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Anthony Galluzzo : «Le mythe de l’entrepreneur légitime l’élite économique» (entretien)

Anthony Galluzzo, chercheur en sciences de gestion, décrypte et déconstruit le mythe de l’entrepreneur self-made-man qui participerait à la reproduction des inégalités et privilèges sociaux.

Honnis ou adulés, maudits ou bénis, jalousés ou imités, les grands entrepreneurs, a fortiori les plus fortunés et médiatiquement exposés, ne laissent personne indifférent, pas même Anthony Galluzzo, maître de conférences à l’université de Saint-Etienne. De Benjamin Franklin à Elon Musk, en passant par Henry Ford et Bill Gates, leur aura se nourrit en continu, à coups de récits obéissant à une mécanique bien huilée: culte de l’effort, éthique du travail, force de caractère, intuition divine, flair pour les bonnes affaires...

C’est à décrypter et déconstruire le mythe que s’emploie Anthony Galluzzo, déjà repéré par les radars médiatiques en 2020 lors de la sortie de son remarquable ouvrage La Fabrique du consommateur. Une histoire de la société marchande (éd. La Découverte), une genèse de notre société mercantile. Dans Le Mythe de l’entrepreneur. Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley (1), il neutralise, point par point, la fable tenace de l’entrepreneur self-made-man qui participerait à la reproduction des inégalités et privilèges sociaux.

Attention, avertit cependant Anthony Galluzzo: il ne s’agit pas d’une étude à charge ou à décharge. «La plupart des scènes que nous rapportent ces récits de success stories ne sont souvent pas fausses ni mensongères à proprement parler», précise-t-il.

Votre ouvrage s’intitule Le Mythe de l’entrepreneur. Pourquoi parlez-vous de «mythe»?

Je me réfère au sens que les anthropologues et les mythologues confèrent à ce mot, et me repose sur une définition du mythe en trois temps. Tout d’abord, il s’agit d’une narration collective, sans auteur: c’est un récit alimenté par une multitude de journalistes, de biographes, de documentaristes, d’influenceurs, etc. Ensuite, il raconte l’entrepreneuriat et la naissance des grandes entreprises. Enfin, il est tenu pour vrai dans les communautés dans lesquelles il est colporté. Tout l’objet de mon livre a été de saisir quelles sont les idées, les représentations, les éléments narratifs qui, mille fois répétés, constituent le mythe de l’entrepreneur.

Dans votre étude, Steve Jobs occupe une position centrale. En quoi est-il représentatif de ce mythe?

Steve Jobs est central, non pas parce qu’il serait en soi plus intéressant dans la longue histoire des célébrités entrepreneuriales, mais simplement parce qu’il est un bon cas d’étude pour ses contemporains. J’aurais pu articuler entièrement mon ouvrage autour d’Elon Musk, la plus récente incarnation du mythe, mais le récit est en cours et nous manquons de recul historique. Un entrepreneur de la fin du XIXe siècle, comme Andrew Carnegie, aurait également pu faire office de cas inaugural, mais il n’évoque plus forcément grand-chose aux contemporains. Steve Jobs représente la voie médiane: il reste assez présent dans les mémoires, car il a marqué les années 2000, il est décédé il y a plus de dix ans et a fait l’objet d’une «patrimonialisation» à travers une multitude de biographies qui ont figé le récit de sa vie.

Quels sont, dans les grandes lignes, les canons narratifs de ce mythe?

Un corpus d’idées revient sans cesse, à travers divers cas, depuis que les célébrités entrepreneuriales ont émergé dans le paysage médiatique mondial, à la fin du XIXe siècle. On les valorise à chaque fois en tant que créateurs isolés, donnant naissance à des entreprises et à de nouveaux produits à la force de leur seul génie visionnaire. Ils sont décrits comme des éléments disruptifs partis de rien, qui se sont construits seuls et se sont imposés contre l’ignorance de leurs temps. Dans ces récits, on les oppose souvent aux capitalistes. Ces derniers seraient de petits épiciers, pingres, profiteurs et volontiers tricheurs, à l’esprit bassement comptable, tandis que les entrepreneurs seraient des êtres possédés par une vision, passionnés non par le profit et la conquête du marché mais par le progrès de l’humanité.

Apple a construit son image de marque dans un rapport symbiotique avec Steve Jobs, dernière grande incarnation du mythe de l’entrepreneur.
Apple a construit son image de marque dans un rapport symbiotique avec Steve Jobs, dernière grande incarnation du mythe de l’entrepreneur. © getty images

Dans chaque mythe existe néanmoins une part, si infime soit-elle, de vérité. Quelle est la part de vrai dans le mythe de l’entrepreneur?

