L’exil prolongé des libérateurs polonais de la Flandre
Ils ont libéré la Flandre en septembre 1944, ils seront 300 à y refaire leur vie, faute de pouvoir regagner leur patrie désormais sous régime communiste.
La campagne-éclair de septembre 1944 n’a rien eu d’une promenade de santé. L’ennemi n’a souvent été délogé, repoussé, anéanti qu’au prix d’affrontements meurtriers. Engagés contre les forces allemandes dans la partie nord de la Belgique, les » diables noirs » de la première division blindée polonaise du général Maczek, » Baca » pour ses soldats, laissent quelque 400 des leurs en terre de Flandre.
A ceux qui ont survécu, l’euphorie de la Libération laisse un goût prononcé d’inachevé. Ils se sont vaillamment battus pour rendre libre un pays qui n’est pas le leur, ils réalisent vite qu’il leur sera impossible de délivrer leur propre patrie. La paix rétablie en mai 1945, en accouchant d’une Europe divisée entre un camp occidental et un bloc soviétique, les place face à un dilemme : regagner une Pologne sous régime communiste ou prolonger leur exil. Puisqu’un retour au bercail ne pourra se faire qu’à leurs risques et périls et qu’une patrie de substitution leur tend les bras, plusieurs de ces soldats franchissent le pas.
Les villes et campagnes de Flandre n’ont pas caché leur joie et leur gratitude envers leurs libérateurs, accueillis en héros par des banderoles de bienvenue rédigées à la hâte en polonais. Des idylles se sont nouées, de vraies histoires d’amour se prolongent et la promesse d’une nouvelle vie se dessine. » De 1945 à 1947, quelque 300 soldats polonais ont épousé une Flamande et la plupart se sont établis dans l’une des communes libérées « , rapporte Machteld Venken, slaviste et historienne belge à l’Université de Vienne, qui a retracé le parcours de ces hommes après la guerre.
Dans l’affaire de la belle-famille ou à la mine
Pour ces soldats rendus à la vie civile, ces unions ont un prix : il leur faut troquer la nationalité polonaise pour un statut de personnes déplacées. Au moins ces mariages mixtes les protègent-ils provisoirement d’une expulsion. Mais il leur reste à trouver un employeur disposé à leur garantir deux ans de travail. Peu scolarisés, ne parlant pas le néerlandais, ces Polonais misent souvent sur les réseaux de leur épouse, intègrent comme indépendants les affaires de la belle-famille ou de connaissances locales. Pour les moins chanceux, c’est la mine, alors en manque de main-d’oeuvre, qui leur offre un emploi.
Ces anciens combattants finissent par échanger leur statut de réfugié pour la nationalité belge qui peut s’obtenir au bout de cinq ans de séjour. La démarche relève de la formalité, » les mariages de filles belges avec des soldats polonais n’étaient pas perçus comme problématiques « , prolonge Machteld Venken. Détenir un passeport belge n’offre pas seulement la protection chez nous mais permet aussi à ces exilés de se rendre en Pologne en sécurité. Et c’est en septembre 1991 que les vétérans de la 1ere division blindée polonaise franchissent tout aussi symboliquement, au pas cadencé, la frontière polonaise à Francfort sur l’Oder. Ils ont fini par pouvoir rentrer au pays, la tête haute.
» Les ailes blindées « , catalogue de l’exposition polonaise au Musée royal de l’Armée, 2019.
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