RTBF la pédagogie en jeux
Et pendant ce temps, la RTBF faisait pousser un arc-en-ciel dans ses couloirs. Ses couleurs ? Journalisme social, indépendance critique, autonomie culturelle et les crolles de Philippe Geluck. Ses racines ? Le mordant Henri.
« En réalité, Mai 68 a été pour la RTB (devenue RTBF en 1977), un momentum dans une évolution qui avait déjà débuté dès sa création, en 1960 « , analyse Jean-Jacques Jespers, entré dans la maison publique en 1971, » comme on entre dans le saint des saints » (lire aussi page 48). Le style singulier d’Henri Mordant, tout en pédagogie teintée d’irrévérence, a fait école : » Il y avait chez lui une remise en question de la vérité officielle, une volonté d’éclairer le fonctionnement de la société et de l’économie. Dans son Magazine des consommateurs (1967), il remettait en question les marques. Je me souviens de ce long plan-séquence révolutionnaire de 25 minutes pour expliquer, un exemple concret après l’autre, ce qu’était l’index des prix. » Le style déteint sur Faits divers (1968) magazine de Pierre Manuel et Jean-Jacques Péché, sorte de Strip-tease avant la lettre qui avait capté les vacances en famille de Michel Demaret, futur bourgmestre de Bruxelles. » Quand nous sommes arrivés poursuit Jean-Jacques Jespers, la RTB avait l’image d’une chaîne innovante, qui travaille sur des formats originaux, qui a la culture de la qualité, de l’indépendance. » A cette époque, Josy Dubié et André Dartevelle, marqués comme beaucoup d’autres par l’énergie politique de Mai 68, s’illustrent dans Neuf Millions 9, une émission » au diapason des réalités du temps « . Avec son générique rutilant et funky, son attitude critique, le magazine incarne ce besoin d’être » plus proche des gens et de la réalité du temps, née dans la foulée de 68 et des mouvements sociaux des années 1970. » En 1977, la RTBF est créée sur la promesse de l’autonomie culturelle, la liberté d’information, l’indépendance envers les pouvoirs publics. Si le débat politique a très tôt fait son nid sur ses ondes, les dispositifs d’expression directe déployés en France n’y ont pas trouvé d’écho : » On a préféré tabler sur la pédagogie des enjeux que sur la superposition des avis. » Pédagogie toujours et humour décroissant à l’heure des croissants, l’émission jeunesse Lollipop diffusée sur la première chaîne entre 1979 et 1984, est une héritière du lignage 68. Un jeune Philippe Geluck, mélange improbable de Coluche et de Julos Beaucarne, y côtoie la marionnette Malvira et le Magic Land Théâtre. On y déguste entre autres Topor et Téléchat, la saga tordue et écolo La Constellation du radis… Loin du tout venant des émissions pour enfants. » On ne prenait pas les enfants pour des cons « , dira Patrick Chabout dans les mémoires de Malvira (1). En clair : une éducation permanente à l’imagination au pouvoir.
(1) Vous ta gueule ! (Malvira), par Patrick Chaboud, éd. Le Grand Miroir (2002).
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