Argent noir: les oligarques russes s’en sortiront toujours
Son nom vous dit certainement quelque chose, non pas à cause de ses lointaines origines dans le Tournaisis, mais pour sa ténacité de juge d’instruction dans de gros dossiers qui ont émaillé la vie judiciaire française ces vingt dernières années, de l’affaire Elf à celle d’HSBC. Aujourd’hui à la retraite, Renaud Van Ruymbeke s’intéresse toujours aux circuits de l’argent noir, celui que les criminels, les milliardaires ou les dictateurs cachent dans les paradis fiscaux. Dans Offshore (1), ce magistrat réputé pour son indépendance dissèque, avec didactisme et moult exemples, le «triomphe de l’hypocrisie» des pays occidentaux qui se disent en croisade contre les paradis fiscaux mais en hébergent sur leur territoire (le Delaware, aux Etats-Unis ou le Luxembourg, en Europe).
Le verdict du juge Van Ruymbeke est sans appel: «Le ver est dans le fruit» et le G20, l’OCDE ou l’UE continuent à faire beaucoup de bruit pour rien… «Jamais les paradis fiscaux ne se sont aussi bien portés qu’aujourd’hui», écrit-il. Et ce, malgré les tentatives de neutralisation exercées de bonne foi. Malgré les nombreux leaks dans les médias. Malgré les grandes résolutions publiques, telle celle de Nicolas Sarkozy, en 2009, devant le G20: «Le secret bancaire, les paradis fiscaux, c’est terminé!»
La guerre en Ukraine a révélé que le piège «offshore» pouvait se refermer sur les Etats occidentaux. Renaud Van Ruymbeke démontre comment les oligarques russes sont, grâce aux paradis fiscaux, à peine touchés par le gel de leurs avoirs, y compris Poutine qui profiterait du luxueux yacht Scheherazade (valeur 640 millions d’euros) sans le posséder en nom propre. Une opportunité pour agir? Le magistrat conclut que l’hypocrisie a fait long feu face aux mesures coûteuses que les Etats devront engager, ne fût-ce que pour lutter contre le réchauffement. Puisse-t-il avoir raison…
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