Moody's confirme la note financière de la Belgique à Aa3 mais modifie sa perspective à "négative". © AFP

Agence de notation Moody’s: la perspective de la Belgique passe à «négative»

L’agence de notation Moody’s a confirmé vendredi la note financière de la Belgique à Aa3, mais a modifié sa perspective à « négative ».

L’agence de notation Moody’s a maintenu la note financière de la dette souveraine belge à « Aa3 ». Elle a, en revanche, dégradé la perspective du pays à « négative », alors qu’elle était « stable » jusqu’à présent, a-t-elle communiqué vendredi soir dans une nouvelle évaluation, à l’avant-veille des élections communales et provinciales. Cela signifie qu’elle envisage de revoir à la baisse sa note. Elle justifie cette décision par « le risque que le prochain gouvernement ne soit pas en mesure de mettre en œuvre des mesures qui stabiliseraient le fardeau de la dette publique« .

Si le précédent exécutif fédéral a fait « de petits efforts » d’assainissement budgétaire, ceux-ci n’étaient pas de nature structurelle, estime ainsi Moody’s. A ses yeux, sans un vaste programme d’assainissement budgétaire, la dette continuera d’augmenter en raison de l’accroissement structurel important des dépenses au cours des dernières années et de la pression persistante sur les dépenses.

La Belgique a en effet connu une détérioration structurelle de sa situation budgétaire ces dernières années, en partie en raison de l’indexation des salaires et des allocations sociales, développe l’agence.

Les coûts du vieillissement ajoutent en outre chaque année 0,2% du PIB aux dépenses publiques. Les dépenses pour les pensions ont augmenté rapidement et devraient continuer à progresser plus vite que dans la plupart des autres pays de l’UE, souligne-t-elle.

La Belgique a bien mis en œuvre un certain nombre de réformes des pensions depuis 2020, mais celles-ci n’ont pas permis de réduire les coûts budgétaires liés au vieillissement. Les pressions à la hausse sur les dépenses de défense et la transition verte s’ajoutent aux pressions sur les dépenses auxquelles le gouvernement est confronté.

En même temps, l’économie politique de la réduction du déficit et de la dette pourrait être plus difficile à l’avenir qu’elle ne l’a été dans le passé en raison des vents contraires structurels à l’assainissement budgétaire, ajoute l’agence de notation. Cela alors qu' »un tel effort nécessitera qu’il soit partagé par l’ensemble des niveaux de gouvernement mais la Belgique manque de mécanismes de coopération intergouvernemental » entre ses différents échelons, a pointé Moody’s.

L’agence souligne en effet qu’une part de plus en plus importante de la dette, même si elle est à la charge du gouvernement fédéral, est générée par les Régions et Communautés.

Le prochain gouvernement fédéral sera en tous cas soumis à une forte pression de la part de la Commission européenne pour mettre en œuvre des efforts plus importants, prévient Moody’s. Une pression qui intervient alors que la Belgique est ciblée par une procédure pour déficits excessifs et, dans l’attente d’un nouveau gouvernement, a prévenu la Commission européenne qu’elle ne serait pas en mesure de présenter ses prévisions budgétaires avant décembre.

La Commission européenne table pour la Belgique sur un déficit public atteignant 4,7% du PIB en 2025, après 4,4% cette année. La dette s’élèverait l’an prochain à 106,6% du PIB contre 105% en 2024. Parmi les Vingt-Sept de l’UE, seules la Grèce, l’Italie et la France affichent des prévisions d’endettement encore plus élevées.

Ces chiffres sont très supérieurs aux limites, de 3% du PIB pour le déficit et 60% du PIB pour la dette, qui ont été fixées par les règles budgétaires européennes.

« Dans le passé, la Belgique a bien réagi aux pressions extérieures, et il est possible qu’elle le fasse à nouveau. Toutefois, l’ampleur de la dérive des dépenses en l’absence de changement de politique jette un doute sur la pérennité de ces résultats », commente l’agence.

La « longue tradition » belge d’assainissement budgétaire est une hypothèse clé qui sous-tend l’évaluation de la note actuelle, situe-t-elle encore. L’ampleur des défis que les institutions du pays doivent relever en matière de finances publiques est cependant plus importante aujourd’hui qu’elle ne l’a été au cours des deux dernières décennies, pointe-t-elle.

Dans son évaluation, Moody’s a analysé le travail du gouvernement Vivaldi, aujourd’hui en affaires courantes. « Le précédent gouvernement de coalition de sept partis a permis une augmentation significative du déficit structurel, principalement parce qu’il n’a pas réussi à trouver un consensus sur les changements à apporter à la politique budgétaire, au marché du travail, aux pensions et à la politique macroéconomique structurelle pour inverser la tendance budgétaire actuelle », assène l’agence.

Les autorités belges avaient réagi rapidement à la pandémie et à la crise énergétique et inflationniste en augmentant les dépenses pour protéger l’économie. La réponse à la détérioration structurelle des finances publiques qui l’a accompagnée a toutefois été « discrète », avec de petites réductions ponctuelles des dépenses qui n’ont pas permis d’enrayer les tendances budgétaires négatives, estime Moody’s.

Le maintien de la note de la dette souveraine à Aa3 est, lui, soutenu par l’économie « diversifiée, riche et innovante » de la Belgique, qui bénéficie de sa situation géographique au cœur de l’Europe de l’Ouest. Le pays a fait preuve d’une résilience plus importante que prévu aux chocs économiques, notamment en ce qui concerne l’inflation et le choc énergétique de 2022, reconnait Moody’s.

« Aa » signifie que l’agence considère le risque de crédit comme « très faible » et le « 3 » veut dire que la Belgique se trouve au bas de l’échelle de cette catégorie.

Mais, dans le même temps, l’économie belge reste confrontée à d’importants défis, notamment un faible taux de participation au marché du travail, ajoute l’agence. « Bien que les institutions belges soient confrontées à des défis importants en raison de la situation budgétaire du pays, la qualité globale de ses institutions est élevée. La sensibilité de la Belgique au risque événementiel est déterminée par le risque politique, à savoir les risques géopolitiques liés à la guerre de la Russie en Ukraine », conclut-elle.

Dès lors, la note pourrait être abaissée si Moody’s devait conclure qu’il est peu probable que le prochain gouvernement mette en œuvre des mesures permettant de stabiliser le fardeau de la dette publique, avertit l’agence. Selon elle, une escalade de la guerre en Ukraine en une guerre impliquant directement les membres de l’Otan exercerait également des pressions à la baisse sur les notations.

Les notes attribuées par les agences de notation internationales permettent de déterminer dans quelle mesure un pays peut facilement emprunter de l’argent sur les marchés internationaux.

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