Parmi les Gafam, Microsoft a dépassé la barre des 3.000 milliards de dollars de capitalisation boursière. © BELGAIMAGE

«L’Economie numérique»: le livre pour savoir comment réguler les Gafam

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Professeur à la Solvay Brussels School (ULB), Nicolas van Zeebroeck diagnostique scrupuleusement les comportements toxiques des Gafam et les remèdes à y apporter.

Le constat semble sans appel: ce sont toujours les mêmes qui gagnent. Les Gafam et leurs corollaires asiatiques (BATX) siphonnent toute la valeur de l’économie numérique. Ils continuent de plus belle malgré les tentatives de régulation américaine et européenne. Exemple parlant: Microsoft. Les régulateurs sont allés aussi loin qu’ils le pouvaient dans le cas de la société de Redmond. Résultat? Elle a dépassé la barre des 3.000 dollars de capitalisation boursière début 2024 (seule Apple l’avait franchie). Les ogres du numérique en veulent toujours plus, constate le Pr. van Zeebroeck, et nous nous laissons dévorer, souvent en pleine conscience, en acceptant de troquer nos données personnelles, donc notre vie privée, contre la gratuité de nombreux services numériques ou les facilités d’accès qu’ils octroient. «Les humains consacrent désormais une part non négligeable de leur temps à alimenter la boîte numérique de leurs données», constate l’auteur de L’Economie numérique.

«Les humains consacrent une part non négligeable de leur temps à alimenter la boîte numérique.»

Notre profilage par les Gafam nous choque si peu… Pourtant, ceux-ci en usent et en abusent, grâce à leur position dominante, et nous imposent des services dont nous n’avons pas besoin au travers du bundling, ce regroupement de services ou de contenus poussant le consommateur à payer davantage qu’il ne l’aurait fait pour une seule fonctionnalité en lui faisant apparaître comme très faible le surcoût du paquet complet. L’exemple du pack Office de Microsoft, dont la plupart des utilisateurs n’utilisent que Word, est éloquent. De plus en plus, même, les éditeurs de logiciels optent pour des formules d’abonnement afin d’assurer la récurrence des leurs revenus et, par-là, leur rente oligopolistique. Réguler ce marché numérique en espérant le rendre pleinement concurrentiel est devenu chimérique. Ainsi, malgré des amendes salées, Google garde sa totale suprématie dans les moteurs de recherche…

Le problème, selon Nicolas van Zeebroeck, est qu’on se braque sur les questions de concentration des marchés alors que les périls ne sont pas tant économiques que sociaux (jobs précaires), politiques, géostratégiques (domination sino-américaine) et environnementaux (serveurs de plus en plus énergivores). Nous nous trompons de combat. Pour mieux lutter contre la toxicité des géants numériques, l’Europe doit aussi briser les logiques nationales et, surtout, rendre le contrôle de leurs données aux utilisateurs, comme le fait la Californie avec le «Global Privacy Control». Le GPC permet d’indiquer facilement ses préférences en matière de partage des données. Effrayant pour les Gafam?

© DR

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