Immersion dans la Guerre froide au musée du KGB (en images)
Principale spécialité de ce musée, conçu par l’historien lituanien Julius Urbaitis: les technologies les plus pointues utilisées par les services de renseignement soviétiques.
Le vaste hall d’exposition, sur la 14e rue, abrite quelque 3.500 objets originaux, que M. Urbaitis, 55 ans, dit avoir rassemblés en 30 ans de recherches « dans le monde entier »: des dizaines de caméras et appareils photos conçus par le KGB pour être dissimulés dans des boutons, des ceintures ou autres accessoires vestimentaires, micros miniature, cachettes à documents insérées dans des talons de chaussure… On trouve aussi une réplique du « parapluie bulgare », le parapluie tireur de poison utilisé en 1978 à Londres pour assassiner le dissident bulgare Gueorgui Markov, un des épisodes emblématiques de la Guerre froide. Ou encore un sceau américain géant, offert en 1945 par des écoliers à l’ambassadeur américain Averell Harriman, avec dedans un minuscule micro fonctionnant à l’énergie électromagnétique, technologie pionnière à l’époque. Rapporté à l’ambassade américaine à Moscou, il permit aux Soviétiques d’écouter, des années durant, des conversations dans l’ambassade.
Décors d’époque
Le musée propose une virée dans l’univers d’un monde soviétique aujourd’hui disparu, grâce aux soins apportés au décor: riche en mobilier, uniformes, livres et menus objets utilisés par les agents soviétiques, depuis le petit livret de l’agent « tchékiste » (la Tcheka fut l’ancêtre du KGB) en passant par des cigarettes d’origine ou des tasses de thé, jusqu’aux téléphones et machines à écrire. Et pour ceux qui peuvent s’offrir une visite guidée (l’entrée simple coûte 25 dollars par adulte, la visite guidée 43,9 dollars), les guides sont de vrais russophones, comme Sergueï Kolosov, ex-détective pour la police de Saint-Pétersbourg qui a utilisé certains de ces objets.
Le musée est privé. M. Urbaitis et sa fille, Agne Urbaityte, 29 ans, ont tout organisé mais n’en sont que les conservateurs, expliquent-ils. Le propriétaire est « une société américaine »: elle veut garder l’anonymat mais comprend des collectionneurs, disent-ils sans plus de précision. Ces collectionneurs avaient entendu parler des recherches de M. Urbaitis – et notamment du bunker nucléaire que lui et sa fille ont converti en musée du KGB en 2014 dans leur ville lituanienne de Kaunas.
« Quelqu’un qui connaît le régime »
« Les Américains sont venus plusieurs fois en Lituanie, et m’ont demandé si je ne pouvais pas faire un musée aux Etats-Unis », dit-il. « Ils ne voulaient pas (…) de quelqu’un qui n’aurait pas connu le régime » soviétique. La Lituanie, annexée comme les deux autres pays baltes par l’Union soviétique pendant la Seconde guerre mondiale, n’a retrouvé son indépendance qu’à la chute de l’URSS en 1991, quand M. Urbaitis avait 27 ans. Comme « tous ceux qui voulaient arriver à quelque chose » en URSS, l’historien a adhéré à des organisations communistes pour la jeunesse, comme les Pionniers et les Komsomols. Aujourd’hui, il se dit « apolitique », avec pour seule ambition de « faire de ce musée le meilleur du monde sur les technologies du KGB ».
iPhone et réseaux sociaux
M. Urbaitis ne cherche pas à documenter les technologies actuelles d’espionnage, liées souvent aux objets connectés du quotidien. « Aujourd’hui nos ordinateurs et nos iPhone sont les meilleurs espions, c’est nous-mêmes qui fournissons les informations, c’est plus facile pour les agents! » dit-il.
Le contexte est porteur pour ce musée: entre les accusations d’espionnage russe, les soupçons de collusion avec l’équipe de campagne de Trump ou l’empoisonnement de l’ex-agent double Sergueï Skripal au Royaume-Uni, attribué à Moscou. Et le KGB est au coeur de la série à succès « The Americans », librement inspirée de la vie d’espions soviétiques installés pendant des années aux Etats-Unis et parfaitement américanisés.
A peine ouvert, le musée a déjà accueilli des centaines de visiteurs. « On a été bien occupé depuis l’ouverture », sourit Agne. Jim Lytle, un publicitaire retraité venu visiter les lieux avec sa femme dernièrement, est reparti emballé. « Ça montre vraiment comment nos deux pays essayaient constamment d’obtenir les secrets de l’autre », dit-il, avant d’ajouter: « Nous sommes dans un autre type de guerre maintenant, beaucoup se passe sur internet et sur les réseaux sociaux ». (Texte et photos: AFP)
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