L’avocat de Marc Dutroux veut raser les palais de justice
L’avocat pénaliste Bruno Dayez refuse comme allant de soi la justice telle qu’elle existe. Et fait des propositions.
Il n’est sans doute pas le seul avocat à présenter ce côté désabusé au bout, presque, d’une carrière à voir l’épée de la justice pourfendre ses clients souvent dévastés. Mais Bruno Dayez (celui-là même qui a entrepris de défendre Marc Dutroux envers et contre tous) a pris le parti, depuis longtemps, de faire de ce désenchantement une arme d’objurgation massive. «La justice jouit d’une forme d’impunité empêchant la critique de l’atteindre au cœur», écrit-il dans Une autre justice est possible (1), son dernier essai-plaidoirie, sans doute le plus cinglant mais aussi le plus constructif de ses six ouvrages désormais publiés. Dans ce testament d’avocat, tout est passé à la lessiveuse. A commencer par le nom de l’institution de justice que Dayez suggère de débaptiser pour conjurer cette «usurpation d’identité» qui «l’amène à péter plus haut que son cul» en s’accaparant le sceau d’une vertu.
«La justice jouit d’une forme d’impunité empêchant la critique de l’atteindre au cœur»
Autre requête radicale: raser les palais de justice, ces lieux austères et sacralisés qui visent «à provoquer une sainte terreur» plutôt que d’être empreints de cette humanité dont les débats judiciaires manquent cruellement. Dans une suite cohérente, Me Dayez s’attaque aussi au formalisme du spectacle pénal qui «sauve les apparences mais ne garantit pas que justice a été rendue». Il cible le légalisme des juges pénaux qui craignent davantage de «commettre une erreur de droit qu’une erreur de fait». Il prône un vrai dialogue devant le tribunal, où chacun avancerait un argument tour à tour, plutôt que l’actuel jeu d’acteurs stéréotypé de chaque partie. Son vœu: faire la peau au secret du délibéré, à la perpétuité et à la majorité pénale, cette «fiction opératoire servant à donner libre cours à la répression».
Retapant sur le clou qu’il a déjà enfoncé à maintes reprises, l’avocat iconoclaste exhorte enfin à sanctionner et à réparer plutôt que punir, en donnant la parole aux victimes sur la sanction et en négociant les peines avec les prévenus, ce qui les pousserait à reconnaître ce qu’ils ont fait et à en prendre la mesure. Dans ce contexte, l’idée de raser les prisons pour ne réserver la privation de liberté qu’à une minorité d’infracteurs apparaît comme logique. Si les conseils de Bruno Dayez semblent extrêmes, c’est parce que cet humaniste passionné considère que si l’on pense qu’une autre justice est possible, il n’y a d’autre alternative que de démonter l’édifice pièce par pièce en interrogeant le bien-fondé de ce qui paraît couler de source. Enthousiasmant.
(1) Une autre justice est possible, par Bruno Dayez, Samsa, 116 p.
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