Le testament qui élimina Léopold III
Bien sûr, il arrive à tout le monde de poser de mauvais choix. Même à un roi ! En 1940, Léopold III décide de ne pas suivre le gouvernement belge en exil.
Par la suite, il parie sur une victoire allemande, et rencontre Hitler. Ce furent là de mauvais choix. Dommageables. Mais pas irréparables. Car quand on pose de mauvais choix, on peut toujours le reconnaître. Faire profil bas et rectifier le tir. C’est exactement ce que ne fit pas Léopold III. Au soir de la guerre, il persiste et signe un document explosif. C’est à cause de son » testament politique » que le roi perdit sa couronne.
Début 1944. Le vent tourne et le roi s’inquiète. De plus en plus, une victoire alliée se dessine. Pire : il semble qu’Hitler songe à déporter la famille royale. Alors, Léopold III prend la plume. Ou plutôt, il demande à ses principaux conseillers de coucher quelques idées sur papier. » Incertain du sort que (risquait) à tout moment de me réserver Hitler, je (craignais) de n’être pas présent lors de la libération du pays « , expliquera-t-il. » Je (voulais) laisser aux ministres mes conseils et mes avertissements. »
Sauf que… le texte est sévère. Le souverain justifie ses choix passés, insistant sur le respect dont il a toujours fait preuve envers la Constitution. Il souligne ensuite l’importance d’assurer » définitivement » la bonne entente entre Flamands et Wallons, et de mettre en place des mesures sociales. Viennent les points problématiques. Léopold exige le retour à la neutralité d’avant-guerre. Il attaque aussi les ministres qui l’auraient critiqué, leur demandant » une réparation solennelle et entière « . Quant aux alliés, aux résistants, aux martyrs ? Pas un mot pour eux. » Ce document, confidentiel, était destiné au gouvernement et non au pays « , expliquera le roi. » La circonstance n’était donc pas indiquée pour rendre hommage. »
Daté du 25 janvier, le texte est achevé en mars 1944. En juin, la famille royale est emmenée en Allemagne. Manifestement inquiète, la princesse Lilian, épouse de Léopold, emporte avec elle l’une des versions du » testament « . Au cours du voyage, elle prend même soin de le faire disparaître. Mais d’autres versions circulent. Dès juin, encore à Londres, les ministres ont connaissance du document. En septembre, de retour à Bruxelles, ils reçoivent le texte, effarés. Ils n’hésitent guère : le Premier ministre Pierlot proclame que son gouvernement fera tout pour » sauver le roi « , mais sans porter atteinte à l’honneur de ses membres.
Bientôt, le texte se retrouve entre les mains du cardinal Van Roey, du prince Charles, des autorités anglo-saxonnes. Plus tard, il paraîtra même dans la presse. En 1945, Léopold est toujours roi mais a déjà perdu la face. Les mots qu’a pour lui Anthony Eden, ministre britannique des Affaires étrangères, sont révélateurs : » Je ne vois pas ce qu’il y a à reprocher au roi sinon d’être plutôt minable et d’être ainsi un parfait représentant du peuple belge, qui a vainement espéré se tenir en dehors de cette guerre. »
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