
Belfius: «Autant privatiser la banque à 100%»
Le patron de la banque publique Belfius annonce une privatisation partielle. Pour l’avantage de qui? Les clients, les actionnaires, lui-même?
Le CEO de la banque aux couleurs fuchsia remet ça. En 2018, Marc Raisière avait imaginé une mise en Bourse partielle de l’établissement qu’il dirige depuis que celui-ci a été sauvé des eaux et renommé Belfius suite à la méga crise de 2009. Mais le projet avait été abandonné, les conditions du marché ayant été jugées trop mauvaises. Cette fois, on ne parle plus d’introduction en Bourse, mais de privatisation partielle de la banque qui est toujours, à ce jour, 100% publique. Le CEO et son conseil d’administration voudraient céder un cinquième, voire un quart de l’établissement à des investisseurs institutionnels, tels qu’une banque ou un assureur par exemple, via un placement privé. Ils devraient bientôt rencontrer le ministre des Finances Jan Jambon (N-VA) pour en parler. La discussion s’annonce prometteuse car le gouvernement Arizona envisage de céder une portion de ses participations, également dans Ethias, pour augmenter son budget Défense.
Ce projet prendrait forme alors que Belfius montre de belles couleurs. Son bénéfice était même en légère hausse en 2024 et son application digitale est l’une des mieux cotées dans son domaine. On peut déjà prédire que trouver un ou des candidats pour le rachat de 20% du bancassureur ne s’annonce pas compliqué, car être actionnaire à côté de l’Etat, qui est aussi le régulateur du secteur, ne peut être qu’intéressant. Autrement dit, l’entreprise ne risque pas grand-chose. En outre, Marc Raisière, qui cédera son siège de CEO dans un an pour prendre celui de président, sera sur du velours. L’Etat sera moins influent au sein de l’institution, qui est assurée de ne pas se faire manger majoritairement ou complètement par une banque étrangère.
Une banque totalement aux mains de l’Etat a l’avantage de pouvoir tirer le secteur vers le haut.
Pour l’économiste Etienne de Callataÿ (UNamur), qui avait déjà vertement critiqué le projet d’introduction en Bourse en 2018, un rachat de 20% des actions ressemblera à une «cote mal taillée». «Si on considère qu’il n’est pas sain que l’Etat soit à la fois actionnaire et régulateur, parce que cela induit une forme de complaisance vis-à-vis de la banque qui lui verse des dividendes, autant privatiser celle-ci à 100%», explique le patron de la société d’investissement Orcadia, qui privilégie une approche binaire. Une banque totalement aux mains de l’Etat a, en effet, l’avantage de pouvoir tirer le secteur vers le haut, en rémunérant mieux l’épargne et en assurant un meilleur service aux clients. Cela est censé casser un peu l’oligopole que dénonce d’ailleurs dans un rapport de 2023 l’Autorité belge de la concurrence qui écrit astucieusement que les banques «roulent en peloton».
Marc Raisière, lui, aime se targuer d’être un patron performant et de pouvoir présenter de beaux chiffres. Mais cela se fait au détriment des clients alors que la banque est toujours publique, selon Etienne de Callataÿ. «On ne peut pas dire que Belfius soit leader au niveau de la rémunération de ses épargnants ni au niveau de la transparence, dit-il. Pourquoi la banque qui se félicite d’avoir la meilleure application digitale n’est pas fichue d’afficher la rémunération offerte sur les livrets d’épargne? Parce qu’elle n’offre pas le même taux à tout le monde?» Vous avez dit publique?
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