Certains lecteurs ou commentateurs me soupçonnent d’accuser les célébrités entrepreneuriales d’être de simples escrocs ou des bonimenteurs. Ce n’est pas le cas. Il faut tout d’abord comprendre qu’ils ne sont pas nécessairement à l’origine de tous les récits et anecdotes qui circulent à leur propos. Enfin, la plupart des scènes que nous rapportent ces récits ne sont souvent pas fausses ou mensongères à proprement parler. Elles posent un cadre, et donc possiblement des biais de cadrage. Par exemple, Steve Jobs et Steve Wozniak ont bien travaillé ensemble dans un garage. Mais répéter en boucle cette scène du garage laisse à croire que les deux Steve ont créé ce qui est devenu la plus grande entreprise au monde en partant de rien, ce qui est totalement faux.

On nous donne surtout à admirer des individualistes forcenés.

Vous pointez la complicité des grands médias dans la fabrication de ce mythe. Pourtant, Elon Musk, figure emblématique de l’entrepreneur d’aujourd’hui, fait l’objet de virulentes critiques…

Elon Musk est adepte des déclarations fracassantes. Il est célèbre aux Etats-Unis depuis une dizaine d’années. En 2013, il a annoncé qu’il mettrait sur le marché des voitures entièrement autonomes dans les trois ans. En 2016, il a déclaré qu’il enverrait une fusée sur Mars d’ici à 2018 et entamerait la colonisation de cette planète avant 2024… Il a toujours été encensé pour ses prophéties et s’est très bien coulé dans le rôle de l’entrepreneur visionnaire et génial. S’il est décrié depuis un an, c’est à mon sens moins parce que l’écosystème dans lequel il évolue serait tout à coup devenu plus sceptique quant au mythe de l’entrepreneur qu’en raison de ses positions politiques et de sa prise de contrôle de Twitter (NDLR : rebaptisé X). Je ne trouve pas, d’ailleurs, que les critiques à son égard soient particulièrement virulentes. On raille beaucoup les milliardaires pour leurs excentricités, leur vulgarité et leur démesure (dans des films comme Glass Onion ou Le Menu, par exemple). Les critiques plus radicales, et à mon sens plus pertinentes, qui les dénoncent comme des monopoleurs et des exploiteurs (ainsi de l’ouvrage récent de Nicolas Framont, Parasites) sont nettement plus rares.

Dans quelle mesure ce mythe de l’entrepreneur sert-il à légitimer l’ordre social?

Le mythe de l’entrepreneur accrédite l’idée que le marché serait un espace démocratique d’où surgirait sans cesse une nouvelle élite légitime car ayant rencontré le succès grâce à ses talents et mérites. Dans les récits qui alimentent ce mythe, on ne donne jamais à voir la dimension collective du travail, des investissements, et de l’innovation. Tout passe par un individu central, supérieur, indispensable: l’entrepreneur. Cet imaginaire désamorce toute réflexion critique sur les pouvoirs institués et sur la construction sociohistorique des positions sociales. In fine, il légitime la position dominante de l’élite économique. Pourquoi les ultrariches devraient-ils partager leur richesse, s’ils la méritent? Si ce sont eux qui créent de la valeur, les imposer revient à les voler.

Elon Musk a réussi à se couler dans le rôle de l’entrepreneur visionnaire et génial.
Elon Musk a réussi à se couler dans le rôle de l’entrepreneur visionnaire et génial. © getty images

Un entrepreneur peut-il, parfois, être animé par une sensibilité sociale? On songe, par exemple, à l’ancien dirigeant de Danone, Emmanuel Faber, qui était présenté ainsi …

Je n’ai pas étudié à proprement parler l’imaginaire de l’entrepreneur social ou engagé. Peu importe le positionnement politique et les états d’âme d’un entrepreneur capitaliste ; il est soumis à l’impératif de profit. Si un PDG ne réussit pas à dégager suffisamment de profit pour ses actionnaires, il sera limogé. Si un patron d’usine ne parvient pas à maximiser le taux d’exploitation de ses ouvriers aussi bien ou mieux que la concurrence, il perdra ses clients. Beaucoup de gens s’illusionnent sur le fait de promouvoir un management bienveillant, ou un capitalisme éthique, et ne saisissent pas en quoi la logique de profit, d’accumulation, et donc d’expropriation, d’exploitation et de destruction, est au cœur même du système capitaliste.

Votre étude, Anthony Galluzzo, porte principalement sur les Etats-Unis. Pourquoi ce choix?

