenue progressive. Cette année, plus les banques seront grandes et plus elles disposeront de réserves d’épargne, plus elles devront payer. Si la taxe restera de 0,1323 % pour les établissements dont les dépôts sont inférieurs à 50 milliards d’euros, les quatre grandes banques voient leur contribution passer au palier supérieur, soit 0,1758%. Une réforme très critiquée par le secteur, qui estime que l’Etat fait fausse route en taxant non pas les bénéfices, mais l’épargne, ce qui fragiliserait les banques et réduirait donc leur capacité à proposer des crédits avantageux qui dynamisent l’économie du pays. Une contribution accrue aux finances de l’État qui est estimée à 150 millions d’euros toutefois, à comparer avec des bénéfices sectoriels qui se comptent en milliards.
« Le rôle de l’État, ce n’est pas de provoquer des faillites, mais je ne pense pas que passer à 0,17% représente une grande différence vers le bas pour les banques », nuance Bertrand Candelon. Reste que 2024 sera très vraisemblablement la dernière année record, pour les bénéfices bancaires, ajoute le chercheur. Car les taux directeurs de la BCE devraient bientôt repartir à la baisse, après 10 hausses consécutives. Les marchés parient sur un taux ramené à 2,5% à la fin de l’année prochaine, et les taux des prêts aux grandes entreprises ont déjà été revus à la baisse. La grande course entre les taux directeurs, les rendements que peuvent espérer les petits épargnants et la hausse de l’inflation semble donc bel et bien toucher à sa fin.
Matthias Bertrand
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