Le tourisme de masse, est-ce déjà la fin du voyage? © GETTY IMAGES

Faut-il renoncer aux voyages au risque de renoncer à habiter le monde?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La philosophe Juliette Morice mène l’enquête sur la critique du déplacement pour les loisirs, qui n’a pas toujours été motivée par des considérations environnementales.

Après avoir voyagé tout l’été, faut-il penser à y renoncer à la rentrée? Maîtresse de conférences à l’université du Mans, la philosophe Juliette Morice, dans Renoncer aux voyages, pose la question et en élargit le spectre au-delà des sensibles préoccupations actuelles de préservation du climat et de l’environnement. Tout un temps, le renoncement fut prôné parce que, le monde ayant été entièrement exploré par l’humain, voyager avait perdu l’attrait de la découverte. Aujourd’hui, c’est par milliers que les touristes se photographient au même endroit dans la même pose. Juliette Morice convoque les grands auteurs et penseurs pour rappeler que la question a souvent alimenté les débats intellectuels. Jusqu’à considérer, pour certains, que le tourisme de masse avait purement et simplement tué le voyage.

Pour revenir à la question de l’opportunité contemporaine de renoncer ou non aux voyages, l’autrice avance qu’«une des vocations principales du voyage pourrait être d’expérimenter ce que peut bien signifier habiter le monde. Le déplacement géographique n’est-il pas l’occasion pour un individu de se situer, de penser et d’éprouver sa propre existence et celle des autres?» Si s’impose l’idée du renoncement, «on se trouve alors dans cette situation inextricable qui voudrait que, pour rendre notre monde habitable, il faille renoncer à l’une des plus éminentes pratiques nous ayant permis de comprendre ce que peut et ce que doit signifier habiter le monde», c’est-à-dire se déplacer ailleurs.

«Il est peu souhaitable ou peu praticable de se résoudre simplement à l’immobilité.»

Il n’en reste pas moins que la multiplication des voyages, singulièrement en avion, pose une vraie question de sauvegarde de la planète. Juliette Morice en est consciente mais n’en conçoit pas pour autant un arrêt des déplacements «non essentiels»: «On rétorquera que tous les voyages ne sont pas susceptibles de contribuer au même degré à la catastrophe en cours, et l’on pourra à loisir proposer des mesures, des proportions, des conditions, des quotas permettant d’évaluer l’ »impact » de tel ou tel déplacement –faisant à proprement parler des voyages une nouvelle question éthique, sinon politique. Mais il est en tout cas peu souhaitable ou peu praticable de se résoudre simplement à l’immobilité.» Son ouvrage explore toutes les dimensions de cette question sensible. En cela, il peut contribuer à une prise de décision responsable.


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