Klô Pelgag, aventurière de la pop made in Canada, sera ce mardi soir au Botanique

Klô Pelgag éblouit avec Abracadabra, nouveau tour de magie pop

FocusVif.be Rédaction en ligne

Klô Pelgag mène la pop à la baguette magique sur son nouvel album, le fabuleux Abracadabra. Dans le chapeau de la Québecoise, une douzaine de chansons en équilibre instable, à la fois émouvantes et aventureuses. Rencontre avant son concert de mardi soir, au Botanique

Entretien: Laurent Hoebrechts

Chez elle, au Québec, Klô Pelgag est une vraie star. Entendons-nous: peut-être pas comme Céline Dion. Même si elles ont un point commun: en 2021, Klô Pelgag remportait pas moins de treize Felix, les Victoires de la musique québécoises, lors d’une seule et même soirée. Comme Céline en 1985. La comparaison s’arrête toutefois là.

A écouter par exemple son récent Abracadabra, la musique de Klô Pelgag n’a pas grand-chose à voir avec la power variété de la diva. Ne serait-ce que par la manière d’utiliser sa voix. «Quelque part, c’est même bizarre que je sois devenue chanteuse, parce que pendant longtemps je n’aimais pas trop ça. Petite, dès qu’il fallait pousser la voix, par exemple lors du spectacle scolaire de fin d’année, ça me gênait terriblement. J’étais là dans un coin, à ouvrir la bouche, sans qu’aucun son ne sorte. Si je m’y suis mise, c’est parce que j’écrivais des textes, et qu’il fallait bien que quelqu’un les chante.»

Aujourd’hui, cela va mieux, nettement mieux. «J’assume davantage. J’adore même ça. Je peux utiliser ma voix comme un instrument, en modifiant sa texture, etc. C’est comme une grande délivrance.»

Klô Pelgag, illusionniste pop

Née en 1990, Chloé Pelletier-Gagnon de son vrai nom a grandi à Sainte-Anne-des-Monts, en Gaspésie, avant de monter à Montréal pour se lancer dans la musique. En 2013, un premier album fait déjà impression –L’Alchimie des monstres, coup de cœur de la prestigieuse académie Charles Cros. Trois ans plus tard, le deuxième enfonce le clou –L’Etoile thoracique obtient le prix Rapsat-Lelièvre.

En 2020, Notre-Dame-des-Sept-Douleurs est le disque de la consécration. Même si le succès reste encore timide de ce côté-ci de l’Atlantique, il installe pour de bon une artiste à part. Cette nouvelle reconnaissance a-t-elle définitivement rassuré cette autodidacte? «Je pense que j’aurai toujours besoin d’exprimer des choses. Mais je ne sais pas à quel point cela intéressera forcément le public. Il se fait que, par le plus grand des hasards, je m’exprime à travers une forme –la chanson– qui parle aux gens. Mais peut-être qu’à un moment donné, j’aurai envie de faire de l’ambient ou de la musique instrumentale très compliquée. Est-ce qu’il y a aura autant de monde pour acheter mon disque?»

Sentier de traverse

On n’en est pas encore là. Abracadabra est un nouveau bijou de chansons à la fois étranges et touchantes. Facétieux, il zigzague entre déviances prog rock (Décembre) et synth-funk eigthies (Deux jours et deux nuits), crescendo orchestral tourbillonnant (Sans visage) et pop de chambre (Le Goût des mangues). Klô Pelgag y parle de mathématiques amoureuses (Pythagore) et de maternité (Lettre à une jeune poète), se baladant aussi bien sur la montagne (Sans visage) qu’entre les rangées du cimetière (Jim Morrison).

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Plus proche des audaces d’une Diane Tell que de la pop millennial d’une Charlotte Cardin (de quatre ans sa cadette), elle y savoure farouchement sa liberté. Sans jamais planquer ses vertiges existentiels. «Le temps qu’on a mis n’a rien changé», glisse-t-elle, dépitée, dans Libre«Au fil du temps, j’ai quand même fait un peu le ménage dans ma tête. J’ai essayé de mettre en place des choses dans ma vie pour accéder le plus souvent possible au bonheur. Et honnêtement, cela donne pas mal de résultats (sourire). Mais dans les moments plus tristes, j’ai quand même toujours un peu l’impression de revenir à zéro. Même si après, cela passe toujours…»

Loin des autoroutes de la French pop par trop balisées, Abracadabra est le genre de disque cabossé et caillouteux. Un sentier de traverse qui a le don de faire vriller le cœur, à la fois beau et bizarre. A l’instar de l’univers visuel décalé de son autrice, apparaissant souvent grimée. «Il m’arrive de faire des sessions où l’on me photographie bien maquillée comme il faut. C’est juste moi, en plus belle. Mais c’est quoi le point? Je ne vois pas trop l’intérêt. Et puis, j’aime m’amuser avec cette partie-là du boulot aussi. Cela fait partie de l’exploration, comme pour la musique.»

Formule magique

Parmi la douzaine de titres d’Abracadabra, Les Puits de lumière est sans doute le plus émouvant. Le morceau d’une vie, chef-d’œuvre charriant une mélancolie grandiose qui ne laissera personne indemne. Présentant le morceau sur la scène du festival FrancoFaune, en octobre dernier, Klô Pelgag avait l’air elle-même surprise: «Je me suis rendu compte que j’avais écrit une chanson», ironisait-elle, avant d’ajouter: «Il a fallu que je la torde un peu.» On lui rappelle l’anecdote. «En l’occurrence, cette tune est sortie toute seule, d’un trait. Mais c’est comme si j’entendais des trucs qui se passaient autour. Pas nécessairement des arrangements complexes. Plutôt des sons, des ambiances, qui représentent un peu l’état que je décris en mots… Disons que dans mon approche de la musique, j’aime être à la recherche, découvrir des choses, y compris sur moi-même.»

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«La vie est une tragédie», grince-t-elle sur le morceau en question. «Maintenant qu’on le sait/J’aimerais qu’on se raconte/Une blague de fin du monde»… Ou alors tenter un coup de baguette magique. Comme seul peut en produire l’illusionisme pop? Avec Abracadabra, Klô Pelgag n’a pas été la seule à y penser au cours de ces derniers mois –de Lady Gaga (Abracadabra) à Dua Lipa (Houdini) en passant par Eminem (Houdini). «Je suis consciente que ce titre peut faire peur à certaines personnes. Même à moi, à vrai dire (rires). Le mot est tellement connoté. Vous imaginez facilement le lapin qui sort d’un chapeau mauve, etc. Mais je trouvais intéressant de l’envisager un peu comme une réaction face à « l’imminente fin du monde », ou en tout cas à la grande détresse humaine qu’on vit en ce moment. On nous parle de génocide, de violences, de racisme…. Toutes ces choses-là qui, moi, me happent  et me percutent de plein fouet. D’autant plus que vous pouvez vite vous sentir impuissant face à tout ça. C’est un peu comme si on était arrivé au bout. Et qu’en désespoir de cause, je dis cette formule magique. Sans vraiment y croire. Mais au cas où, on ne sait jamais. Tout le monde espère que quelque chose se passe…»   

Klô Pelgag, Abracadabra, distribué par Secret City. En concert ce 18 mars au Botanique, à Bruxelles; le 24 août aux Solidarités, à Namur.
La cote de Focus : 4/5

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