Le mythe de l’entrepreneur est présent ailleurs: on peut citer Bernard Tapie en France dans les années 1980, Richard Branson en Grande-Bretagne, Jack Ma dans les années 2010 en Chine… Mais pour réussir à construire un propos cohérent et éviter de trop m’éparpiller, il me fallait baliser mon travail. J’ai donc choisi de me limiter aux grandes figures américaines de l’entrepreneuriat. Mais ce faisant, j’englobe largement ce qui se dit ailleurs, car l’hégémonie culturelle et le soft power américains sont considérables et leurs «people» sont en grande partie aussi celles du reste du monde. Il n’y a en outre pas beaucoup de sens à séparer de façon stricte et définitive les cultures américaine et française, belge ou européenne, comme adorent le faire certains médias conservateurs, notamment en qualifiant un ensemble de courants critiques «d’importation» de la culture universitaire américaine. L’Europe et les Etats-Unis entretiennent depuis toujours un dialogue et s’influencent mutuellement. Ainsi, on retrouve déjà un ensemble d’idées propres au mythe de l’entrepreneur contemporain dans la littérature bourgeoise de l’Angleterre du XVIIe siècle.

Le management bienveillant et le capitalisme éthique sont une illusion.

Néanmoins, l’Europe résiste-elle mieux à ce mythe?

Difficile de répondre à cette question: ni l’Europe ni les pays qui la composent ne constituent des ensembles monolithiques. Et l’on dispose de peu d’études et de sondages à ce propos. Des données ont été récoltées en Grande-Bretagne lors de l’enquête statistique annuelle, le British Social Attitudes Survey (BSA), que l’on peut comparer à celles recueillies aux Etats-Unis lors du General Social Survey (GSS) sur la même période. Elles révèlent que malgré le fait que ces pays ont tous deux pris un tournant néolibéral dans les années 1980, les Britanniques restent bien plus méfiants que les Américains envers le monde des affaires et plus sceptiques quant aux possibilités d’ascension sociale offertes par le marché. Cela dit, on constate que l’industrie du développement personnel entrepreneurial se porte très bien aussi en Europe, où prospèrent sur les réseaux sociaux de nombreux gourous et coachs en entrepreneuriat, dont la rhétorique valide le mythe de l’entrepreneur. On remarque aussi que la plupart des dirigeants européens sont alignés sur la vision du monde colportée par ce mythe de l’entrepreneur.

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Dans quelle mesure l’éthique de l’entrepreneur, au XIXe siècle surtout, se nourrit-elle de l’éthique de l’ascétisme protestant telle que le sociologue Max Weber l’a théorisée?

Dans L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme, Max Weber (1864-1920) a décrit les affinités entre le capitalisme et certains courants du protestantisme. L’ouvrage est une œuvre fondatrice des sciences sociales et, depuis lors, mentionner l’influence structurante de la théologie protestante sur le capitalisme moderne est presque devenu un lieu commun. Dans mon livre, j’explique qu’on admire les premiers entrepreneurs ayant particulièrement bien réussi en mettant en avant l’éthique du caractère, c’est-à-dire l’idée qu’il est possible de travailler sur soi pour atteindre le succès, idée dérivée de l’ascétisme protestant. Mais je ne vais pas vraiment plus loin. L’ouvrage de Weber a été publié il y a presque 120 ans. Depuis, de nombreuses recherches sont venues amender sa thèse.

L’entrepreneur au XIXe siècle était donc animé par une éthique protestante de l’austérité et la modération. Aujourd’hui, les grands entrepreneurs semblent plus proches du «bling-bling», de l’exubérance consumériste. Comment expliquer cette évolution?

Pour légitimer leur pouvoir et leur richesse, les premières célébrités entrepreneuriales ont fait appel à un ensemble d’arguments, y compris l’éthique du caractère, l’idée selon laquelle elles doivent leur réussite à leur travail acharné. Mais il ne faut pas se les imaginer pour autant comme des anachorètes vivant dans le dénuement. A la fin du XIXe siècle, la presse moquait déjà les fêtes extravagantes organisées par la nouvelle bourgeoisie new-yorkaise. La consommation ostentatoire, notamment à travers les demeures, le personnel domestique et la vêture, a toujours été centrale dans l’identité bourgeoise. Ce qui a changé plus fondamentalement, c’est la visibilité: il est plus facile d’obtenir ou de voler des images des grandes célébrités entrepreneuriales en vacances aujourd’hui qu’il y a 150 ans.

Vous soulignez que les conditions de vie des travailleurs étaient difficiles à la fin du XIXe siècle. Pourtant, les ouvrages de développement personnel, et l’éthique du caractère en général, connaissent alors un véritable succès…

Les livres de développement personnel éclosent à la fin XIXe siècle notamment pour répondre à une crise de l’identité nationale américaine: avec l’industrialisation, les Etats-Unis ne sont plus cette démocratie jeffersonienne (NDLR: en référence à Thomas Jefferson, président des Etats-Unis de 1801 à 1809) de petits propriétaires terriens et d’artisans autonomes. Comment légitimer le nouvel ordre imposé par le capitalisme industriel et financier? L’industrie du développement personnel le réhabilitera en réinventant l’individualisme de marché.

