A chaque Halloween, sa ressortie de Thriller, album et clip vidéo, quatorze minutes d'une véritable arme de conquête. © youtube

Thriller, l’album blockbuster de Michael Jackson a 40 ans

Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Le 30 novembre 1982, Michael Jackson sortait Thriller, blockbuster ultime qui enchaînera les tubes et bouleversera la pop culture. Qu’en reste-t-il quarante ans après le raz-de-marée?

C’était cousu de fil blanc. Au début du mois, les principales plateformes de streaming constataient le retour en force du morceau Thriller dans le haut des classements. Aux Etats-Unis, le tube, sorti en 1983, a même fini en tête des écoutes sur Apple Music! Et cette fois, pas besoin du coup de pouce d’une série Netflix ou d’une danse virale sur TikTok. Le fait est que les zombies ressortent de terre à peu près chaque année au même moment: de la même manière que Mariah – All I Want For Christmas Is You – Carey réenfile sa combi rouge dès qu’ approche Noël, Michael Jackson est devenu la bande-son idéale pour accompagner les cortèges d’Halloween – Thriller ou un sort!

Le temps qui passe et le recul qu’il permet d’avoir n’ont pas l’air d’avoir de prise sur le «disque le plus vendu de l’histoire».

Cette fois, cependant, ce regain d’intérêt pourrait se prolonger. A la faveur d’un anniversaire: le 30 novembre, cela fera précisément quarante ans que Thriller déferlait sur la planète. Billie Jean, Beat It, Wanna Be Startin’ Somethin’… Sept singles en tout, sur les neuf titres que compte l’album, dégainés en à peine un an: Michael Jackson, ce serial tubeur… Avec l’aide de Quincy Jones, le chanteur-musicien-danseur-performer a sorti son magnum opus, œuvre légendaire qui changera la face de la musique populaire. Quarante-deux minutes et 16 secondes de musique (et d’images), écoutées, commentées, disséquées, à l’infini.

© isopix

Esperanto pop

Quarante ans après sa sortie, que reste-t-il d’ailleurs à dire de Thriller qui n’ait encore été dit? A vrai dire, pas grand-chose. C’en est presque interpellant. Même le temps qui passe, et le recul qu’il permet d’avoir, n’ont pas l’air d’avoir de prise sur le «disque le plus vendu de l’histoire». C’est peu dire que, dans l’intervalle, le monde a pourtant changé. Autant dire que Thriller vient tout droit de la préhistoire… Pourtant, il semble rester intouchable. Bien sûr, son auteur a dû faire face entre-temps à des accusations de pédophilie, ultime couche de malaise rajoutée sur un personnage que les frasques et les transformations rendaient de plus en plus sordide. Après les révélations du documentaire Leaving Neverland, en 2019, peut-on encore écouter Michael Jackson? Thriller, en tout cas, oui.

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Il semblerait que même la génération Z, post-MeToo, pourtant censée être particulièrement peu encline à transiger avec les «déviances» des artistes, a accroché à la mythologie Jackson. Selon une étude de YPulse, le chanteur ferait même partie des 17 personnalités musicales qui, du point de vue des millenials, «représenteraient le mieux leur génération» – aux côtés de Billie Eilish, Drake ou encore Taylor Swift. Sans doute parce que son influence est encore visible partout. Musicale évidemment. Et on ne parle pas que des multiples tentatives de copycat: de Bruno Mars à The Weeknd, sans doute celui qui a le plus clairement cité son idole, avec une malice toujours plus perverse – la veste rouge, la chirurgie esthétique de Save Your Tears, le visage ensanglanté façon vampire sur After Hours, etc. Même les sonorités de Thriller, devenues depuis vintage, ont encore cours – par exemple, le groove funky de Virgo’s Groove sur le dernier album de Beyoncé. Plus généralement, c’est l’idée même d’un esperanto pop, capable de digérer tous les genres, qui est devenue aujourd’hui banale. Comme nul autre avant, Thriller a flouté les frontières entre les styles musicaux, mélangeant pop, funk, disco, variété, électronique, rock (le solo de Van Halen sur Beat It), et même afro-jazz (la citation du Soul Makossa de Manu Dibango sur Wanna Be Startin’ Somethin’)…

Même la génération Z, post-MeToo, a accroché à la mythologie Jackson.

Visuellement aussi, Thriller a joué le rôle de game changer. Le single éponyme n’est certainement pas le premier clip de l’histoire. Mais en y consacrant autant de moyens – quatorze minutes filmées par le réalisateur John Landis –, Jackson en a fait un événement, une véritable arme de conquête. Et aujourd’hui que la vidéo a repris du poil de la bête, après des années de disette, c’est encore vers Jackson que les artistes regardent – au hasard, The Heart Pt 5 de Kendrick Lamar qui utilise la technologie du deep fake inaugurée par le clip de Black Or White.

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Avec Thriller, le King of pop imprime les rétines. Jusqu’à devenir un meme classique – qui n’a jamais envoyé le fameux Gif de Michael Jackson en train de manger du pop-corn au cinéma? La danse, surtout, est sa principale accroche visuelle. Le chanteur n’a cessé de multiplier les gestes signatures, toujours repris aujourd’hui. C’est sûr, s’il avait eu accès à TikTok, le performeur aurait fait sauter les compteurs. C’est d’ailleurs la grande question: un raz-de-marée comme celui qu’a provoqué Thriller serait-il encore possible aujourd’hui? Pour rappel, le best-seller a été le premier album à sortir simultanément dans le monde entier. Une manœuvre marketing désormais devenue la règle avec les facilités du Net. Mais c’est aussi le Web qui a fragmenté les audiences. Mettant à terre le grand œcuménisme pop rassembleur voulu par Jackson? A voir…

Hommages en mineur

A chaque anniversaire ses célébrations. Pour les 40 ans de Thriller, force est de constater que le menu des festivités reste toutefois relativement modeste. Il y a bien un musical prévu à Broadway et un grand spectacle hommage à Thriller s’est arrêté le mois dernier au Palais 12, à Bruxelles. Une réédition de Thriller a également été annoncée par le label. Ce n’ est pas la première. Celle proposée pour les 25 ans n’avait pas vraiment paru incontournable – alourdie notamment par des remix dispensables de will.i.am ou Kanye West. Le nouveau double CD qui sort cette semaine est censé y ajouter des «démos inédites». Des versions que l’on n’avait toujours pas pu entendre au moment de mettre sous presse. Mais visiblement pas de quoi chambouler l’appréciation que l’on peut avoir du disque. Il faut dire que depuis la mort de l’artiste, les sorties posthumes ont davantage semblé chercher à remplir les poches des ayants droit et du label qu’à approfondir l’héritage musical du roi de la pop. En août dernier, un accord était ainsi trouvé pour retirer des plateformes trois «inédits» de l’ album posthume Michael, publié en 2010. Après des années d’enquête et de procédure, il n’ était toujours pas certain que ce soit vraiment Michael Jackson, et non un imitateur, qui ait enregistré Breaking News, Monster, et Keep Your Head Up…

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