L'envolée des partis communautaires belges dans les années 1960 suscite toujours le débat. © BELGAIMAGE

Le 23 mai 1965, l’envolée des partis communautaires belges

Bien sûr que c’était attendu. Mais comme ces malheurs que l’on pressent tout en espérant, jusqu’au bout, pouvoir y échapper. Rien n’y fait, pourtant. En ce dimanche électoral, les partis communautaires cartonnent.

Au sud du pays, diverses listes  » wallonnes  » séduisent plusieurs dizaines de milliers d’électeurs. C’est un phénomène inédit ! A Bruxelles, le tout jeune Front démocratique des Bruxellois de langue française obtient trois députés et un sénateur. Et au nord, la Volksunie atteint un sommet : elle envoie douze représentants à la Chambre. Effet de mode ou tendance nouvelle ? Au soir du 23 mai 1965, tandis que les partis traditionnels sont bousculés, les analystes sont partagés.

Jusqu’alors, c’est entre  » gens bien  » que l’on faisait de la politique. Maroquins et strapontins étaient répartis entre représentants des vieilles familles. Les libéraux avaient vu le jour en 1846, les sociaux-chrétiens en 1884, et les socialistes en 1885. Les décennies passaient, les mêmes demeuraient. Et à chaque dimanche d’élection, c’est parmi eux que l’on recensait vainqueurs et vaincus.

Bien sûr, certains avaient tenté de briser cet entre-soi. Dans l’entre-deux-guerres, nationalistes flamands et rexistes s’y étaient essayés. Leur succès avait cependant été de courte durée : pendant la guerre, leurs accointances avec le nazisme les avaient condamnés à disparaître. Dans la foulée, les communistes eurent le vent en poupe. A la fin des années 1940, ils ont séduit plus de 300 000 électeurs et participé à plusieurs gouvernements. L’installation de la Guerre froide allait ensuite rompre le charme.

Les années 1960 annoncent l’avènement d’une Belgique nouvelle. Les querelleurs se sont trouvé un nouveau clivage : dorénavant, tout sera communautaire. Il faut dire que le centre de gravité est en train de se déplacer. Petit à petit, la Flandre monte en puissance. A tous points de vue : autant sur le plan démographique qu’en matière économique ou politique, c’est elle qui se met à donner le ton. La Wallonie, elle, commence à craindre. En même temps que ses charbonnages et sa métallurgie, elle voit s’évanouir le reflet de sa splendeur passée. Et Bruxelles ? Elle prend doucement conscience qu’elle n’est composée ni de Flamands ni de Wallons, mais de Bruxellois.

Si les uns bombent le torse, les autres serrent les fesses. Pour attaquer ou pour mieux se défendre, tous tentent le repli sur soi. Le coup de boutoir du 23 mai 1965 porte atteinte à un vieux dogme, celui de la légendaire stabilité du corps électoral belge. Et ce n’est que le début : c’est bien une ère nouvelle qui s’annonce. Dorénavant, les étoiles montantes s’appellent Volksunie (VU), Front démocratique des francophones (FDF), Rassemblement wallon (RW)… Elles ne parlent qu’une seule langue, celle de la communauté à laquelle elles s’adressent, et elles contraignent les partis traditionnels à s’adapter. Comment ? En divorçant ! Entre 1968 et 1978, sociaux-chrétiens, libéraux et socialistes se scindent tous en deux branches linguistiques distinctes. Et c’est ainsi qu’un nouveau paysage politique émergea.

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