Pour Servane Mouton, il faudrait proscrire les écrans aux enfants de moins de 6 ans. © Getty Images

Par le livre

Pour que nos enfants devant les écrans ne soient pas des «rats de laboratoire»

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

La neurologue Servane Mouton alerte sur les multiples préjudices causés par l’exposition des plus petits aux écrans. Que faut-il de plus pour lancer des politiques de prévention?

Les avertissements ne manquent pas sur les effets négatifs pour la santé de la surexposition aux contenus des smartphones et tablettes. Ceux rassemblés par la neurologue et neurophysiologiste Servane Mouton dans Ecrans, un désastre sanitaire (1) interpellent plus encore parce qu’ils couvrent, en une fois et de façon concise et professionnelle, tous les domaines des préjudices subis, particulièrement par les enfants. Ce n’est pas pour rien que l’autrice a coprésidé en France la Commission sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans qui a rendu son rapport en avril 2024.

Ces préjudices sont liés à la fois à l’utilisation stricte des écrans et à la confrontation de leurs usagers aux contenus auxquels ils permettent d’accéder. Dans la première catégorie, figurent parmi les effets les plus inquiétants les troubles de la consommation et de l’alimentation chez les petits enfants, des défaillances en matière de vision –on assiste à une épidémie mondiale de myopie–, des troubles du sommeil qui peuvent accroître les risques d’obésité, et des failles dans la capacité de concentration. Au rang des préjudices indirects, Servane Mouton insiste sur l’exposition de mineurs à des contenus pornographiques ou violents, les dépressions, en particulier chez les jeunes filles, la détérioration des relations entre parents et enfants, accrue par les «technoférences», à savoir l’usage excessif des écrans par les parents devant leurs enfants. Autre effet négatif moins connu, «l’écran contient et maintient un calme artificiel au mépris des besoins réels d’expression, d’exploration et d’interactions du tout-petit». Mieux vaut un gamin «turbulent» qu’un enfant sans réaction car assommé par les heures passées devant les écrans. Ceux-ci sont «au cœur d’enjeux de santé individuelle et publique colossaux à court, moyen et long terme», alerte Servane Mouton.

L’intérêt de son essai réside aussi dans les recommandations qu’elle formule. L’une d’entre elles paraît particulièrement judicieuse mais a priori difficilement acceptable. S’inspirant du processus d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament, «il s’agirait d’exiger des acteurs économiques qu’ils démontrent avant commercialisation l’absence d’effet nocif du produit et une balance bénéfice-risque favorable, puis que le produit soit régulièrement réévalué par des entités indépendantes». Nos «amis» américains bouffeurs de régulations peuvent être rassurés, ce n’est pas pour demain.

(1) Ecrans, un désastre sanitaire – Il est encore temps d’agir, par Servane Mouton, Tracts Gallimard, 62 p.
«Les écrans sont au coeur d’enjeux de santé individuelle et publique colossaux.»

Servane Mouton

Neurologue et neurophysiologiste

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