NE JAMAIS BAISSER SA GARDE

C’est fini. L’heure de la délivrance commence par un assourdissant silence. A l’Ouest comme à l’Est, il y a du nouveau, ce 11 novembre 1918 sur le coup de 11 heures. Sur tous les fronts, on cesse de faire parler la poudre et, subitement, l’air ambiant devient moins lourd, moins irrespirable.  » Happy end « … Mais comment qualifier d' » heureuse  » la fin d’une tragédie sans nom et sans précédent qui a saigné un continent durant plus de quatre ans.

La guerre, celle que l’on surnomme un peu vite la  » Grande « , celle que l’on va improprement appeler la  » der des ders « , prend congé du monde des hommes prompts à s’abandonner régulièrement à sa folie meurtrière. Eclipse toute provisoire puisque ce sera rebelote dès 1939 jusqu’en 1945. Mais pour l’heure, en ce mois de novembre 1918 synonyme d’armistice, c’est un formidable espoir qui se lève et qui submerge tout. L’ère qui s’ouvre sur un océan de ruines et une mer de cadavres paraît être celle de tous les possibles. Et de toutes les angoisses.

Le poids des ans excuse certaines maladresses. Alors que la fin des combats se profilait en octobre 1918, Charles Woeste, 81 ans, osait dresser ce bilan et prenait les paris : la guerre  » fut une parenthèse épouvantable et néfaste dans le fonctionnement régulier de nos institutions mais une parenthèse seulement « . Cette figure historique du parti catholique belge voulait encore croire au retour en arrière et au temps pourtant peu béni d’avant 1914. Grossière et monumentale erreur d’appréciation tant 1918 marque une vraie rupture, en Belgique comme hors de ses frontières : la carte du monde est reconfigurée, la société métamorphosée, l’homme et la femme transfigurés par l’ouragan de fer et de feu qui a tout emporté sur son passage. Pour la Belgique qui s’est retrouvée dans l’oeil du cyclone, un nouveau départ s’annonce. Un saut à multiples inconnues. Politique, économique sociale, sociétale. Tant de choses sont à reconstruire, à réapprendre, à réformer. Au moins les Belges ontils su transformer l’essai ?

Le Vif/L’Express a sollicité l’expertise et la plume d’historiennes et d’historiens pour vous aider à tourner l’une des pages les plus dramatiques de notre histoire. Dans ce hors-série exceptionnel, ils ne s’arrêtent pas à l’indispensable mais classique bilan. Ils passent aussi sous la loupe cette sortie de guerre chahutée, qui fut ô combien délicate à négocier. Ils examinent sous toutes les coutures cette période unique qui émerge du conflit, lorsqu’un fol appétit de vivre et la frénésie de rattraper le temps perdu côtoient le traumatisme, le chagrin et la perte inconsolable d’un être cher. Ce moment tiraillé entre l’irrépressible besoin d’aller de l’avant et l’impossibilité de ne pouvoir douloureusement regarder en arrière.

La roue tourne et celle de l’histoire ne fait évidemment pas exception. Quatre ans de commémorations s’achèvent que déjà une autre salve se profile. Rendez-vous est pris en 2025 – c’est déjà demain – pour se saisir du 8oe anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, aussi terrible et encore plus atroce que ne le fut la Première.  » Jamais deux sans trois « , se prend-on parfois à penser avec effroi. D’où ce travail salutaire et ce devoir impérieux de mémoire. Qui doivent inciter à ne jamais baisser sa garde.

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