Les livres devraient être gratuits
Un éditeur qui propose de rendre les livres gratuits, ce n’est pas banal… C’est pourtant la proposition de Christian Lutz, de la maison d’édition Samsa.
C’est annoncé comme un manifeste. Cela ressemble plutôt à un cri. Celui d’un éditeur désabusé qui, avant Samsa, dirigeait une maison justement appelée Le Cri. Désabusé? Après sa bruyante Lettre ouverte à madame la ministre il y a trois ans (Le Vif du 3 février 2019), Christian Lutz remet le couvert sur ses déboires interminables avec la Direction des lettres de la Fédération Wallonie-Bruxelles, chargée d’accorder – ou non – des subsides aux éditeurs.
Dans son nouvel opus Du courage et de l’imagination (1), rempli de citations (privilège de l’érudit), il dézingue, sans surprise, tout ce qui, dans un monde de profit, tue le livre à petit feu. On passera sa critique de la révolution informatique qui, selon lui, «précipite lentement l’humanité vers une régression mentale». Idem pour sa vision des jeunes «couverts de noir, le regard vissé sur un écran de quelques pouces»… Pas sûr que cela serve la cause. Mais à 67 ans, Lutz est un réactionnaire assumé, prêt à tous les excès pour défendre le livre, celui fait de papier, le seul valable à ses yeux.
On préfère dès lors, et de loin, sa proposition de rendre ce livre gratuit car «un livre n’a pas de prix» et «est d’utilité publique». On aime surtout les pages plus personnelles où il raconte comment son père a échappé à la mort dans un camp de déportés pour prisonniers politiques, sauvé par un officier nazi grâce à son amour des livres, des langues et de l’histoire. Un père qui, tous les soirs, lui lisait en allemand un passage de la Phénoménologie de l’esprit, de Hegel, auquel le jeune Christian ne comprenait rien mais qui a néanmoins nourri son besoin de voyages livresques. Et l’a aussi armé d’une plume, avec laquelle il écrit et crie à qui veut l’entendre.
(1) Du courage et de l’imagination, par Christian Lutz, Samsa, 60 p.
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