Mélanie Geelkens

Une sacrée paire de pionnières : travestie en homme pour pouvoir faire le tour du monde

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Sa taille, elle l’a rembourrée de tissu. Et sa poitrine, aplatie jusqu’à la faire disparaître, enserrée dans des bandelettes. Jeanne Barret s’est coupé les cheveux courts et porte un pantalon.

Rien que ça, en 1767, aurait pu lui valoir la prison. Sans doute a-t-elle la boule au ventre, en embarquant sur l’ Etoile, ce 1er février. Sans doute jette- t-elle des regards à la fois inquiets et connivents à Philibert Commerson, en arrivant sur ce bateau qui s’apprête à quitter Rochefort pour réaliser un tour du monde. Lui seul sait qu’elle ne s’appelle pas Jean, qu’elle n’est pas eunuque (l’excuse qu’elle donne, lorsqu’un marin s’étonne de sa voix fluette) et ni davantage son assistant. Mais bien sa compagne et la mère de leur enfant malheureusement décédé, même si, veuf et de vingt ans son aîné, il n’officialisera jamais leur relation. Jeanne Barret est aussi sa disciple : peu de temps après l’avoir engagée comme gouvernante, ce botaniste ( » du roi « ) lui apprend tout sur les herbiers. Et c’est pour l’aider à récolter des plantes exotiques à travers les continents qu’elle enfreint l’ordonnance royale datant de 1689, interdisant la présence de femmes à bord des navires.

Pour ne pas être démasquée,  » Jean  » apprend à jurer comme un matelot sur le pont et, lors des expéditions botaniques, porte tellement de matériel et de provisions qu’elle hérite du surnom  » bête de somme « . Elle donne plus que le change, en dépit des rumeurs : un chirurgien également présent à bord susurre à qui veut l’entendre que ses fesses sont quand même fort larges, sa taille fort petite et sa poitrine fort élevée… Pour se protéger des marins qui, la nuit, tentent de vérifier, la jeune femme dort une arme entre les mains.

 » Ayene ! Ayene !  » (fille ! fille ! ). Lors d’une escale à Tahiti, au bout de seize mois de navigation, à peine Jeanne Barret a-t-elle mis pied sur la terre ferme qu’elle est encerclée par des autochtones qui entreprennent de la déshabiller. La légende veut qu’elle ait été trahie par l’odorat des Tahitiens. Le commandant Louis-Antoine de Bougainville finit par la convoquer, lui ordonne de se dénuder. Elle préfère alors avouer,  » les larmes aux yeux « , écrit-il dans son journal, ajoutant admirer  » sa résolution, d’autant qu’elle s’est toujours conduite avec la plus scrupuleuse sagesse « .

Mais une fois mise à nu, la bête de somme si efficace devient si encombrante qu’il faut la débarquer. Ce sera sur cette île qui ne s’appelait pas encore Maurice mais  » de France « , où les amants continuèrent leur quête de spécimens exotiques. Avant de mourir, le 13 mars 1773, Philibert Commerson lui avait dédié l’une des fleurs découvertes, la Baretia bonnafidia,  » au feuillage trompeur  » telle  » la vaillante jeune femme qui, prenant l’habit et le tempérament d’un homme, eut la curiosité et l’audace de parcourir le monde entier « .

Presque entier. Pour boucler son périple, Jeanne Barret doit encore rejoindre la France, elle qui, pour gagner sa vie, a ouvert un cabaret à Port-Louis. Elle y rencontre un officier de marine français, qu’elle épouse en 1774, ce qui lui permet de rentrer à Paris. Dans ses bagages, 30 caisses contenant 5 000 espèces de plantes, dont 3 000 présentées comme nouvelles. Les planches de ces herbiers sont léguées au Muséum national d’histoire naturelle, où elles sont toujours visibles. Comme la tombe de cette première exploratrice, dans le cimetière de Saint-Aulaye (Dordogne), où elle fut enterrée le 5 août 1807, vingt-et-un ans après avoir été reçue par le roi Louis XVI qui l’avait félicitée en ces termes :  » Vous êtes une femme extraordinaire.  »

Girl power

Elle s’appelle Katrien Terryn, a 27 ans et vient de réussir son examen pour rejoindre le cercle très fermé (17 membres) des pêcheurs de crevettes à cheval d’Oostduinkerke. Une tradition qui existe depuis 500 ans mais qui, jusqu’en 2015, n’était réservée qu’aux hommes, sous prétexte de la dangerosité de la mer du Nord. La jeune Flamande est la deuxième femme à pratiquer cette pêche, reconnue depuis 2013 au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.

L’impôt sexiste

C’est de saison : le remplissage des déclarations fiscales. Deux sociologues françaises, Céline Bessière et Sibylle Gollac, ont pointé dans leur ouvrage Le Genre du capital que les impôts recelaient un  » impensé sexiste  » : la pension alimentaire. Pour celui qui la verse, elle est déductible (à 80 %) des revenus nets. Mais elle est imposable (à 80 % également) pour celui qui la reçoit. En l’occurrence pour  » celle « , dans 80 % des cas. Une différence qui renforce les inégalités, selon les chercheuses, qui ajoutent que, dans les années 1990, ce constat a conduit le Canada à modifier sa politique en la matière. Et la Belgique, un jour ?

C’est pas gagné

Une sacrée paire de pionnières : travestie en homme pour pouvoir faire le tour du monde
© BELGAIMAGE

Il aurait pu s’appeler Tanguy, Conner Rousseau. A 27 ans, le président du SP.A a expliqué, dans une interview au Morgen publiée le 27 juin dernier, qu’il habitait toujours chez ses parents. Et que si ses tee-shirts (en bon  » casseur de codes « , il porte peu de chemises) étaient bien repassés, c’est parce que  » dat doet [zijn] mama « . Parce que lui a  » d’autres préoccupations. Vous. Le parti. Le pays. Suffisamment de préoccupations.  » Parce que sa mère, bien sûr, n’a rien d’autre à faire. Moderne en politique, peut-être, mais pas en tâches ménagères.

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