Palestine, 1943. Un groupe de jeunes réfugiés polonais arrive en Palestine avec l'une des cinquante infirmières qui accompagnaient les enfants. Enfin, en sécurité dans leur nouvelle patrie, leur éducation sera financée par des fonds américains.

Les Alliés rechignent à accueillir les réfugiés

Qui savait quoi des atrocités nazies ? Et depuis quand ? La réponse ne fait, hélas !, aucun mystère. Aussitôt alertés des plans de solution finale d’Adolf Hitler, ses ennemis ont sciemment détourné le regard. Comment l’expliquer ?

En été 1938, la Société des Nations tient une conférence de crise à Evian. A l’instigation des Etats-Unis, les représentants de trente-deux Etats membres devisent à huis clos de la possibilité et de la manière de venir en aide aux Juifs allemands et autrichiens qui, à cette période, conservent légalement le droit de s’expatrier. Le fait que les Juifs y soient devenus indésirables est connu au moins depuis 1935 – les lois raciales de Nuremberg sont absolument explicites à cet égard.

A Evian, aucun participant n’est cependant prêt à accueillir ces milliers de réfugiés juifs. Ni Washington ni Londres ne sont disposés à leur tendre une main salvatrice. Le Royaume-Uni veut éviter un exode juif massif en Palestine – alors placée sous son mandat – et les conflits qui s’ensuivraient immanquablement dans les zones d’extraction pétrolière en Arabie. De leur côté, un nombre croissant d’électeurs américains ne sont guère enclins à voir grossir la cohorte de migrants juifs déjà présents – le président Franklin D. Roosevelt lui-même semblerait nourrir secrètement quelque défiance à leur encontre.

Le 18 mai 1942, un an après le début de l’opération Barbarossa, un premier bilan du génocide paraît dans le New York Times – pas encore à la Une. Le quotidien rapporte que cent mille Juifs ont été passés à la mitrailleuse par les nazis en Pologne, à peu près autant dans les Etats baltes et le double en Russie occidentale. Au cours de l’été, les nouvelles diffusées dans la presse alliée se font de plus en plus préoccupantes. Fin juin, ce même journal dénombre plus d’un million de victimes juives.

QUE DES MOTS CREUX

Dès juillet 1942, Eduard Schulte, un industriel allemand antifasciste, fait parvenir au Congrès juif mondial, grâce à son associé suisse, des informations plus détaillées sur la solution finale. Aussitôt mis au courant, Londres et Washington tardent néanmoins à réagir. Le 17 décembre suivant, pendant la bataille de Stalingrad, le secrétaire aux Affaires étrangères britannique Anthony Eden déclare enfin devant la Chambre des lords que, sur ordre d’Hitler, « les nazis sont en train d’exterminer les Juifs d’Europe ». Le gouvernement américain annonce alors placidement que ces « crimes » seront vengés. Hitler intègre la menace. Le 1er mars 1943, des Juifs s’étant rassemblés en nombre dans les rues de New York pour presser les Alliés d’intervenir, le Führer y voit encore une preuve de la conspiration juive mondiale dont il prétend être la cible.

Mais la conférence des Bermudes d’avril 1943, où les Etats-Unis et le Royaume-Uni discutent une nouvelle fois du sort à réserver aux réfugiés juifs, ne livrera que des mots creux. Toute entreprise sur le terrain risquant de prolonger la guerre, les quotas d’immigration américains ne sont pas rehaussés et l’accès à la Palestine reste strictement verrouillé par les Britanniques. Aujourd’hui, les conséquences de leur sinistre passivité ne peuvent plus tromper personne.

Pour mémoire, le cas du paquebot Struma est éloquent. Parti de Roumanie vers la Palestine à la mi-décembre 1942 avec près de 800 Juifs à son bord, il est refoulé par les autorités britanniques. Contraint de reprendre la mer en février 1943, le navire est finalement coulé en mer Noire par un sous-marin russe qui le prenait pour un bateau ennemi. Un seul survivant! Par la suite, les appels répétés de l’Etat roumain, allié de plus en plus réticent du Reich, à laisser quelque 70000 Juifs se réfugier en Palestine ne seront jamais entendus par les Alliés. Autant de condamnés supplémentaires à l’Holocauste.

PAS DE RAIDS SUR LES CAMPS

Face aux pressions croissantes du Congrès sur le gouvernement américain, le président Roosevelt annonce, le 24 janvier 1944, la création du War Refugee Board (« Agence pour les réfugiés de guerre »). Enième emplâtre sur une jambe de bois? L’agence estime avoir contribué à épargner 20 000 personnes dans les pays occupés – et même 200000 d’après l’historien David Wyman. Usant des fonds américains, le diplomate suédois Raoul Wallenberg leur a été d’un grand secours.

Mais les nouvelles filtrant du territoire nazi sont toujours plus alarmantes. Fin novembre 1944, le New York Times fait toute la lumière sur les protocoles d’Auschwitz en publiant le témoignage amplement détaillé de Rudolf Vrba et Alfred Wetzler, deux Slovaques qui avaient réussi à s’évader au mois d’avril d’Auschwitz-Birkenau. Leurs récits sont unanimement corroborés par d’autres témoins des mêmes atrocités.

Tout le complexe est ensuite fréquemment survolé et photographié par les pilotes alliés. Mais les appels à pilonner au moins les voies ferrées vers Auschwitz – émanant d’organisations juives et même du War Refugee Board – sont systématiquement ignorés. Le même argument continue d’être invoqué. En prolongeant inutilement la guerre, de tels bombardements ne feraient qu’aggraver le bilan humain de l’Holocauste, tant dans les camps qu’à l’extérieur. Une logique qui prévaudra jusqu’à la capitulation finale du IIIe Reich, le 7 mai 1945.

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