Aujourd’hui, vit-on une situation similaire?

Beaucoup de produits culturels contemporains remplissent la même fonction idéologique. Les ouvrages de développement personnel promettant de devenir riche en ne travaillant que quelques heures par semaine, ou les biographies édifiantes des «grands entrepreneurs» comme Steve Jobs ou Elon Musk, présentent toujours un même idéal de vie: «Lancez-vous sur le marché, à l’aventure, et prouvez votre valeur à travers la lutte concurrentielle. Vous aussi pourrez faire partie de cette élite, si vous êtes malin.» On comprend aisément ce que ce type de discours a de séduisant et de grisant, surtout pour la jeunesse occidentale privilégiée.

En 2020, vous publiiez La Fabrique du consommateur. Une histoire de la société marchande. Y a-t-il un lien entre la «fabrique du consommateur» et le «mythe de l’entrepreneur»?

J’ai travaillé ces dix dernières années sur les imaginaires de consommation: tout d’abord en cherchant à comprendre comment s’est constitué l’horizon mental du consommateur contemporain ; puis en étudiant les célébrités entrepreneuriales. C’est l’entreprise Apple qui a fait la jonction: celle-ci est la suprême incarnation de ce que j’ai appelé dans mon précédent livre «le nouvel esprit de consommation». Le «Think different» d’Apple est l’exemple type de la spontanéité «expressiviste» et de l’individualisme intransigeant qui dominent la rhétorique publicitaire depuis les années 1960. Apple a également construit son image de marque dans un rapport symbiotique avec Steve Jobs, dernière grande incarnation du mythe de l’entrepreneur.

(1) Le Mythe de l’entrepreneur. Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley, par Anthony Galluzzo, éd. Zones/La Découverte, 240 p.
(1) Le Mythe de l’entrepreneur. Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley, par Anthony Galluzzo, éd. Zones/La Découverte, 240 p. © National

Dans quelle mesure pensez-vous que le mythe de l’entrepreneur vient combler une forme de «crise de modèles» dans la société? On pense aux grands personnages historiques, romanesques, aux philosophes dont on s’inspirait jadis…

Je me méfie beaucoup du concept de crise appliqué aux phénomènes sociaux et culturels. C’est un terme qu’on retrouve souvent dans les déplorations réactionnaires. Le politologue Francis Dupuis-Déri a écrit un livre sur La Crise de la masculinité où il explique que les écrivains réactionnaires la déplorent depuis des siècles mais qu’il y a là une contradiction logique puisqu’une crise qui durerait des siècles n’en serait plus une. Il faut comprendre les rapports de pouvoir qui sous-tendent les phénomènes d’héroïsation, qui n’ont rien de spontané. Les Français célébraient, à la fin du XIXe siècle, les grandes figures du roman national auxquels les biberonnait une troisième République revancharde et colonialiste. Aujourd’hui, on consomme davantage les légendes de l’entrepreneuriat américain. Les valeurs sous-tendues sont certes différentes, mais l’héroïsation vient toujours légitimer une domination, un pouvoir.

Le triomphe de ce mythe a-t-il un lien avec l’effondrement des grands récits du XXe siècle? Vient-il combler ce vide?

En 1970, le fond de l’air était rouge: aux Etats-Unis, la jeunesse pouvait s’enrôler au sein de la Students for a Democratic Society (SDS) ou des Black Panthers. En France, elle pouvait s’établir en usine ou rejoindre la jeunesse communiste révolutionnaire. L’impression qu’on allait en finir avec la domination et l’exploitation était forte. Sans doute illusoire, mais forte. Peut-être que nous vivons aujourd’hui une période similaire. Mais j’ai au contraire l’impression que nous vivons surtout dans une impuissance, pour beaucoup résignée, pour d’autres catastrophée. Le capital et l’Etat ont considérablement renforcé leur arsenal répressif et idéologique, ce qui leur permet notamment d’empêcher toute politique écosocialiste conséquente. Les imaginaires qu’ils encouragent et qu’ils laissent prospérer sont très logiquement des imaginaires qui renforcent l’ordre capitaliste. Sur le marché des idées, on nous donne donc surtout à admirer, et à vouloir imiter, des individualistes forcenés, dont le seul projet est la domination commerciale et financière.

La bio express d’Anthony Galluzzo

1985

Naissance, le 4 octobre, à Bully-les-Mines, dans le Pas-de-Calais.

2013

Docteur en Sciences de gestion à l’université Toulouse Capitole.

2014

Maître de conférences à l’université Jean Monnet Saint-Etienne (UJM).

2020

Publie La Fabrique du consommateur. Une histoire de la société marchande (éd. Zones/La Découverte).

2023

Professeur des Universités à l’UJM.

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